histoire textile

  • L'album merveilleux de Gabrielle

    On le sait je suis collectionneuse, et notamment de  cahiers ou exercices de broderie et couture. J'en possède un certain nombre, cahiers d'écolières , mais aussi d'apprentissage professionnel . J'en ai montré , ici ,plusieurs . J'ai trouvé récemment sur un site de vente aux enchères ce trésor .

     

     

    Gabrielle couverture

     

    Page de gade gabrielle 1

     

    C'est un album relié comportant une vingtaine de pages,  chacune présentant un travail de broderie ou couture, quelques pages vierges à la fin qui ne sont pas des manques (rien n'a été décollé)  réalisés par une certaine Gabrielle Gruson en 1888 au pensionnat des dames de Saint Maur d'Armentières. Pourtant on ne dirait pas un cahier scolaire (pas de notes,  pas d'appréciations)  et  c'est présenté comme un album de collection comme si la jeune fille avait voulu  rassembler les  réussites d'un impeccable apprentissage .

    Car la qualité  d'exécution est d'une perfection à couper le souffle surtout sur des formats si petits  (de l'ordre de 10 cm  de haut). Les photos de détails  agrandis trahissent un peu cette impression d'extrême finesse . A l'oeil nu, en grandeur réelle, c'est époustouflant  ! Les toiles utilisées comme support sont extrêment fines (du linon probablement )  et même la broderie d'or qui clôt le travail textile est faite avec des cannetilles minuscules .

    Gg broderie dor detail

    C'est surtout ce don pour la miniaturisation qui ici est remarquable. Qui s'est essayé à coudre une robe de mannequin pour une poupée Barbie sait combien il est difficile d'être précis et minutieux dans du si petit.  De  plus tout est monté avec un soin  extrême les échantillons sont encadrés de dentelle (parfois frebrodée) , collés sur du satin uni lui-même tendu sur un carton . C'est impeccable ! Une majorité d'échantillons est consacrée à la broderie blanche ou au travail sur tissu blanc (plis notamment avec jours et broderies) . J'ai craqué pour ce joli motif de toile d'araignée  ( 1cm et demi en taille  réelle) .

     

    Page 3 detail 2

     

     

    Mais toutes les pages sont intéressantes de ce travail au blanc . J'en montre ci dessous quelques-unes en leur ensemble :

    Gabrielle page 2 blanc

     

    Gg page 3

    Gg page 7

     

    Gg pge 11

    Parfois les  broderies blanches et insertions de dentelles sont rehaussées de broderies de couleur :

    Gg page 8

     

    Il ya plusieurs samplers aux points de croix  tous très harmonieux au niveau du  choix des motifs et des couleurs restées très fraîches pour un ouvrage de cette ancenneté :

    Gg page 4

    Gg page 5

     Quelques détails  (agrandis) :

    Gg page 5 detail 2

     

    Ggpage 5 detail

     

    Page 15 gg detail alphabet 1

    Et v ce merveilleus mini alphabet, 10 cm environ de hauteur totale  les lettres sont minuscules et le tissu très très fin

    Quelques exercices de pose de pièces en couture  dont une sur motifs avec des raccords qui doivent coïncider de manière à rendre la réparation moins visible.

    Gg page 10 detail

     

    Des échantillons de crochet, certains sont restés libres dont le petit bonnet qui fait 3 cm de haut !

    Gabrielle crochet

    Gabriele bonnet

    Des "découpis" ces motifs découpés cans un carton perforé  qui imitent les motifs brodés :

    Decoupis 1 gabrielle detail

     

     

     

    Et merveille des merveilles quatre petits  vêtements (hauteur moyenne 12 cm) faits main avec un soin qui défie toute concurrence , les points sont minuscules les finitions impeccables C'est fait main naturellement avec coutures anglaises et rabattues) on imagine la dextérité nécessaire pour poser une patte de moins de 2 cm sur un si petit vêtement . La broderie anglaise du petit corsage est elle aussi faite main (sur une largeur d'un centimètre et demi j'ai agrandi pour voir !) .

    Gg gabrielle page chemise 1

    Chemise 2 gabrielle

    Culotte gabrielle

    Gabrielle page corsage

     

     

    Quelques détails des finitions :

     

     

     

    Gabrielle chemise page 1 detil 2 patte

    Gabrielle page corsage detail 1

    Gabrielle page cemise 1 detail

    Vous imaginez mon extase et mon émeveillement .  Et je n'ai pas tout montré !

    . J'ai cherché sur es sites de généalogie qui pouvait être cette Gabrielle aux doigts de fée , ce pourrait être celle née en 1872 à Armentières  elle aurait eu 16 ans au moment de la réalisation de ces travaux et décédée hélas l'année de ses noces à Reims en 1905 . Ou une autre du même patronyme née en 1875 ce qui fait 13 ans pour ces travaux et dont la trace s'arrête là.(cela me semble un peu jeune pour une telle maîtrise de la couture,mais tout dépend de l''âge où on a commencé) .

    J'ai voulu partager un peu de  ce trésor (bien plus beau en réalité qu'en photographies) . Toutefois si une amie brodeuse voulait refaire un sampler ou une broderie qu'elle me le dise, je pourrai reprendre des clichés !

     

  • La vogue du "slow stitch"

     Les livres anglo-saxons et américains depuis quelques années , ainsi que les blogs et sites regorgent de publications sur cette "nouvelle" manière d'aborder la broderie et l'assemblage d'étoffes.
    Or tout ce qui est manière d'assembler des tissus différents entre eux m'intéresse ! J'ajoute que si je ne suis pas les modes, j'en intègre ce qui me semble recouper mes propres envies et désirs par rapport aux diffférentes façons de connecter les étoffes entre elles et surtout de s'exprimer par ce moyen. C'est encore des moyens de "dire avec".

    On y trouve des surfaces, des livres, des vêtements,  , des  sculptures ... Le point commun reste la récupération de textiles qui ont un vécu, la lenteur du geste main, le renoncement à une perfection normée pour une expression plus libre . Et évidemment chaque artiste lorsqu'elle crée véritablement et a une personnalité forte y imprime sa marque et son expression.

    La couleur penche vers le beige-écru- blanc (mais rien n'interdit d'utiliser des couleurs vives, peut-être ces tons délavés ou très pastels ont-ils une implication aussi écologique (moins de teintures agressives pour la nature )   Un des directives celle qui me plaît le mieux c'est faire avec ce que vous avez sous la main, éviter les modèles tout faits, improviser ....et pour ma part , je ne m'interdis pas d'utiliser des tissus neufs de ma collection "spécial patchwork", si pour moi ils ont une signification, un appel particuliers.

    Le point de broderie  dominant est le point avant (ou devant) se recommandant du boro japonais ou du point de Kantha  indien (ce qui n'est pas tout à fait la même chose) en passant par notre point de reprise . Mais on peut y trouver des broderies beaucoup plus complexes et élaborées. Si on gomme l'aspect méditation et spiritualité que certaines pratiquantes  aiment attacher à ce genre de geste (moi pas du tout ! ) , le rôle de ce point simple à faire est d'unifier les fonds, souvent pour poser dessus appliqués et broderies , objets trouvés, citations de textes ou de poèmes.  Histoires de vie (la je me sens déjà plus adhérer !)  qui se recoupent celles des brodeuses couseuses d'autrefois et  "marques" personnelles de l'artiste qui recompose avec .

    Si vous tapez "slow stitch" dans un moteur de recherche " vous aurez une idée de ce à quoi ces surfaces ressemblent. et de l'abondance d'articles et d'ouvrages qui lui sont consacrés. Comme souvent quand quelque  chose  se fonde aux USA , il ya comme pour les Modern quilts, un "mouvement"

    iL ya à cette vogue plusieurs visées ou explications ou justifications...

     Le retour à un geste main , lent  qui porterait à la méditation ... venu des USA où on aime à la fois les psycho- philosophies  vaguement encore imprégnées de new âge  en  réaction  à un pays où la machine est reine dans les arts textiles ... où tout est fait machine (time is money !)  depuis belle lurette et où la démocratisation des machines dites long arms qui permettent de matelasser de grandes surfaces avec des motifs complexes a donné naissance à des kyrielles de Modern quilts depuis une quinzaine d'années -  vague de quilts comportant souvent  de grandes surfaces unies  dites  négatives" " se voulant minimalistes ou dépouillées 'elle aussi au nom d'une "philosophie" ) .  Sans caution 'spirituelle"   point de salut (un peu comme on faisait des mandalas dans les années 2000 jadis  sans trop avoir approfondi ce que cela signifiait vraiment dans l'hindouisme et le bouddhisme )  .  Certains livres abondent de considérations de coaching personnel censé vous mettre en relation  avec votre essence, votre intérieur et votre essentiel . Autant vous dire que je n'adhère pas trop  à cet aspect des choses , mais si ça fonctionne sur vous, pourquoi pas ! Moi ce qui me plaît c'est comment les tissus  s'harmonisent ensemble pour dire..une histoire personnelle .

    Le geste main par sa lenteur même s'il ne me porte pas à méditer me détend .. c'est un autre aspect de  l'activité . J'ai toujours préféré  coudre  à la main, on le sait n'ayant recours à la machine que pour des aspects qu'elle seule peut me donner ou une solidité de couture ou l'aspect des points décoratifs .et ce, depuis bientôt quarante ans que j'assemble des étoffes en quilts, qui racontent tout autant des "histoires", étant donné que je ne  suis pas un modèle pour avoir un joli couvre-lit ou du moins pas seulement ! Et que même ces jolis couvre-lits quand ils sont créés de manière personnelle peuvent dire une histoire de vie comme relaté dans  Anonymous is a woman .

    Pas pour la méditation mais parce que le geste main permet de sertir morceau par morceau, de changer d'avis que c 'est aussi un geste de contact étroit et sensuel avec la matière travaillée.

    L'aspect qui m'intéresse c'est  aussi celui qui est de l'ordre du collage d'étoffes et de leur application à bords vifs le plus souvent (dans la plupart des cas des lignes de point avant les reouvrent droites ou en cercles concentriques , avec des compositions de "pages" on en trouve  beaucoup dans les livres en  textiles plus ou moins élaborées. Je n'aime pas trop l'entassement "sans air et sans grâce" comme aurait dit jadis ma mère. J'aime que la beauté des tissus et des dentelles que je révère soit mise en  valeur c'est pourquoi j'ai toujours préféré  juxtaposer à recouvrir , même si le slow stitch se pratique en couches souvent. Le chevauchement  de morceaux cependant est une voie à creuser...pour moi s'entend par rapport à mes visées à moi, mes exigences comme je dis.

    ..

