Le bien écrit , le bien brodé, le bien cousu

Pour moi , qui manie le stylo et même la plume (les célèbres sergent-major!) (-aujourd'hui  le clavier) et l'aiguille depuis mon plus jeune âge ... je me suis heurtée souvent à ces jugements : bien-mal écrit bien-mal cousu ou brodé ....

 Le  "bien écrit"  visait autrefois, à l'école  l'aptitude à maîtriser une écriture cursive - calligraphique- les modèles de mon institutrice en attestent : pleins et déliés parfaits . Pour moi enfant qui apprenait,  l'image même de la perfection normée . Avec déjà cette tentation d'y tendre, cette certitude de ne jamais y parvenir et une tendance exactement contraire qui me poussait à écrire selon mon tempérament.

 

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J'en ai écrit aussi dans mon premier récit long La Demeure Mentale :

" Dans le cahier, le domaine des majuscules demeura longtemps inexploré. Une main experte -celle de l'instituteur de Pierre, sans doute- les avait calligraphiées.  Mes essais maladroits ne pourraient jamais, j'en étais pathétiquement certaine, atteindre l'admirable perfection des pleins et des déliés magistraux. Pendant plusieurs semaines, accomplir cet exploit devint mon unique but. J'étais persuadée que leur achèvement m'était interdit ; il représentait cependant pour moi le summum de la beauté. Cette distance leur conféra le prestige et les grâces des princesses lointaines, inaccessibles et emmêlées dans les souples méandres de leurs boucles sobrement nouées."

J'ai manuellement une écriture difficile  à lire-sauf si je ralentis mon rythme et m'applique- cela vient du fait que ma pensée va très vite et que si je ne suis pas sa vitesse je perds des idées en route . Je tape trop vite (je parle trop vite aussi) aussi ce qui provoque des fautes de frappe nombreuses -dont je vous prie de m'excuser  d'autant que fixer les écrans m'étant difficile, je les vois de moins en moins. Je corrige  chaque fois que je repasse ici.

Il ya ce  "bien écrire" calligraphique et aussi ce  "bien écrire" qui consiste à respecter la syntaxe et l'orthographe (ce qui n'est pas la même chose du tout) . Les fautes d'orthographe grammaticale entravent beaucoup plus la compréhension d'un texte que les lexicales. Je suis  indulgente aux réels dyslexiques, je le suis moins aux je m'en foutistes et aux "j'écris pour ME comprendre, MOI" .Le langage n'a pas pour fonction essentielle de parler à son nombril ou entre ceux qui sont du club ou clan aux dépends de ceux qui n'en sont pas .Certes la fixation et la normalisation de l'orthographe  est historiquement discutable à l'infini, elle a permis   tout au moins d'avoir un code commun.

Le écrire bien "sans fautes" n'est du reste pas si aisé, même aux spécialistes et c'est pour quoi j'ai accepté quand l'éditeur Jacques Flament  m'a demandé d'extenser ma chronique de langage en livre .

.  Aucun écrivain ne confondrait ces arts de "bien écrire" celui qui touche à la calligraphie et celui qui touche à l'orthographe(toutes deux qualifiées parfois jadis de "sciences des imbéciles"  avec  l'intérêt littéraire d'un texte .

On m'a souvent dit , à cet égard , côté lecteurs et lecteurs de différents  milieux et goûts, à cet égard, que "j'écrivais bien" ,  . Côté édition-quand  c'était lu! - c'était plutôt considéré comme une qualité trpp "scolaire" trop "conformiste".  (trop bien écrit" trop classique, quoi !) Qui croire alors ? Beauoup de personnes, ne se connaissant pas entre elles, ayant des goûts littéraires différents et même franchement antagonistes. Certaines tout à fait "autorisées" à en juger. Je ne sais pas ce que ce "bien" recouvre, mais j'ai eu le sentiment de la reconnaissance d'une maîtrise de mon outil d'expression pour faire coIncider au moins un peu la forme et le fond ce que j'appelle "exactitude", "justesse" . Et je comprends le  recours  aux autres langues, dialectes y compris quand la langue commune fait défaut ou aux inventions de mots .

Chose que je  pratique aussi en art textile. car pour moi c'est un langage textile plus qu'un art textile que j'entends exercer . J'assemble et je brode les tissus comme un autre langage , poétique le plus souvent, je l'espère . Narratif parfois (l'un n'exclut pas l'autre) . Or ce langage n'est ni étudié comme tel, ni reconnu  il passe par les sens mais aussi par les symboles  il se "lit" il propose tout comme un texte écrit -ou une oeuvre graphique plusieurs niveaux de lecture ou d'appréhension, si on veut ... Et je me sens un peu seule, à cet égard, parmi ce que je nomme "la corporation" . Si on veut en savoir davantage lire le bonheur en lisière .

