Jeux d'étoffes : bien-être et douceur de vivre

Dans les débuts, il y a forcément  une histoire d’enfance…

La mienne où les étoffes prenaient tant de place (ma mère tout comme moi gardait tout, mais c’était chez elle angoisse du retour d’une guerre, de personne qui a perdu presque tous ses biens, elle conservait sans désir de créer)

Celle de mes enfants, puisque mon premier quilt a été conçu dans la longue attente de mon premier enfant adoptif et beaucoup des suivants parce que  le second exigeait de dormir entre deux de ces surfaces.

Je voudrais ici défendre le goût des femmes à manifester leur tendresse et leur accord avec leur foyer en créant des petits bouts d’affection à donner, des surfaces où le regard se pose pour se reposer, aussi.

Des haltes et des havres.

Qu’on ne me dise pas que c’est mièvrerie, sensiblerie, voire affèterie. Sauf à considérer qu’aimer et le dire par ce moyen  est mièvre.

J’admets très bien que la création puisse être pleine de vigueur, de  violence et même d’une laideur puissante. Je ressens cet aspect très profondément.

Qu’on nous laisse aussi le droit à la délicatesse .A la douceur. Je plaiderai, jusqu’à la fin de mes jours, pour une force vive de la douceur. Si elle est à ce point déconsidérée, et souvent par les femmes elles-mêmes, surtout quand elles s’affirment comme artistes,

c’est parce que c’est une valeur occultée, ou pire assimilée à une vision caricaturale de la femme confinée au foyer. Précisément, quand ce fut le cas, on peut noter que par le moyen des étoffes tandis que certaines copiaient à l’infini les modèles des magazines, avec plus ou moins d’interprétation, d’autres déjà  s’essayaient à des ouvrages plus personnels. Que ceux-ci soient  humbles et utilitaires ne leur ôte pas leur valeur esthétique quand ils en ont une.

Pas plus que les autres, je ne me suis prise au sérieux et encore moins pour une artiste en créant des couvertures pour mes enfants.

Mais c’est en le faisant que j’ai découvert à quel point c’était un puissant moyen d’expression. Il a suffi pour m’en persuader de voir la fille d’une de mes amies, tout bébé, parler à mon premier quilt comme s’il était une présence vivante.

Je n’ai cependant jamais aimé les couleurs et figures imposées de l’enfance, l’obligation de tons pastels quand les enfants perçoivent surtout les couleurs vives, le côté « gnangan » et abêti de l’entreprise .Les canards bleus et les lapins pastel, les  figures faussement naïves.

La tendresse peut se dire autrement et avec vigueur, même.

Je cède en revanche au motif du cœur, parce qu’on le retrouve dans beaucoup de cultures et de livres de « poncifs », parce que sa forme me plaît et que j’assume ma sentimentalité.

 Parfois, le plus simple est le plus efficace.

Il est arrivé assez souvent que mes enfants soient les commanditaires d’un ouvrage. Ainsi Atout cœur qui est l’adaptation très libre d’un modèle vu par mon fils dans  un livre. Il n’avait que trois ans, mais savait très bien ce qu’il voulait.

Ou encore, ces « escargots » entièrement improvisés, ma fille choisissait les tissus à leur arrivée, je taillais et cousais.

Il y a aussi ces quilts que j’ai faits juste  pour accompagner des moments de sérénité intime, quand on partage thé ou café avec quelques amis. La tradition anglo-saxonne possède beaucoup d’exemples de ce qu’on nomme quilts « cosy » ou tea party time.

 Ces ouvrages pourtant n’ornent pas les murs de ma maison, ils sont plutôt conçus comme une expression libre d’un quotidien parfois délectable. La fonction de ces ouvrages est multiple et ordinaire ; réchauffer, décorer et donner l’idée d’un certain bien-être, de la joie simple d’être en vie.

On  y retrouve mes constantes : tissus imprimés et variété, désir de ne rien perdre de mes trouvailles, de leur trouver une place dans une des surfaces ainsi créées. Ainsi les tasses à thé où la soucoupe et la tasse ne sont pas taillées dans le même tissu ; ni même dans des tissus coordonnés, mais des tissus assortis –ce qui n’est pas la même chose. Et comme dans la plupart de mes ouvrages, j’ai lié ma vie et mes réalisations par le biais des tissus gardés : robes de mon enfance et vêtements de mes enfants, par exemple.

 Domaine aussi de la délicatesse des dentelles annonçant déjà le chapitre suivant, mais ici elles sont plutôt présentées ous l’angle de la tendresse

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   La dentelle et la broderie anglaise sont en elles-mêmes des matériaux autour desquels j’aime à travailler en les traitant parfois exactement comme s’il s’agissait d’un tissu « ordinaire ».

Et puis la douceur de vivre c’est aussi la terre d’élection des coussins. J’en ai réalisé des dizaines que j’ai donnés sans en garder trace. Je les retrouve, à l’occasion chez la famille et les amis et j’ai parfois complètement oublié leur réalisation.  Le coussin est aussi mon domaine d’essai : quand j’ai envie de tester un agencement ou un motif, je couds quatre  blocs et je laisse reposer, si je ne choisis pas de bâtir une surface plus conséquente, j’en fais un coussin. C’est du domaine de l’abandon consenti, le repos des guerriers que la vie contemporaine nous oblige tous à être, hommes ou femmes, peu ou prou.

Et que celui ou celle  qui n’a jamais  aimé poser sa joue sur ces petites choses tendres et inoffensives me  jette… le premier polochon.

J’ai parfois des fantasmes d’exposition « free hugs » où j’installerai quilts et coussins par terre en invitant le public à faire par-dessous tout ce qu’il lui semblerait opportun de faire. D’ailleurs quand on séjourne chez moi on dort sous des quilts et on s’assoit dessus, on se roule dedans. Ils rejoignent la vie, dont ils sont issus. C’est dans l’ordre des choses. Et honni soit qui mal y pense.

A  ces ouvrages on peut associer les objets brodés que  j'ai ralisés de ses débuts à 2012  notamment  pour la revue Broderie d’art et que je garde rarement pour moi. Je ne trancherai pas l’épineux problème de savoir si ça embellit la vie ou si ça l’enjolive seulement. C’est comme on veut.

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