    Ce sont des créations en style libre le plus souvent où l'artiste improvise peu ou prou (cet aspect-là me sied mieux), il semble d'ailleurs  que les rouleaux vont remplacer peut-être la vogue des livres.,)  on reviendra donc aux sources des livres sous formes de volumina(qui a donné notre mot "volume"  ) des Romains.  Jadis les brodeuses faisaient déjà des samplers (échantillonnages de points) en rouleaux , mais là ce qui séduirait c'est l'aspect informel , improvisé on prend un départ, on s'arrête quand on veut à la "ligne" ou au motif suivant .Pour moi qui suis hantée par l'idée de n'avoir pas le temps de finir , j'aime l'idée d'un ouvrage qui le serait dans son inachèvement . J'ai quelques débuts en cours ...en ce sens, auquel j'adjoins evidemment les tissus "patchworks" imprimés  évités par les autres en ce genre d'ouvrages-si on excepte les vieux blocs classiques pour le "recyclage" .


    le dorica castra  qui s'inscrit dans une série sur les figures de style, en est un exemple.

    Dorica castra derulement 1

    Le recyclage me préoccupe moins - que la nouvelle vie esthétique de quelque chose fait par d'autres mains.  L'artiste Mandy Patullo dit lui préférer le mot de "reworking" retravail, transformation La nuance est difficile à faire saisir je ne fais pas cela pour sauver la Nature ou la planète a fortiori mais pour que ne se perdent pas des heures de vie et de travail textile industriel ou manuel  ou tout simplement un fragment que je trouve beau, qui me dit, à moi quelque chose de particulier .. Ce n'est pas tout à fait l'optique conforme aux doxas actuelles, mais comme on le sait je suis mon chemin et précisément ces oeuvres en "déroulement" -et non  déroulé (autre mot à la mode !) sied à cette époque de ma vie .  Cela n'exclut pas d'en faire aussi des livres textiles , le trois fois rien" en étant un parmi d'autres en cours, ou bien encore ce Keepsake réalisé avec des étoffes précieuses à conserver.

    Keepsake livre textile jacqueline fischer 9

    ou bien encore ces morceaux choisis-1 un deuxième est en cours;   pour illustrer .l'histoire des tissus des années 30 .Morceaux choisis livre textile jacqueline fischer 5

     

     

     

     

     

    J'ai une grande admiration pour le travail de Mandy Patullo (qu'on peut voir sur ce site ) Et qui a écrit deux livres très inspirants sur le sujet.
    et celui de Karen Duane différent .

    Slow stitch est  le livre de base de Claire Wellesley Smith  qui a écrit aussi un Resilient Stitch . Disons que je suis asez éloignée comme dit ci dessus de cet aspect résilience, thérapie ou penser à travers le geste -que je ne renie pas, mais mes accès sont différents.

    Une mention pour Tilly Rose  dont j'apprécie beaucoup le Souvenirs brodés (que j'ai en  version originale)

     Il en existe beaucoup d'autres.

    J'ajouterai qu'il est dommage à mon avis que, parce que  ce n'est pas du "contemporain", on n'ait pas sur certains quilts de création juste parce qu'on a usé d'un bloc comme point de départ ou d'un tissu pas de "récupération"  le même regard , car au fond coudre à la main mille petits bouts différents pour dire sa vie, ses sentiments ses émotions c'est  ce que font les artistes textiles jugées si injustement-à tous les sens du terme!-  "traditionnelles" donc démodées depuis..la nuit des temps . Dans ce retour au geste main, à la recomposition de quelque chose à partir de bribes, de tesselles de fragments une surface élaborée à coutures cachées a aussi à dire , et même e usant de tissus neufs ou spécial patchwork demain ils seront vintage ! tout va si vite ! mais... on ne l'entend jamais, ce n'est pas "mode" ... Quand sortira -t-on de  ce type de regard sur l'art textile, quand le regardera-t-on sans préjugés  sans classement-relégation d'office, pour  ce qu'il est vraiment ?

  • Collections

    J'ai une âme de collectionneuse. Sans doute bien avant de collecter des  tissus(quoique ceux-ci soient entrés de bonne heure dans ma vie ).

     Pas tant pour le côté "possession matérielle" de la chose que pour celui de disposer d'une variété importante de matières, une richesse pour dire en étoffes, très exactement comme en tant que personne pratiquant l'écriture , j'avais soif de mots  Je lisais tout ce qui me tombait sous la main, mais pas seulement des mots alignés dans les dictionnaires -encore que je les aime , les dictionnaires- mais les mots en situation , dans un contexte. Ceux qu'on apprend par imprégnation  . Ceux dont  le sens dépend des mots à côté.  Les  morceaux d'étoffes mis ensemble peuvent parler de manière analogue, mais c'est une voie peu explorée car jugée " non contemporaine".Ce qui me  semble  absurde autant que péremptoire, je le répète .

     Je suis une artiste des tissus et des fils dans leur variété . Et cette variété couplée à celle des techniques et des "genres" d'expressions textiles (déjà rien qu'avec tissus et fils il y a à faire!) qui est mon terrain d'exploration infini . On trouve toujours autre chose à y découvrir, pas besoin d'ajouter du fil de fer ou du plastique  si on ne se sent rien à dire avec ces matières-là . Même si ça vous classe automatiquement "vrai art textile contemporain " .

    (avec souvent un intérêt historique , parimonial) ou affectif ,  esthétique (texte dessins couleurs  toute cette sensualité des étoffes si diverse) ,  mais aussi comme langage c'est à dire que mis en relation avec d'autres, comme les mots dans une phrase, les tissus s' orchestrent  entre eux, comme un langage particulier. C'est cet aspect qui aujoud'hui  échappe au "contemporain" et aux analystes .

     C'est pourquoi ce choix du patchwork il ya presque 40 ans (à force d'écrire plus de 30 ans , le temps a passé).

    Pour moi la recherche de tissus a donc été primordiale pour enrichir ce vocabulaire textile . J'ai expliqué  combien les dessins sur les étoffes me parlaient et m'incitaient à cette expression par justement le nombre et l'harmonisation du disparate . Ensuite d'autres aspects de travail sur et par les tissus m'ont inspirée.

    Car la collection  se déploie dans plusieurs voies:

     - Les tissus neufs spécial patchwork achetés mais jamais en assortiment ou alors pour les déssasortir.Ils offrent une variété quasi infinie de motifs, mais  si l'harmonie vient du vendeur ou du designer , je me sens frustrée comme si on voulait parler à ma place .  Je ne cherche pas à faire du joli bien assorti ou au goût du destinataire. On le peut ce n'est pas infamant mais ça s'oppose en moi à ce désir de "dire à ma façon".

    - ceux issus de l'héritage familial particulièremenent précieux .Cette valeur ajoutée evidemment est la plus diffcilememet partageable mais, pour ceux qui savent ressentir , elle l'est .

    -ceux récupérés dans les ventes de tissus anciens . Ils arrivent avec leur parfum du passé ,leur mystère . J'y compte les collections d'exercices de broderie et couture si touchants :, ceux qui ont donné ce   livre Lucette et Jacqueline(s) .

    Lucette et jacqueline la page des initiales jacqueline fischer

    - Ceux par dons et échanges qui fondent les liens de sympathie (au moins ponctuelle) ou d'amitié .Là encore il ya quelque chose qui est propre au patchwork , qui peut-être le rapproche de la photographie : les tissus comme souvenirs des défunts aussi ,des perdus de vue , le moment qui s'y attache. ..   Mon oeuvre textile c'est aussi bien un recueil de poèmes ou de nouvelles ou une autobiographie puisque je pense qu'on n'échappe pas à son 'moi" qui n'est pas forcément un ego . Quelque chose qui propose et se pose, donc. Des livres de vie avec pages juxtapiosée s ou présentées en livre. Je l'ai dit la présentation en livre est plus tendance actuelement, mais j'ai toujours demandé qu'on lise mes surfaces comme des textes, aux pages juxtaposées .  .Pour moi la liaison textes et textile ne m'est pas venue parce  que c'est une des modes de l'art txtile aujourd'hui .Elle était sous-jacente.

    Ces trois sortes  de collections sont des morceaux assez grands rangés enemble en rouleaux , avec un repertoriage en carnet qui permet de s'y repérer  mais j'ai encore une mémoire qui fonctionne à cet égard .  -

    Ceux issus des collections d'échantillons du temps où les vendeurs à chaque saison envoyaient à leurs  fidèles clients des pochettes (j'en ai encore et ils furent une de mes joies ! celle de découvrir , de choisir parmi eux les quelques-uns dont je posséderai un morceau plus grand (fat quarter c'est à dire quart de yard) ou 25 cm  sur le métrage, plus si je pensais fond, doublure ou bordure pour un projet en cours.

    pict0161.jpg

    et les collections anciennes d'échantillons   sur lesquelles je me suis penchée plus récemment, les  commerciales  et parfois les cahiers techniques auxquels je ne touche que si ça vaut la peine de les présenter d'une autre manière . Celui-ci par exemple restera tel quel. :

    Technologie du textile velours red

     parmi ces recueils ,les collections commerciales pour  vêtements donc des tissus pas destinés au patchwork . Proposant un double défi celui souvent de leur texture pas faite pour un quilt "classique" et celle de leur imprimé pas non plus prévu pour cela . Pourtant on oublie souvent qu'à l'origine maints quilts étaient faits de restes, même si c'est très vite devenu  aux USa un buisness .

     Là c'est toujours un dilemme. Les catalogues sont parfois complets et tels quels ils représentent une valeur documentaire (et marchande, même si cet aspect-là ne me préoccupe guère)

    Donc j'ai scrupules à y toucher.

     D'autres sont abîmés et lacunaires et là je n'hésite pas à emprunter ce qui m'intéresse pour intégrer à un ouvrage , sans regret d'être iconoclaste.

     J'aime les tissus d'abord et avant tout en vue de leur donner une place dans une de mes surfaces.Quand je me l'interdis  par respect documentaire il n'est pas rare que j'utliise soit un fac simile , soit que le dessin sur les étoffes  m'inspire comme "source". Je me suis toj ujours étonnée  (à moitié et je sais pourquoi) qu'en art textile contemporain si souvent  ces dessins déjà découpés  sur échantillons ou fragments intéressent si peu comme point de départ .

    A la rigueur comme motif à broder en reproduction (ceux des Indiennes notamment) , mais en tant que formes à exploiter avec métamorphose , comme "source d'inspiration, donc ,si peu souvent .

    C'est l'objet , pour moi de toute une partie de mes recherches textiles (série motivations, livre dialogues textiles etc ) . il ya tant de possibilités, à cet égard! Je  constate chez la plupart des artistes jugées contemporaines souvent des départs qui sont ceux des autres arts;  photographie , journaux découpés; dessin d'art .
    Je suis une artiste des tissus : je pars donc des tissus.