 Mon premier art pratiqué fut la broderie , si proche du geste d'écrire . Il existe des milliers d'oeuvres associant lettres et textiles ; abécédaires, monogrammes, marquoirs -noms ou initiales brodés sur les vêtements pour les reconnaître , à une époque où on déléguait ce soin à une blanchisserie -Samplers , ces recueils de motifs que j'aime particulièrement car ils allient justement mes deux écritures : celles avec mots et lettres et celles symbolique des motifs .

Ce que je regrette, en  broderie c'est précisément la perfection formelle érigée en dogme . En manière d'éliminer.J'en ai parlé dans cet article

qui consiste précisément à confondre l'écriture calligrahiée et l'expression personnelle par le motif brodé.

 Pour les lettres ainsi on a le choix entre une écriture impersonnelle et parfaite   comme celle que j'ai choisie pour la lisibilité des textes :

 

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 ou sa propre écriture personnelle  très imparfaite pour la mienne mais qui montre caractère et tempérament ce qui fut mon  choix pour le Chant des couleurs.

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Dans les deux cas ce choix n'était pas d'obédience à une quelconque perfection technique "obligatoire" , mais de significatIon .

Pourquoi la broderie serait-elle juste un art de perfection formelle où s'effacerait l'âme le coeur les sensations de qui brode ? Une broderie parfaite ne reflète que cette peerfection certes difficile à atteindre , avec  derrière un relent d'abnégation, d'effacement de soi, admirable certes, mais hélas,  si souvent prôné aux femmes pour les maintenir dans leur rôle social d'inférieures aux hommes surtout  côté Beaux-arts, et ne pouvant donc s'illustrerqu'en manifestant ces vertus . Ce qui, certes, n'est pas méprisable  mais tend à enfermer dans l'admiration de la technique aux dépens de la vraie création.  'Un kit parfaitement réalisé ou un modèle copié intégralement,  sur les réseaux sociaux est plus admiré qu'une création authentique où les points seront  volontairement moins normés, et expressifs donc .

J'aimerais qu'on    y réfléchisse, vraiment . Si on assimile, déjà , en valeur artistique, la copie d'un modèle à la création - on fausse le jeu.

C'est idem en patchwork , côté bien cousu ,surtout si on a un point de départ dit traditionnel (quand il n 'est qu'un choix esthétique je n'ai jamais eu le désir de perpétuer une tradition !  ! ) Ainsi j'ai découvert assez vite que si on use des "blocs" -ces carrés répertoriés on n'a pas droit à l'erreur, tandis qu' avec un dessin dit "personnel" là on a tous le droits, même si ce dessin est d'un simplisme volontaire .Or je fais les deux, Et je refuse qu'on  m'assigne au seul "bien  cousu" dans le premier cas .

Ce que  je voulais  aussi et veux toujours c'est cette écriture par les motifs réassemblés, les formes et les couleurs. éventuellement le matelassage -mais sans qu'il soit une obligation. Autant vous dire et je l'explique dans mon livre Jeux d'étoffes et aussi dans cet article., que si  je suis entendue, j'ai toujours eu l'impression que c'était un peu façon "laissons-là causer c'est son dada ' . Ce n'est pas un dada mais un questionnement sur  mes arts.

Ma vie ma passion .  Pas un passe-temps.

 

 

 

 

 

Réflexion-débat-questionnement

Commentaires

  • fra,çoise pradel
    • 1. fra,çoise pradel Le 12/01/2020
    bien calligraphier, bien coudre à la main ....
    J'ai de mauvais souvenir des " cours de travaux manuels" du collège imposés uniquement aux filles ...
    " coudre 20 centimètres" de couture anglaise ... à la main
    réaliser pendant un an un brassière taille 3 mois détaillé centimètre par centimètre de telle façon que cela était dépourvu de sens ... j'ai détesté chaque heure de ces cours regrettant de ne pas être en permanence avec les garçons de ma classe...
    si je sais un peu coudre c'est à moi même que je le dois.

    Je pense que les œuvres d'art en textile souffrent du fait que les techniques sont généralement pratiquées par des femmes non professionnelles...

    Je fais un parallèle avec un domaine que je connais bien, la plupart des conteurs amateurs sont des conteuses à 98% et les conteurs professionnels sont majoritaires...
    • FISCHER JACQUELINE
      • FISCHER JACQUELINELe 15/01/2020
      Merci beaucoup de votre commentaire. Professionnel ou amateur ce qu'il faut regarder c'est le talent ! Il y en a je crois dans les deux catégories. J'ai été semi-professionnelle naguère puisque publiant ces modèles pour des revues, mais je crois que c'est plus nécessaire quand on fait un objet ou un vêtement qu'une surface "libre" , un peu comme en peinture où les exigences de bien couvrir la surface ne sont fort heureusement pas les mêmes sur un mur ou un meuble que sur une toile où les plus grands-je l'ai vu de mes yeux- vu laissent des blancs ...

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