    Et pourquoi pas le tissu découpé très souvent.comme si l'art textile contemporain mettait à fuir le tissu découpé-assemblé tous ses efforts de relégation   !(le fameux: " surtout pas de patchwork")

      Mes carnets à moi ne ressemblent pas à des sketchbooks de peintres :  ils sont des carnets d'amoureuses des étoffes de tout ce qu'elles offrent de possibilités .

    carnet-d-esquisses-001.jpg

     Je mixe tout allégrement, ou bien je mets en, valeur dans un ou plusieurs ouvrages une collection précise. Il ne s'agit pas que de faire un présentoir esthétique . Ne pas oublier que pour moi un ensemble d'étoffes est un texte avec ses mots tesselles.

    Ainsi les échantillons peuvent-ils être inclus dans un ouvrage comme ce Colorado où j'ai utilisé un motif traditionnel proche du Bargello en tapisserie ( mais sans couper des bandes de mêmes étoffes en incluant amoureusement chaque tesselle collectionnée dans sa ressemblance et différence  ). Le titre fait aussi allusion à un magasin vendant des tissus pour pachwork  et qui portait ce nom, dont je fus cliente fidèle très longtemps, la taille et la forme allongée  de l'échantillon ont été le fondement de la composition .Les autres étoffes ont été recoupées au même format. Le détail montre la différence avec un bargello ordinaire où les tissus sont  cousus en bandes et recoupés ce qui fait qu'on  a  toujours les  mêmes séquences (ce que précisément je ne voulais pas !)

    Colorado jacqueline fischer art textile red

    Colorado deta art textile jacqueline fischer red

    Mais dans Carnet de bal j'ai utilisé en songeant à des figures de danse  des bals d'autrefois de petits rectangles fixés par quatre perles de rocailles . les échantillons sont minuscules et ne pouvainent donc être assemblés . Il me semble qu'ils sont mieux à danser là que dans un  catalogue  où ils s'émpoussièrent  :

    Carnet de bal jacqueline fischer art textile red

    Ce n'est que deux exemples parmi beaucoup d'autres à découvrir dans l'index textile ...

    NB .je rappelle (et c'est expliqué dans plusieurs articles qu'au début des années 2000 des "expertes" ès arts sont venues nous expliquer que pour exister en tant que vraies artistes textiles, il fallait "sortir du carcan de la fibre" -sic . Bref faire du mixed media si possible en 3 D.  Fuir la surface,  c'est fuir l'effet "couverture" . Et avec concept incoporé .  Vive tout.. sauf les tissus , en  ce qu'ils sont. d'où le "surtout pas de patchwork". Ou alors qu'il ressemble à de la peinture  ainsi  ce que le tissu lui peut exprimer s'efface derrière la primauté de la forme et de la composition .  Bref qu'on oublie ce qu'il est ! (d'où la fuite des tissus imprimés qui faisaient "trop patchwork" on me l'a dit et écrit mille fois ) . Mon point de vue et toute ma démarche va à l'inverse de ce courant. Il s'est construit à côté, en toute liberté. Et seule, forcément puisque je n'adhère vaiment à aucune mouvance . Ni ... à aucun club  , groupe, association . Faute impardonnable ! A  noter : c'est exactement pareil en écriture !
     

     

     

     

     

     

  • Un blog à visiter absolument !

     J'ai souvent parlé des ouvrages de dames et de l'image péjorative qu'ils généraient côté Beaux-arts et  grands arts,  des ricanements aussi de l'idée que c'était incompatible avec l'imagination et la création, que c'était aussi le symbole d'une certaine aliénation de la femme au foyer.

    Ce blog absolument remarquable prouve que ce n'est pas simple, ni simpliste. Outre qu'il est incomparablement documenté, écrit de manière limpide, il offre des articles  passionnants  illustrés par des photos de très grande qualité.

    Il vous fera découvrir entre autres choses des cahiers de couture, des samplers, mais ce qui est plus important à mes yeux, il interroge remarquablement sur ce couple aliénation/ asservissement par la couture et les travaux d'aiguilles "imposés" et l'évasion, aussi , qu'ils représentent (ce que le patchwork a si bien montré puisque, que comme le souligne Claude Fauque, il "désobeissait" .)

    Le  blog  allie le passé et le présent par les ouvrages actuels perpétuant et renouvelant la tradition qui sont d'une beauté souvent à couper le souffle. même pour moi qui ne suis pas une adepte de la perfection (j'ai expliqué pourquoi), ça ne m'empêche pas de l'admirer quand je la croise !

     Si vous avez un moment allez lire même si comme on me dit souvent "je  ne couds pas alors ça ne m'intéresse pas" -je ne peins pas et l'histoire de la peinture me passionne . Dépaysement garanti et rinçage essorage des idées reçues à ce sujet, aussi . Merci à l'auteur Sylvaine dont je ne connais que le prénom pour ce si beau partage.

    Lien ves le blog Ouvrages de dames

  • tapisserie à l'aiguille : sampler et métrique

    La tapisserie à l'aiguille m'intéresse de plus en plus.

     Il existe diverses raisons à cela . J'ai fait comme  beaucoup de femmes de ma génération du canevas et même un alphabet en rouge sur un canevas, à l'école primaire (sans beaucoup d'enthousiasme).

     Ensuite cette tapisserie était assez en vogue dans les années 70 où plusieurs amis (il y avait un homme inclus!) brodaient de grandes réalisations pré -imprimées style Lurçat ou encore scènes de genre dans la tradition des tapisseries dites de Berlin. Au demi-point quasi exclusivement.

    ça ne me tentait guère,  comme tout ce qui est remplissage "automatique"de quelque chose que je n'ai ni voulu, ni imaginé  mais  j'ai réalisé sur cartons dessinés par d'autres (une amie et mon mari) deux canevas au demi-point , l'un en laine et l'autre au coton retors. Ils sont encore quelque part, dans la maison 

    Le coton retors , c'est pour moi tout un souvenir de lycée. C'était le seul fil qu'on nous donnait pour broder sur de la grosse toile de jute pour des raisons d'économies et  comme je détestais le professeur (qui nous terrorisait !) , j'ai fait une sorte de fixation négative sur ce malheureux fil.

    Une amie me donna quelques écheveaux et je m'en servis ça et là , en fils à coucher notamment en bords d'appliqué -il est impeccable pour cet usage, notre coton retors.

      Puis l'an dernier, une autre amie -qui se reconnaîtra!- me propose de m'envoyer un gros stock de ce retors à broder et comme j'avais plusieurs   tentatives de samplers , à des stades divers d'achèvement (ou d'inachèvement , plutôt!) je me dis que c'est sans doute une occasion  de m'y remettre !

    Mais me voilà  au lieu de les terminer, selon ma mauvaise habitude, à en mettre un nouveau en route. Entre temps j'avais découvert comme raconté précédemment  les points dits fantaisie . Lesquels sont illimités : on peut combiner des points droits par exemple différemment et je compte bien explorer en ce sens .

     

     

    67070561 10214785374374424 3325658589644718080 n

    ces petits carrés délimités (j'aime aussi les samplers irréguliers improvisés , j'en ai un en gestation !)  m'évoquent à la fois les jardins à la française mais surtout le rythme et l'orientation des points qui rappellent le tissage, me semble lié à la métrique, et la mesure du vers ou de la phrase , élément de prosodie  aussi points longs points courts comme les voyelles en poésie.

    Quelque chose de très formel contre laquelle  mon âme rêveuse et fantaisiste  se révolte parfois un peu mais qui étrangement l'attire dans le même temps, et si j'y réfléchis un quilt géométrique demande un peu cette rigueur mais lui parle aussi par les impressions sur les étoffes ... à cet égard .

    J'ai donc ouvert cette série dite "métrique ".. certes exercices d'entraînement mais également ouvertures vers d'autres "possibles" Et il demeure le jeu des couleurs , l'équilibre des lignes (je choisis les points partie par envie (et si j'essayais celui-là), partie en fonction de l'effet final .et par derrière, je l'espère quelque chose qui se dit .

    J'ai écrit ailleurs que, si on ne  reproduit pas intégralement un modèle,  un sampler personnel c'est  une création et une mini-aventure . Certains en points comptés sur toiles qui nous ont été transmis sont de purs chefs d'oeuvre. Cela se compose , s'harmonise , là encore sur différences et ressemblances . Du fil qui cherche à ressembler à du tissu.

    Les boutons  c'est pour le plaisir , parce que je les aime et qu'ils se trouvent bien là, à mon avis . plaisir aussi de trouver pour la bordure et doublure juste l'étoffe qui se mariera avec le tout (pas si facile, si on exclut l'uni ).

     

    67456782 10214785374734433 4797585190979371008 o 1Un deuxième est presque achevé, depuis le début de la rédaction de cet article . Histoire à suivre, donc ...

  • Femmes de l'ombre

     

    Livre broderies d artistesTitre / broderies d'artistes

    Intimité et créativité dans les arts textiles de la fin du XIX° au milieu du XX °siècle

    Auteur : Danièle Véron-Denise

    Silvana Editoriale -cité internationale de la tapisserie d'Aubusson.

    2018

    en français

     

    Livre en trois parties après  diverses présentations, une  partie éclaire avec beaucoup de photos  les notions techniques de tapisserie à l'aiguille (ce qui n'est nullement inutile pour qui ne la pratique pas ou de manière dilettante !) et même les brodeuses confirmées apprendront par exemple l'existence du "point de Nantes",Il est à noter que les applications sur étoffes sont rangées-là ... alors que c 'est tout autant sinon davantage du patchwork (j'y reviendrai car ce point me titille!) .Il  est vrai: patchwork et appliqué sont rattachés tantôt à la broderie, tantôt à la tapisserie . Et le mot "patchwork" continuant de susciter des ricanements absurdes, il est évident qu'il vaut mieux, pour l'aura de l'activité "appliqué" la rattacher à la noble "tapisserie" .

    La seconde présente donc les  artistes et leurs  partenaires d'exécution textile  et la genèse des oeuvres est developpée aussi -c'est sans doute à mes yeux, celle qui nous apprend le plus tant elle est fouillée et précise  , parfaitement documentée - comme l'ensemble du livre du reste.

    La dernière est le catalogue des oeuvres textiles  exposées .

    Les oeuvres présentées dans ce catalogue d'exposition sont donc  souvent "duelles"...Il s'agit de rendre hommage aussi  aux compagnes de grands artistes textiles (brodeurs et tapissiers surtout) et de montrer leur importance dans ce travail de l'ombre, si on peut dire, car elles n'ont évidemment pas souvent laissé trace dans l'histoire de l'art autre que fugitive  et "au service" de leur  mari, fils, d'amant ou de compagnon...ou en tout cas elles sont beaucoup moins connues -à part des spécialistes! Et, je souligne, ledit compagnon n'est pas non plus toujours  très connu, non plus.

    Chaque parcous est détaill , de manière extrêmement précise , avec détails sur les techniques utilisées , et aussi la mention d'oeuvres disparues.

    Je ne peux résumer le parcours de tous ces  artistes et de leurs "interprètes"  et j'invite à lire le livre qui est passionnant sur le sujet . Je focalise(arbitrairement!)  sur ceux qui ont retenu mon attention par une opinion ou une réflexion sur l'art textile en duo  qui  me porte à méditer et sur cet art , et sur le rôle et la place et...la reconnaissance surtout des femmes dans un art  moins  prestigieux que la peinture ou la sculpture  notamment .

    Emile Bernard  selon les auteurs broda un peu lui-même réalisa  un tableau intitulé les Bretonneries (en patchwork) IL fit broder  ses oeuvres -à grands points drpits le plus souvent- par ses diverses compagnes : Maria dont le nom de famille est resté inconnu, Haneanah Saati et Andrée  Fort soeur du poète Paul Fort . Oeuvre dont on nous dit qu'elle reste mal connue .  L'article conclut "aucune pièce ne figure dans un musée français" ..Et à voir les oeuvres en question , c'est bien dommage !

    Aristide Maillol (qui fut tapissier et céramiste avant d'être sculpteur ) écrivit : "J 'ai inventé un point très simple (le point lancé! )  de telle façon que je  puis faire exécuter mes tapisseries par les femmes les moins intelligentes "-sic - ! mais il appréciait quand même que ses ouvrières aient été " très jolies". Il abandonna la tapisserie en raison de problèmes de vue et devint le sculpteur que l'on sait ; sa compagne Clotilde Narcis lui servit de brodeuse et de modèle et devint sa femme.
     

      On connaît bien Jean Lurçat pour ses tapisseries tissées, on sait moins qu'il s'intéressa aussi la tapisserie à l'aiguille  en créant des cartons pour "canevas" , sa mère fut l'exécutante de sa première broderie . Il est noté que la tapisserie  à l'aiguille a des exigences propres et justement celle qui l'interprète n'est pas dans la simple exécution (il faut penser la surface en matières et en points sans parler des couleurs qui ne jouent pas de la même façon sur les points que sur de la peinture)   Il semble notamment que Marthe Hennebert qui broda  beaucoup des tapisseries à l'aiguille du maître et  qui fut amie du poète Rilke, puis  l'épouse de Lurçat  ait été bien plus qu'une simple exécutante .Il s'agit bien de donner vie et une vie textile à un carton  qui est un dessin essentiel certes mais il existe une part indéniable de création par points et fils dans le passage d'un art à un autre.

    La compagne de Roger Bissière dite Mousse  -les tapisseries de Roger Bissière sont des patchworks d'appliqués -mais on dit tapisseries puisque le mot patchwork reste, hélas dépréciatif- elle, créait carrément ... en composant avec des étoffes choisies par son partenaire. j'avoue avoir un coup de coeur pour  ces tableaux-là. Et ce sont même les rares patchworks que les musées accueillent , -(il suffit de ne pas  dire  que ça en est et surtout qu'il y ait un grand art exercé comme caution artistique du travail d'étoffes. Le travail d'étoffes seul lui,  surtout si c'est du patchwork, s'avouant tel,   n'est pas considéré de la même façon , surtout s'il est hors courant et intelligentsias.

    Pourtant Bissière lui-même écrivit :" Le tableau qu'il soit à l'huile, à l'eau ou qu'il soit fait d'étoffes, de ciment ou de la boue des chemins n'a qu'une signification  la qualité de celui qui l'a créé".

    J'ajouterai : ou de celles et que les celles en question  ont  été à travers les siècles étellement plus nombreuses à créer avec fils et étoffes pas seulement à reproduire ou interpréter  des modèles  ... qu'on aille y voir , bon sang qu'on aille y voir !

    Dans cette partie Jeanne Kosnick Kloss  Freundlich est la seule a être présentée comme  créatrice "à part entière" encouragée toutefois par son mari l'artiste   Otto Freunlich qui périt en camp de concentration . On la connaît surtout comme peintre , mais elle a  créé dans d'autres disciplines avec bonheur et réussite y compris celui du chant lyrique. Son Apthéose des couleurs est une tapisserie brodée magniqfique.

    il faudrait citer aussi :

    Paul Eliee  Ranson et France Rousseau, Laure Lacombe.

    Fernand Maillot et  Fernande Sévry

    Paul Deltombe et  Yvonne Berthault

    Georges Braque et Octavie Eugénie dite Marcelle Lapré

     Henry de Waroqiuier et Marie Joséphine Louise "Suzanne" Plassard

    Bernard Pomey et Madelene Biardot dite Manon et un dernier chapitre intitulé : et quelques autres (prmmi lesquels Blanche Ory Robin (qui créait seule

    et Sophie Tauer-Arp dont il est dit qu'elle créait tellementet en symbiose avec Jean Arp qu'il est impossible de savoir qui a créée quoi (et sans doute inutile !)

    Et j'en ai sûrement oublié !

    Et on conclut par un chapitre sur le rôle de ces femmes insistant sur leur  qualité d'interprètes  et la part active prise à l'exécution de l'oeuvre.

     Ce livre est  magnifique et il nous apprend énormément sur une partie peu connue de l'art textile..Les photographies sont également de grande qualité.


     Je suis pour ma part  dans une position plus militante ... on le sait.

     J'aimerais qu'un travail soit fait sur les artistes femmes qui créent seules leurs surfaces textiles,  en commençant par une étude des oeuvres qui ne soit plus uniquement histirique ou de technique, mais s'interroge et interroge sur l'expression artistique qui s'en dégage. Il est vrai : très peu de personnes en France   semblent juger que c'est nécessaire et même simplement pertinent ("c'est comme ça depuis des siècles et donc si c'était vraiment un art,ça se saurait"et autres arguments aussi peu fondés .)   Et dans ses parties les plus ignorées (comme le patchwork, la tapisserie à l'aiguille ou la  broderie  de création- création en broderie pas forcément en dessin ! )on en est très loin.

    On est toujours dans l'optique pour être artiste en art textile il faut à côté avoir exercé un grand art (  ou l'execer en imitant les grands arts),  ou encore être la compagne de quelqu'un qui exerce un grand art . Seule dans son coin notre  "anonymous woman" reste niée et dans sa création et dans son expression personnelle, on lui concèdera toujours un bel ouvrage et  :"ah quel travail !"  qu'on sert aussi à celle qui ne crée pas . Au pire on lui préferera la parfaite exécutrice virtuose d'un kit difficile.

    Ce livre fait la part belle au travail des interprètes (et dans ce type de passage d'un art à un autre il y a effectivement ue grande part de création pas uniquement technique  L'auteur fait une comparaison avec l'artiste interprète en musique .Et sur ce point  la comparaison est juste : il s'agit de donner une vie textile  au carton d'origine.. Il ya création donc dans le passage d'un art à un autre et création à part entière,  surtout quand  l'interprète y introduit des modifications qui viennent d'elle, de ses décisions propres.
    Je soulignerai toutefois  que si une composition musicale a besoin d'interpètes pour être entendue, un carton a besoin  d'interprètes textiles pour exister en tant que pièce unique, on donne vie à quelque chose qui n'existait pas , une oeuvre en kit ou en modèle style "pas à pas" à suivre, non :  on refait  ce qui existe déjà . C'est rappelé aussi dans ce livre et c'est bien.

    Le livre souligne aussi que, pour beaucoup d'oeuvres, on ne sait pas on où elles se trouvent et en quel état .Alors pour des complètemet anonymes vous pensez !

    Les oeuvres textiles, il est vrai,  exigent une manutention coûteuse et dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres on ne fait d'efforts que pour ce qui est ancien ( ou au contraire dans la dernière mouvance au goût du jour ) . On conserve mieux  les échantillons d'étoffes du patrimoine industriel -et on a raison- que les oeuvres créées avec des tissus et des fils.  Il faudrait un travail d'indexation et un travail honnête , reconnaissant sources, emprunts. Et des analyses côté art à visée expressive et esthétique pas seulement technique ou historique. Seul  moyen que ça glisse un jour côté  culture générale et non oeuvres qui n'auraient d'intérêt que pour les   spécialistes .. Comment savoir si on refuse d'aller vraiment y voir ?

  • Des fleurs et des jardins

    J'ai coutume de dire avec un brin de provocation qu'il y a -au moins- deux choses qui m'ont empêchée d'être une artiste  textile "contemporaine", du moins telles qu'on les définit et les apprécie actuellement  : mon amour des géométries en blocs (carrés ) que je me refuse à appeler "traditionnelles" et des fleurs. Je pourrais y ajouter mon amour des couleurs ...et des surfaces en bas-relief.
    De la géométrie j'ai déjà parlé. Du relief aussi.


    Donc allons voir sous  les roses ...puisque régulièrement si on prétend à autre chose qu'à l'exercice d'un aimable loisir, ou d'une activité juste "pour se faire plaisir"-pour moi c'est tout autre chose !- , on vous y envoie ! 

    L obosol te over rose 2013 jacqueline fischer

    L'obsolète série overose

    L'histoire de l'art nous apprend qu'à certaines époques c'était en bas de l'échelle de l'art- en  peinture, le portrait tenant le haut du pavé ... mais elle nous apprend aussi que les jardiniers du roi plantaient des fleurs comme motifs pour les peintres en velins et les brodeurs, arts associés. A l'époque le décoratif était aussi lié à ceux qui avaient les moyens de se l'offrir donc nullement dévalorisé.  Corollaire de la science par la botanique et des  découvertes par l'importation d'espèces exotiques à "acclimater". Un palais oui, un château à la rigueur - ça magnifie ce qui y est inclus, mais certes pas une maison.

      Rien de féminin pourtant  dans l'habillement : Il suffit de regarder un pourpoint du XVIII° siècle  pour s'en rendre compte . C'est l'apogée d'une broderie d'or de soies et pierres précieuses .Et on ne me fera jamais croire que les aristocrates qui les arboraient étaient tous effeminés.

    On peut par exemple voir ici ce qu'il en est

    En broderie  donc la fleur est de loin le motif de prédilection et ce depuis qu'on a des motifs conservés largement devant tout le reste. Partout et à toutes les époques -avec parfois une concurrence ou une association avec les motifs stylisés- il existe peu de livres qui recensent les motifs de fleurs brodées au cours des âges , mais je pourrais citer  ceux de  Claude Fauque, ceux de Gail  Marsh et ceux de Thomasina Beck. Ils nous apprennent énormément aussi sur la vie des hommes leur histoire, et par derrière eux tous les codes, les symboles que les fleurs recélaient.

     "Les fleurs c'est joli ... les fleurs c'est banal ..." Et en art textile plus encore qu'ailleurs, même si l'histoire de l'art nous apprend que les peintres de fleurs n'ont pas toujours été prisés.

     " Les fleurs c'est juste décoratif, les fleurs c'est le féminin  donc ça manque de force" (ceux qui  affirment cela  n'ont pas lu le beau texte de Colette sur la glycine dans les Vrilles de la vigne). C'est ce qu'on me dit. Naturellement pas si c'est Gauguin  ou Van Gogh qui peignent des tournesols  ....Ou si c'est un grand brodeur qui brode sur des robes Haute- Couture pour un grand couturier.  Mais cela alors, qu'en dire ? :

     

     

    Detail3

    Motif floral sur écharpe de soie créé pour la revue Broderie d'art.

    Donc si on est femme et qu'on veut  créer  des oeuvres fortes,  éviter les fleurs. Même les ronces. L'arbre à la rigueur si on tient  faire dans le végétal. Un arbre ça se dresse , ça s'érige. Une fleur ça s'étale, c'est mou , c'est joli, c'est tendre , c'est délicat donc c'est cucul la praline.  Naïve donc insignifiante.  Malgré tous les symbolismes qu'elle a toujours contenus ! Qui veut réduire amenuise, déprécie, classe en sous-genres. Délicatesse et grâce sont-elles manque de force ? Au sens de puissance d'évocation, pas  sûr ! Juste que prêts à penser, snobismes, militantismes mal conduits, adhésion aux modes du siècle brouillent une lecture claire de ces symboles floraux où on ne voit  trop souvent que  niaiserie, esprit simplet etc .

    Même si une fleur ça exhibe son sexe souvent  double , sans vergogne, à tous vents et aux ardeurs de  ce qui nous reste de pollinisteurs, il n'est pas de bon ton de le souligner. Et que les fêtes des Floralia à Rome étaient très loin d'être  soft !

    Mais étrange, des fleurs  on ne se  lasse pas. Dans les vrais jardins surtout  :-) où les jardiniers et les paysagistes, chance pour nous, ont encore le droit de les utiliser sans qu'on les taxe (trop)  de banalité. Si un jardin a pouvoir de nous faire rêver une oeuvre textile florale tout autant .

     

    Prenons les fleurs brodées sur les napperons. Très à la mode dans les années 50-60 on pouvait les réaliser en simples exécutrices : on achetait le dessin pré-imprimé les fils et les points  les couleurs étaient choisies par la créatrice (avec parfois un échantillon réalisé ). On ne pouvait être louée alors que pour une exécution parfaite .Et,  de nos jours je sais  nombre de brodeuses  qui aiment à reproduire des  kits ou des modèles en vogue (la peinture à l'aiguille et la broderie d'or sont des moyens de montrer à cet égard son expertise -)

    Les magazines féminins donnaient aussi des dessins en noir et blanc  et c'est avec eux que j'aime encore travailler (je peux dessiner des fleurs par moi-même je l'ai fait , mais quand je veux créer juste par  le travail du brodeur  ce sont  ces motifs que j'utilise et tout comme les géométries empruntées  du patchwork l'art ne se situe pas dans ces dessins souvent conventionnels mais dans l'utilisation qu'on peut en faire .

      Ainsi dans le livre textile Lucette et Jacqueline (s)  où ma  visée  était d'honorer la mémoire de deux couturières brodeuses -mes aînées-  et où les motifs naïfs ont été choisis en fonction de  la tonalité et du thème  de la page. Je n'ai emprunté que les traits, le travail de création en broderiee : choix des points, de couleurs placement dans une composition est de moi et c'est réellement une recherche personnelle  . Si je tiens à le souligner , c'est que cet art-là est gommé ! Même si ici je suis restée volontairement dans la  convention du bouquet tricolore bleuet-coquelicot-marguerite. Je signalerai au passage qu'un sujet banal choisi avec une visée spéciale, c'est une démarche pas une banalité involontaire parce qu'on ne sait pas imaginer autre chose !  Je sais imaginer autre chose (cf la botanique alternative sur ce site)

     

    Lucette et jacqueline la page des pattes jacqueline fischer

    Livre Lucette et Jacqueline(s) La page des pattes.

     

    En patchwork , le problème est ressemblant et différent. Les petits motifs fleuris sont fréquents dans les quilts anciens , et on peut même dater d'après leur graphisme, l'historienne et quilteuse Barbara Brackmann a publié à cet égard des livres très intéressants.

    cf ce lien

    Les motifs sur tissus évoquent aussi les Indiennes, ces tissus d'importation dont l'histoire est un vrai roman très bien conté dans les livres de Claude Fauque entre autres. Motifs copiés en impression comme en broderie ad libitum mais sans que jamais leur beauté ne rassassie.  J'en possède un morceau très ancien (vraisemablement  du XVIII° siècle que je garde jalousement ) , beaucoup ont servi de base aussi aux motifs de la broderie  dite "crewel" . Les fleurs sur les tissus c'est le domaine où les inspirations se mêlent, géographiquemet parlant et l'histoire des hommes et de leurs  "découvertes" y sont inscrits.

     

    De la fin des années 90 jusqu'en  2002 j'ai collectionné les tissus spécifiques aux quilts et notamment les motifs floraux,de tous styles,  mais recueilli aussi les restes de vêtements de toutes époques. C'est en mélangeant  ces graphismes floraux que j'ai élaboré mes quilts jardins . Le premier s'appelle Florilège-cf index lettre f-  et tous mes jardins comportent aussi un jeu sur la géométrie et les échelles et les styles différents de motifs, en cela ils ne sont pas de simples watercolors où on achète des bandes pré-assorties pour les recouper en carrés  -qu'on m'excuse de parler sans ambages-  mais ce genre de pré-digéré à mon sens est contraire à  ma visée et vision d'un création . Mon art consiste à assortir ce qui ne va pas ensemble alors que si on l'exerce comme loisir on cherche surtout à avoir du déjà assorti- par quelqu'un qui sait- pour posséder un bel objet sans risque d'erreur  alors que  dans mes  quilts jardins je risque la cacophonie à chaque instant !

    Au delà c'est un langage des fleurs et des signes et une reconstruction d'un espace style paradis perdu . Et je demande qu'on le regarde aussi ainsi et pas comme un  joli petit quilt à fleufleurs  ce qu'absolument, ce n'est pas. Mon livre Jeux d'étoffes  détaille ces approches.

     

     

    Jacqueline

    détail du quilt cascade

     

    on peut voir d'autres jardins dans l'index textile notamment à la lettre J .

     

    Ne voyez pas d'amertume dans ce que je dis, ni plainte mais une analyse lucide. Je ne cherche pas reconnaissance pour  moi, je le répète :  j'en ai plus que je ne pouvais espérer pour une artiste "amateur" volontaire ... cf ma page d'accueil .

    Il ne s'agit pas  que du plaisir de créer (créer pour moi est certes un plaisir mais pas un loisir  : une nécessité de "langage" par les étoffes -comme par les mots -  et les fleuries y tiennent leur part pas seulement parce  que ce serait "joli" ) .

    Je m'interroge sur les regards "excluants"et injustes -mais si répandus qu'on les trouve normaux-  sur des zones entières de l'art textile (et non mes ouvrages oeuvres et oeuvrages  seuls ). J'ai assisté dans les années 90 à ce rejet progressif des tissus particuliers au patchwork où les fleurs tiennent une bonne part.

    On peut voir aussi l'article : les palettes d 'une textilienne .

     

    Petites fleur detail

  • Des gestes -et de la geste- du textile...

    Les gestes de l'art textile sont souvent  un peu partout mélangés et confondus.  Et leurs résultats aussi.

    Le grand public, surtout masculin - qu'on me pardonne ce "sexisme" !- je sais qu'il est d'heureuses exceptions- lui , ne sait toujours pas bien la différence entre tissage, filage  assemblage et broderie. Dentelle, macramé, tricot, tapisserie, broderie,crochet et patchwork, tout ça c'est pareil.  Une affaire de bonnes femmes, presque, voire de grand-mère, les  stéréotypes  faisant des dégâts-sexisme et âgisme étant en filigrane-   (sauf, je le souligne encore, quand on est dans la case qui convient, celle qui n'est pas toujours très textile, du reste...).

     Tant de fois on m'a dit, désignant mes quilts :  "ton crochet , ton tricot, ta tapisserie"... Or ce n'est rien de tout ça.   Plus de différence entre eux cependant qu'entre l'aquarelle et la gouache ! Et c'est parfois signe de mépris involontaire ...ou inconscient. Connaître c'est déjà un petit peu apprécier ou du moins si on n'aime pas,  on sait alors de quoi on parle, vertu qui tend à se perdre !

    Démêlons un peu tout cela. Et si possible dans l'ordre d'apparition.

     Assembler- Coudre

    Coudre :  c'est assembler des morceaux (pas forcément de tissu) avec une aiguille. Le geste d'assembler  d'attacher, de "connecter" a précédé celui de tisser et  celui de filer (on peut assembler avec des lanières de peau ou de végétaux  du crin animal, des tendons  séchés aussi  etc. ) puisqu'on assemblait des peaux pour se vêtir, se protéger, et pourquoi pas décorer (sans oublier que lesdits ornements pouvaient avoir valeur symbolique, sociale, magique ou religieuse) .

      Côté aiguilles -car oui l'aiguille est bien le premier objet d'un art d'assemblage sinon textile  :   en 15000 avant JC- 18000 dit le site du Musée de l'homme, spécalistes, pas d'accord comme d'habitude !-  apparaissent  les aiguilles à chas, bien avant pour celles qui servaient  juste à percer .

    L'assemblage par application  (quand on pose une forme  sur une autre et qu'on la fixe sur ce support) est aussi un des plus anciens (on en trouve dans l'ancienne Egypte -en peaux toutefois ). Il est à noter qu'à notre époque son "classement" hésite entre broderie  et patchwork, puisqu'il participe des deux. Pour le détail des techniques on peut voir cet article.

     L'assemblage d'étoffes, hélas pour lui,  n'a pas ses mythes et ses déesses.. Pas de Pénélope ni d'Arachné dans lesquelles se draper, si je puis dire ... mais il a ses contes et son folklore (cf la veste rapiécée) et tout  le monde connaît le petit  tailleur qui  tuait les mouches et les célèbres habits neufs de l'empereur ( à noter que dans ces contes ce sont souvent des hommes - artisans professionnels- qui cousent.) et les merveilleuses robes de Peau d'âne dans le conte de Perrault . Et les chansons populaires aussi comptent nombre de "cousettes" , lingères et autres ouvrières . 

    Je pense d'ailleurs que l'invention de l'aiguille à chas est pour les arts textiles aussi importante que celle du tissage, mais les spécialistes n'étant point de mon avis, c'est filage et tissage qui ont prédominé  dans l'imaginaire collectif.

    Le geste d'assembler  des morceaux pour en faire une surface n'a pas trouvé ses lettres de noblesse et il ya sûrement à méditer là-dessus ....

    Le patchwork est un art d'assemblage,qu'on assemble par juxtaposition(couture dit piecing en anglais) ou par superposition (appliqué). Lié à la notion d'économie , à la pauvreté parfois volontaire  dans les religions orientales, il est aussi paradoxalement parfois tout aussi bien signe de richesse  et signe par lequel on montre qu'on peut s'offrir plusieurs étoffes différentes, parfois très luxueuses,  pour un seul vêtement . Il est art de mosaïque, mais aussi de  couture, de la broderie  vient parfois s'y rajouter  et  il   est parfois rattaché à cet art, notamment les crazys quilts.

     

    Jacqueline

     

     

    Le tissu déjà est une matière assez variée pour permettre aux assembleuses de tissus de dire par ce moyen mille choses mais l'art, force est de le reconnaître reste mal connu et souvent déprécié, sauf à imiter la peinture, la sculpture ou tout autre art qui a droit de cité  déjà dans les musées  consacrés aux "grands " arts. Quand on expose de l'art textile, même en surfaces d'étoffes  assemblées, et si on excepte l'exposition du Whitney museum en 1971  le quilt géométrique  de création  reste à la porte  et confiné dans les expositions spéciales pour, si je puis dire.

     Filer

    C'est fabriquer du fil, c'est à dire amalgamer des fibres et en faire une sorte de long et fin cylindre,  ça se faisait généralement au début avec une quenouille (parfois avec les doigts  (on ne vous dit pas dans quel état ils devaient être !)  puis un rouet.

    Aujourd'hui le fil est fabriqué dans des usines, mais pendant longtemps l'activité de filage est restée à la campagne une tâche féminine comme à peu près tout ce qui est long, ennuyeux, répétitif  et parfois rebutant au prétexte que "ça ne nécessite pas de force physique" . Voire ...

    On trouve encore actuellement de fileuses artisanes  d'art , qui créent des fils , organisent des stages et transmettent ce savoir.

     L'art du fil a ses manitestations artistiques et le fil lui-même ses chefs d'oeuvre (sculptures en 3 D , notamment ). Taper sculptures en fils dans un moteur de recherche pour voir ce qu'on peut en faire . Mais  utiliser du fil : ce n'est pas filer , c'est isoler un élément , pas vraiment "textile" puisque non tissé, pour créer avec lui

    Le rouet d'Omphale  qui contraignit Hercule à en user, est célèbre et dans les contes celui de la Belle au bois dormant  (entre autres !)

    Les Moires chez les Grecs  filaient la vie des êtres humains et étaient au nombre de trois  Clotho  la fileuse Lachésis la répartitrice  son nom évoque le tirage au sort chacun sa part courte ou longue et Atropos, l'implacable , l'inévitable, le coupe .Elles ont sous le nom de Parques un rôle analogue chez les Romains avec des noms différents Nona, Decima et Morta. Nona étant à l'origine chez les latins unique. On peut remarquer que le langage courant  sélectionne souvent  le nom latin pour l'ensemble des trois soeurs et les noms grecs pour les désigner.  On les trouve evidemment dans d'autres mythologies .

    Il existe d'innnombrables contes, légendes et mythes mettant en scène des fileuses.

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     BRODER

    On lit parfois que la broderie est venue,  elle aussi, après l'invention du tissu et j'en doute. On peut broder sur des peaux de bêtes (du cuir ) et sur des écorces (cela se fait encore );  juste que de nos jours quand on brode sur autre chose que du tissu, on appelle cela curieusement "innover",  alors qu'historiquement parlant on retrouve les origines. Simplement, l'invention du tissu évidemment a pu donner essor à cet art  (et à bien d'autres ), le support étant idéal pour le geste . Le tissu par sa structure se transperce facilement, il permet aussi de compter les fils . Mais broder c'est déposer ou attacher quelque chose sur un support : ce quelque chose peut-être des motifs de fils , mais des perles, des pierreries , des plumes (même si le métier de plumassier s'est différencié au fil du temps.) . La variété des supports  et des ajouts tenus par un fil ( bien qu'actuellement il y ait un goût pour les tesselles collées sur étoffe en loisir créatif ) n'est pas absolument pas une invention de notre époque, juste que nous adaptons  l'art aux matériaux dont nous disposons. 

    Il est vrai les définitions habituelles de la broderie incluent quasiment toutes le support textile qui reste le favori.

    Sur l'histoire de la broderie on peut lire Claude Fauque et Françoise Cousin  La Broderie, splendeurs mystères et rituels d'un art universel  mais aussi pour un point de vue différent Rosika Parker The subversive stitch et les articles du dictionnaire culturel du tissu " et également l'excellente Encyclopédie "Autour du fil" , pour ne citer que quelques ouvrages.

     Broder est un geste assimilé symboliquement à la richesse (de ceux qui portaient les vêtements brodés )  et il y a eu très tôt tout autour de cette activité un artisanat d'art et un commerce . Motifs tissés et motifs brodés étant parfois en concurrence, et les gestes parfois proches puisque pour coucher les fils (les déposer à la surface de l'étoffe avant de les maintenir par de petits points) dans les figures importantes on utilisait des "broches" et que le brochage est aussi une technique de tissage. Zola dans son roman  Le Rêve décrit ce travail. Il est à noter deux choses : que si les artisans brodeurs chefs d'atelier étaient souvent considérés comme des artistes à part entière, les "petites mains" elles étaient parfois très mal payées et travaillaient dans des conditions plus que difficiles. Et restaient -et restent encore souvent, anonymes-   ceci pour les professionnelles.

    Hélène de Troie dit-on au chant III de l'liade  brodait sur un voile pourpre ou d'un blanc éclatant selon la leçon du texte grec qu'on privilégie, les exploits guerriers auxquels elle assistait, le texte grec signale sur un tissu à double face. On n'extrapole guère là-dessus -plus facile de décrire les actes guerriers que de montrer une brodeuse en action , sans doute!

    D'autre part,  la fonction de broderie domestique  rendue nécessaire par le marquage du linge , mais également d'agrément ou de décoration des  vêtements et maisons a toujours été regardée comme un domaine  dévalorisé puisque a- ça ne rapportait pas d'argent du moins en activité  dite de loisir b- ce sont les femmes qui le faisaient. Le cliché de la dame n'ayant rien d'autre à faire de ses dix doigts que de la tapisserie à l'aiguille dans un coin du tableau qu'elle décore, elle aussi par sa présence,  genre potiche oisive (!)  est encore bien imprimé dans la mémoire collective. Il faut noter cependant et certains romans sentimentaux en attestent que c'était à la fin du XIXe siècle, pour une jeune fille de la noblesse désargentée , un moyen jugé honorable de gagner sa vie avec lectrice- dame de compagnie et dans des milieux moins huppés le travail de broderie à domicile était un moyen de gagner de l'argent. . Si on n'a pas peur de déchoir en lisant un roman de  Delly ma Robe couleur du temps montre un personnage de jeune femme ruinée qui brode pour les maisons de Paris .

     C'est pourquoi il est si diffcile de faire saisir qu'on peut travailler chez soi, en amateur et créer vraiment  en brodeuse c'est à dire choisir ou dessiner son motif (en noir et blanc pas déjà tout interprété par quelqu'un d'autre ) composer avec lui un ensemble, choisir les points, les couleurs et les fils.

     

    Il existe des dizaines de styles de broderies différentes. J'ai évoqué les  broderies en relief et la broderie "tapisserie à l'aiguille", je pense écrire d'autre articles au fil de mes apprentissages (qui continuent) .

    Broder c'est aussi littérairement parlant partir d'un thème et inventer à l'infini des variations sur le thème. Et en musique  :  En harmonie tonale, une broderie est une note étrangère qui s'éloigne conjointement d'une note réelle pour y revenir aussitôt1 (source Wikipedia) et on y retrouve , l'idée d'ajouter pour nuancer ou rompre en restant lié à  ensemble cohérent .
     

    Tisser

    Tisser suppose un entrecroisement de fils de chaîne (les longs ) et de trame qui traversent les précédents .

    Le lien entre le fil et les mots passe acteullement par la déconstruction  encore très tendance via la figure de Pénélope, souvent convoquée . L'histoire de Pénélope est bien connue.L'est moins le fait qu'elle tissait le linceul de son beau-père et non une "tapisserie" . Le mot grec utlisé est iston qui  vient de  la position du métier à tisser ( dressé devant la tisseuse) et a donné aussi notre Histoire par l'intermédiaire du verbe istèmi, qui en dehors d'avoir fait le desespoir des apprentis héllénistes par les difficultés de sa conjugaison, désigne une forme de savoir (le grec n'a jamais qu'un seul verbe pour désigner les opérations de l'esprit et elles sont souvent couplées avec des savoirs techniques ).

     Arachné  filait sans doute aussi mais c'est comme tisseuse "tapissière"qu'elle s'opposa à Athéna et pour cause : comment voulez- vous que sur un fil elle ait pu représenter les  amours de Zeus  ?  Arachné fut par vengeance d'Athéna transformée en araignée , les dIeux antiques détestaient qu'on osât s'égaler à eux , défaut qu'ils nommaient "ubris" noté parfois hybris -  une araignée, file et  tisse sa toile d'une manière absolument fascinante  de justesse et de précision .

      Pour la fêtes des Panathénées les jeunes Athéniennes mettaient quatre ans à  tisser le voile  de la déeesse. De ces tissages antiques nous ne savons pas grand chose et seulement par les textes  souvent épiques ou "fabulés" et bien sûr par l'iconographie. Broderie et tapisserie se rejoignent chez nous dans le terme "tapisserie à l'aiguille" -qui reste, toutefois une broderie.

    Athéna était entre autres beaucoup d'attributions une sorte de protectrice  des travailleuses textiles ( tisseuses en particulier) .

    Philomèle qui fut violée et mutilée par son beau-frère Térée (ce qu'Ovide nous raconte dans ses Métamorphoses où il  a sans doute beaucoup "brodé" lui-même ) communiqua avec sa soeur par le moyen d'un récit (où elle raconte les exactions dont elle fut victime) dans ce qu'on juge être un "tissu" , le texte latin dit en mêlant les fils rouges et blancs . J'ai pensé, tirant la couverture à moi, que se pouvait aussi bien être une broderie (une brodeuse peut mêler les fils rouges aux fils blancs de la toile et pour reproduire une histoire surtout sous surveillance à mon avis broder c'est plus discret ! )   Même si nous sommes dans un mythe dans lequel aucun réalisme n'est requis. C'est cette broderie que j'ai illustrée ici dans une ATC (carte d'artiste pour échange).

    La broderie barbare de philomele

    Pour  qui connaît le tissage et les métiers à tisser primitifs cela laisse rêveurs du reste ... sur la réalité de ces "tissages" mais pas impossible non plus que les hommes poètes qui racontaient ces mythes aient confondu tissage et broderie  :-)  comme c'est si souvent le cas de nos jours.

    Et la dentelle ?

    La broderie d'une certaine façon est aussi l'ancêtre de la dentelle : les mêmes points mais sans support ou alors par le tirage de fils, le tissage en "filets" etc. Dentellières et brodeuses sont souvent aussi confondues d'autant qu'il existe des dentelles à l'aiguille. Le fuseau avec lequel on croise les fils sur un carreau est aussi souvent représenté (la dentellière de Vermeer notamment).

    Le macramé (encore un mot qui fait ricaner)   se fait avec des noeuds   et la frivolité avec des sortes de petites navettes  et je le souligne ces disciplines peuvent donner aussi des oeuvres d'arts authentiques, uniques par le travail personnel de création qui les anime. Il existe aussi du crochet d'art et du tricot d'art dont le résultat est de la dentelle même si certains le contestent car tricot et  crochets sont des arts populaires, surtout pratiqués par des femmes et domestiques : toujours le même écueil tout ce qui touche au tissu, à la mode  n'évite pas la notion de "prestige" .

    Mais alors que la broderie se fait sur un support qu'on conserve, la dentelle, elle se fait sur un support qu'on détruit  (ou sans support en cas en  crochet) ou en dentelle au tricot. Les broderies à jours, sur filet, sur tulle ou découpées (Richelieu, Renaissance, Broderie anglaise  etc. sont souvent assimilées à de la dentelle). Sur les dentelles mécaniques voir  ce lien

    Tricoter 

    Bien qu'on en ignore la date d'apparition le tricot est une technique textile très ancienne . Ainsi peut-on voir dans un tableau  de Beltram de Minden peintre du XIVe siècle une  Vierge à l'enfant tricotant  :

    9 tricot vierge tricotant beltram

    On utilise en général des aiguilles longues sur lesquelles on monte des boucles de fil (de la laine le plus souvent ) appelées  mailles  mais les célèbres cottes de maille ne se tricotent pas avec du fil de métal (beaucoup trop rigide) elles se sertissent (je l'ai vu faire) . Jadis on apprenait à tricoter aux filles-et à certains garçons- dans l'enfance. Ce n'est pas si facile, le geste demande une coordination fine des mouvements . Les points eux-mêmes sont parfois très complexes et requièrent une grande concentration -et doivent se comprendre dans leurs combinaisons  - c'est donc une activité plus intelligente et moins automatique qu'on ne le pense. De plus là encore modèles copiés à la lettre, interprétations et créations se mélangent dans les résultats.

    Le tricot comme le crochet peuvent totalement se détacher d'un rôle utile, et dès les années 70 on a vu des créatrices souvent anglo saxonnes , américaines ou australiennes  faire des tableaux ou des constructions textiles  avec ces deux arts  (je pense à l'artiste Jan Messent, notamment) ou pour le crochet à l'artiste Prudence Mapstone.

     En conclusion quand vous voyez une personne penchée sur un ouvrage textile , pensez qu'elle ne "tricote" pas forcément des chaussettes selon un modèle,  mais qu'elle crée peut-être bien tout autant qu'un peintre devant son chevalet, ou un photographe derrière son appareil ..quand vous regardez une tapisserie  célèbre dans un musée, ayez une pensée pour les autres arts textiles qui en sont exclus, souvent, parce que "ça s'est toujours fait comme ça" et "qu'on n'en voit pas dans les livres d'art". Allez voir ce que font les artistes souvent inconnues ou très peu connues sauf des spécialistes  ... il existe des milliers de  sites qui le permettent. Connaître mieux, c'est souvent le début d'apprécier  pour ce que c'est et non selon des  des stérotypes coriaces .

     

    Elegance 3 jacqueline fischer broderie

     

     

     

     

  • Anonymous was a woman

    Anonymous was a woman

    Auteur : Mirra Banks

    1979

     en anglais

    éditeur :  St Martin Press , inc.(livre épuisé acheté d'occasion)

      Ce livre est cité dans l'ouvrage Stitching resistance dont j'ai déjà fait le compte rendu

     Lien vers Stiching Resistance

    Bien avant qu'on en prenne conscience en France (et encore de manière clivante, le plus souvent !), l'auteur s'est intéressée  aux travaux artistiques des femmes américaines dans deux domaines : peinture et travaux textiles  (broderies essentiellement tapisserie à l'aiguille et quilts , avec souvent un mélange  textile, broderie et peinture notamment (donc on n'innove pas au XXI siècle, en le faisant). Le livre est constitué de témoignages  relevés dans les journaux intimes de l'époque ou des ouvrages littéraires autobiographiques  et d'illustrations desdites oeuvres . Il est rare bien sûr qu'oeuvre et texte coïncident puisque si les artistes ne sont pas toutes anonymes,  elles sont restées inconnues, pour la plupart .

    De ces femmes  oubliées Mirra Banks écrit en présentation : (je traduis pour la commodité de la lecture )

    " Rarement conscientes d'être des artistes, ces femmes essentiellement occupées à élever des enfants, assurer l'organisation des fermes et des maisons, ces femmes ont cependant embelli chaque phase de leur expérience, depuis l'enfance jusqu'à la  vieillesse et exprimé tout ce qu'elles ont appris de la vie et de l'art  dans un travail  décoratif d'une étonnante beauté " .(à noter que décoratif ne signifie pas ici juste pour faire joli, comme chez nous!)

     Le livre suit effectivement les époques de la vie de ces femmes d'autrefois .

    La première partie évoque l'époque de l'école et l'apprentissage des samplers de broderies, mais également de l'apprentissage du patchwork -qui faisait partie de l'éducation scolaire- si on en juge par cet extrait d'un livre de Lucy Larcom  A NewEngland girlhood  : "Nous avons appris à coudre un  patchwork à l'école dans le même temps que nous apprenions l'alphabet ; et presque chaque fille grande ou petite a un   couvre lit quilté de son cru commencé avec en vue le trousseau de sa future maison . Je ne suis pas vraiment passsionnée par la couture, mais j'ai pensé qu'il valait mieux commencer le mien de bonne heure. Aussi ai-je réuni quelques carrés de calicot, et entrepris de les assembler, à ma manière habituelle qui est indépendante, sans solliciter une direction.J'aime assortir ces petits bouts de cotons imprimés , parce qu'ils sont les restes de robes que j'ai vu  porter et elles m'ont rappelé les personnes qui les portaient ."

    A noter que je pourrais signer aujourd'hui encore les deux dernières phrases et qu'elles me confirment dans l'idée qu'il y avait beaucoup plus de libre  création dans ces surfaces que de nos jours quand on copie ou interprète de très près un modèle avec un pas à pas qui vous mâche tout le travail.

     La deuxième partie concerne le mariage, et la troisième la vie quotidienne . C'est de celle-ci que j'extrais ce témoignage touchant issu d'une lettre d'une certaine Marguerite Ickins à sa grand-mère  :

    " Ce travail m'a pris plus de 20 ans, presque 25 (...)Toute ma vie est dans ce quilt (...)Toutes mes joies et tous mes chagrins sont cousus dans ces petits morceaux; Quand j'étais fière de nos garçons et quand j'étais en colère contre eux. quand les filles m'ennuyaient ou m'inspiraient un chaud sentiment de tendresse. Et John aussi .Il est cousu dans ce quilt et aussi nos trente ans de mariage. Parfois je l'aimais et parfois j'étais assise auprès de lui, le détestant, et j'assemblais les morceaux ensemble. Aussi y a -t-il tout dans ce quilt, l'amour et les craintes,mes joies et chagrins, mes amours et mes haines. Je tremble par fois en pensant à ce que ce quilt sait de moi ".

    Ce quilt nous ne savons pas à quoi il ressemble ... perdu dans la nuit des temps et c'est bien dommage. Et ce dans un pays qui a plus de considération pour cet art que nous (alors en  France, vous pensez bien !) .

    Ce quilt n'est  donc pas de l'auteur de la lettre, mais  illustre la période "wedding quilts" ces ouvrages (ou osons le mot oeuvres )  , c'est un "sampler" aussi montrant différents "blocs" ces carrés qu'on assemble  :

     

     

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    Evidemment l'éducation des filles, à cette époque , est religieuse et domestique, et obéit à  une morale qui ferait se dresser les cheveux sur la tête à beaucoup d'entre nous, mais on constate à lire ces extraits de journaux  et de lettres que ça ne les empêche ni d'imaginer, ni de rêver. Tout au contraire. On ne peut reprocher à quelqu'un d'une époque de se conformer au "bien" et à la morale admise de cette époque-là. Que dira-t-on de la nôtre plus tard si les moeurs changent, ce qui est probable ?  Et il est infiniment dommage qu'on n'ait conservé de ces oeuvres que l'idée qu'elles étaient signe de "servage et d'obédience" alors que précisément c'était la zone d'évasion et d'imaginatioon que la société d'alors permettait . Les images en attestent, à chaque page que je ne peux montrer toutes tableaux superbement composés et dont on peut penser qu'ils ont été dessinés par les brodeuses  (certains  mélangent aquarelle et broderie ) et aussi une maîtrise de ce qu'on nomme "peinture à l'aiguille".  Cette oeuvre de Mary Green, datée de 1804 propose une composition parfaite. Un journal atteste qu'à l'école " l'ouvrage d'aiguille ormental est enseigné " :

     

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    Et justement cet acte créatif a été occulté , ce livre que j'ai eu du mal à trouver est un des rares qui évoquent ces travaux.

    Et  à présent un voeu pieu, à l'égard des millions d'anonymes ou inconnues que nous sommes ... Soyons moins modestes  et si nous créons , faisons en sorte que nos oeuvres soient dignement conservées. On sait qu'on n'aura pas  droit -ou rarement - à une recension côté grands arts, (j'ai eu  ! merci je ne dis pas cela par dépit ou frustration!) mais alors débrouillons-nous nous mêmes : écrivons aussi sur ce qui a suscité nos  créations, ce n'est pas de l'outrecuidance, comme on me le dit, c'est une juste remise en place   d'oeuvres injustement exclues de la culture artistique dite contemporaine. Nous existons dans notre siècle et dans les diversités de nos créations. Faisons savoir que nos oeuvres existent, même si tout est fauit pour nous reléguer dans notre "ghetto culturel".

    Et soyons aussi honnêtes, ce qui est pour moi la seule façon valable d'être réellement humbles et modestes : disons nos sources , si nous en avons,  et cessons de faire croire que nous sommes l'auteur du kit ou du modèle piqué à une revue , ou qu'empruntant le graphisme à un peintre abstrait du XX° siècle nous sommes des "novatrices" sublimes , plus artistes que celle qui part d'un poncif de son art. 

    Et si nous avons pouvoir à le faire, insistons pour que nos oeuvres aient le droit à la conservation  au même titre que les grands arts, elles valent bien les tas de gravats et de bûches dont les musées  d'art contemporain sont parfois  encombrés .   Si  des capsules de yaourt assemblées sont du  plus grand art textile que nos compositions  (personnelles et signifiantes tout autant )    d'étoffes pourvu qu'on les assortisse du discours congruant le prouvant, écrivons les nôtres de "discours",  je peux aider qui n'y parviendrait pas ..... Faisons des index de nos oeuvres sur nos sites , expliquons, témoignons .... Signons nos oeuvres en indiquant qui a fait quoi : designer- réalisatrice- quilteuse  nous aiderons les historiens du textile futur ;  cessons de faire "profil bas", pour ne pas être (sauf si on le souhaite) des anonymous women du XXI siècle .

     

     

    Dscf392red6On peut si on le souhaite et sur ce dernier point m'écrire sur chiffondart@aol.com

     

  • De la géométrie en art textile- 2

    Régulier-irrégulier

     

    Il semble bien que si on s'en tient sinon au textile du moins aux matières souples servant à fabriquer vêtements, tentures sacs et objets, quand on use  d'assemblages de formes venues de sources diverses-  on ait eu le choix entre mettre ensemble les pièces récupérées telles quelles ou  de les retailler pour  composer avec les chutes des géométries régulières (celles-ci présentant souvent l'avantage d'offrir des coutures droites en principe plus faciles à ajuster ), même si les motifs avec courbes régulières, bien entendu existent aussi.

    On peut aussi évidemment retailler ces morceaux dans toute autre forme souhaitée : figurative, stylisée, mais en ce cas on a  plutôt tendance à les appliquer sur un fond  surtout quand la forme devient complexe et la technique dite d'appliqué est considérée souvent  comme une forme de broderie plus que de couture (il n'y a pas à proprement parler "assemblage", ou plus exactement la jonction se fait par superposition.

    On distingue donc  dans les oeuvres en patchwork qu'elles soient anciennes ou contemporaines diverses approches de la géométrie selon  ses formes et la disposition de celles-ci.

    La géométrie irrégulière  préservant la forme des étoffes telles quelles c'est le royaume du crazy quilt. On le fait remonter à la fin du XIX° siècle, et précisément  la centennial exposition  à Philadelphie en 1876  où des vases japonais craquelés auraient donné l'idée de type de quilts. Mais je crois qu'on confond la mode du crazy  victorien, très orné, qui s'est développée à ce moment-là et la naissance de l'art de la "chute folle"; on trouve bien avant des assemblages de pièces irrégulières  ne serait-ce que par souci d'économie.(et ce dans pas mal de cultures différentes). On peut voir dans des livres d'histoire du costume des corsages reconstitués de morceaux détoffe, faits en France )

    On voit aussi dans le livre Abstract design in American quilts  déjà cité ce crazy très dépouillé qui n'a rien de victorien , mais qui est un crazy quilt au sens de formes irrégulières emboîtées et rebrodées sur les coutures.

    crazy-revival-001.jpg

    La plupart des spécialistes des quilts assimilent cependant crazy et étoffes très brodées, même si nombre d'oeuvres, même en tissus précieux sont juste ornées sur les coutures, et souvent en morceaux  réguliers. Les  caractèristiques  précieux/ brodé l'ayant emporté sur celle de morceaux irréguliers utilisés tels quels .

    .On peut voir des crazys quilts à l'ancienne sur nombre de sites en tapant antique crazy quilts dans un moteur de recherche.

    Ces formes irrégulières sont elles-mêmes souvent incluses dans des formes régulières : carrés; losanges , bandes verticales, comme je l'ai fait dans l' Arlequin fou :

     

    afou.jpg

    Mais , il arrive aussi que la surface de fond  sur laquelle les tissus sont posés au lieu d'être constituée de morceaux recousus ensuite, soit  d'un seul tenant, ce qui n'empêche  pas d'y intégrer  des formes régulières :  ici les "roues" symbolisant les hasards du mariage .

     

    rebus-4.jpg

    .Crazy quilt rébus ou l'heureux mariage

     

    Aux formes irrégulières des crazys peuvent s'ajouter celles des quilts Afro-américains des  Gee's Bend nés au XX iècle et qui sont devenus célèbres pour leur fantaisie de formes , l'équilibre des compositions et la sobriété des tissus utilisés (en tissus unis)  En revanche pas ou peu de matelassage . On peut en voir sur ce lien .

     

    - Des formes régulières diverses travaillés en ensemble   comme dans les quilts dits dahlias, les grandes étoiles notamment qui sont des "classiques" de ce type de disposition .

    L'étoile des quatre saisons réinterprétation d'un quilt de Mary-Evangeline Dillon . Ces étoiles sont presque le stéréootype du quilt américain et souvent dans les livres sur art et étoffes c'est  eux que l'on voit ...comme si l'art du quilt s'y réduisait, lui qui est si varié !

     

     

    Et4s 4

     

    La géométrie en formes identiques répétées  :  carrés, triangles, hexagones ou toute autre forme pouvant s'emboîter par tessellation.  On lit parfois que de telles surfaces seraient plus "simplistes" que les élaborations savantes à partir de géométries plus complexes , mais ce n'est pas mon avis d'autant qu'on peut par travail de pixellisation notamment reconstruire avec ces tesselles des tableaux personnels  (pas seulement des copies de photographies ) ).Les charm -quilts ces quilts comportant 999 morceaux (parfois davantage) identiques par la forme, mais tous différents par les étoffes font partie de cette catégorie.

    Dans ce quilt Jaillissements  j'ai utilisé les tesselles carrées pour reconstituer une de mes créations numériques :

     

     

    Jailesements redjpg

    Mais j'aime aussi à en bâtir des surfaces plus classiques témoin ce Petite fleur fait pour illustrer par saturation -un peu ironique et distanciée par rapport au thème- les tissus à fleufleurs :(c'est aussi un charm-quilt aucun tissu semblable à un autre)

    Petites fleur detail

     

     

     La géométrie dite en blocs ces carrés répertoriés par les quilteuses américaines, mais qui existaient déjà en Europe avant la naissance des Etats-Unis, comme on semble trop souvent l'oublier et notamment en Europe du Nord (La Suède entre autres a un bel "héritage"et bien évidemment le Royaume-uni ) .Et même hors d'Europe comme le souligne le début de cet article .

    C'est une de mes approches favorites,  j'ai expliqué maintes fois pourquoi  : il existe des milliers de blocs et pour chacun une infinité de possibilités  de  création personnelle en étoffes en adéquation avec la géométrie choisie (à noter que tous ces carrés ne sont pas remplis de formes géométriques, mais une bonne partie) .

    On peut faire avec eux absolument tout ce que l'imagination propose et on ne voit vraiment pas pourquoi ils ont été , à une  certaine époque, assimilés à un patchwork "planplan", pépère et sans imagination. On peut bâtir sur une simple juxtaposition comme ce Melting pot :

     

     

    Melting pot 3Ou bien encore en déformant les blocs au point qu'il est difficile de les reconnaître comme  dans le Feu sacré :

    Le feu sacr jacqueline fischer art textilejpg

    Des recueils de blocs ont été constitués très tôt comme aide mémoire et propagation d'un art. Et comme en point compté ou broderies; les quilteuses ont fait parfois des "samplers" ces échantillonnages  de blocs tous diffférents et j'ai obéi à cette coutume en voulant tester les blocs les plus difficiles du logiciel Block base (déjà cité )  Le sampler délicat  :

    sampler-delicat-1-reduite.jpg

    Evidemment on ne peut oublier les compositions des Mnemonites et des Amish célèbres pour l'utilisation des étoffes unies , les formes simples et l'audace de leurs coloris ainsi que souvent un matelassage très sophistiqué. A noter que les quilts Gallois antérieurs dans le temps présentent des ressemblances . Pour ma part je n'en ai pas réalisé, les tissus unis et le matelassage n'étant pas mes modes d'expression en tissu préférés et mon but n'est pas de suivre, ni de reproduire ce qui existe déjà . Ce qui ne m'empêche pas de les admirer chez les autres. On peut voir des quilts anciens Amish sur ce site

    Les quilts  dits en médaillons construits autout d'un bloc central auquel on rajoute des rangées sur chaque côté  qui serait une spéciialité britannique. Le quilt Home sweet Home s'apparente un peu à ceux-là  :

     

    Home

     

     

     

    Les géométries jugées plus contemporaines ont souvent préféré les bandes décalées , les carrés un peu de guingois, et les livres d'art quilts regorgent d'ouvrages de la sorte .On peu aussi s'amuser à ce petit jeu (que j'ai fait) taper  geometric art quilt, puis comparer avec les oeuvre de Klee , Kandinsky, Rothko, sans oublier Vasarely et Mondrian pour voir que là l'inspiration se veut "noble" et côté Beaux-arts.

    On peut compter comme "contemporain " tout ce qui s'éloignerait des formes précédentes jugées elles traditionnelles, mais à dire vrai et je l'ai souvent montré le clivage entre le deux est souvent  très discutable. 

    La  vague des modern quilts privilégie les grandes surfaces unies avec un matelassage très élaboré (le plus souvent sur machine long arm  ) je renvoie sur ce lien où je les ai déjà présentés .

    Mon quilt Eclats de Soie s'en rapproche  :  je ne refuse pas une tendance" quand j'ai quelque chose à dire avec elle :-) non plus , il ne s'agit pas de refuser ou nier  les influences, mais de sélectionner en chaque genre ce qui convient à propre expression  :

     

    10391388 10202551594257567 8900498651140083116 n

     

     Et en conclusion rappelez-vous ces oeuvres qu'on les aime ou pas sont des surfaces abstraites, exprimant des visions géométriques de l'espace mais en   tissus parce que  le tissu a pour moi des caractéristiques que la peinture ne me donnerait pas -son toucher ses reflets, ses imprimés, son histoire . Pas  seulment de jolies couvertures. Merci de le comprendre.