le bonheur en lisière-6

1998 est la date de l'arrivée de l'informatique dans ma vie. J'avais possédé divers traitements de textes électroniques, à la fois pour mon métier de professeur et mes activités d’écriture personnelle.

Mais rien à voir avec les ordinateurs de cette époque. En fait il fallait s'y mettre, côté métier et de plus j'avais à ce moment-là un  premier projet de livre, et l' éditrice voulait des dessins de "pros" . J'acquis donc une des premières versions de Quilt-Pro , et là je fus conquise .Et puis quelque temps plus tard Electric quilt 3 et surtout l'encyclopédie Blockbase . Ainsi je vécus une libération, moi, dans cette géométrie qui semblait tellement  "emprisonner" des vraies artistes reconnues . Et je continue, n'ayant toujours pas trouvé en quoi c'était la geole ou le carcan qu'on me décrivait  puisque partout on lisait que les "vraies artistes" devaient s'en "libérer", que c'était bon pour les débutantes enfin toujours les mêmes "arguments"  Tout au contraire. Je pouvais enfin concevoir ce que je voulais, comme je le voulais , même des dessins très complexes qui auraient été laborieux à obtenir avec compas  crayon et équerre. J'ai découvert (et encore maintenant ) combien leurs combinaisons, déformations , altérations , positionnements pouvaient m'ouvrir de compositions bien personnelles (il ne s'agit pas que de juxtaposer des blocs existants et de les colorier comme il m'a été dit !)  sans compter , evidemment, des tracés que je créais ,  comme celui du quilt Le temps des lilas, conçu à cette époque .

Temps 1Le temps des lilas- détail -matelassage Simone Struss

J'ai créé depuis 1998  à  ce jour des mllliers  de plans de quilts, qui sont mes créations de "designer" en quelque  sorte.. au début j'en ai donné beaucoup, en 2000 la revue les Nouvelles publiera un de ces modèles virtuels décliné en plusieurs versions de couleurs et  qui sera réalisé  par d'autres  en tissus .

 Inutile  de dire que j'avais alors beaucoup de relations. Je partagerais encore volontiers ces plans , si j'étais certaine qu'on  respecte la propriété intellectuelle du designer  et si ça intéressait encore quelqu'un, ce dont je doute.. Or ,si aux Usa celui-ci figure obligatoirement sur les publications , en France la coutume est de ne rien dire . Même omerta pour les travaux délégués qu'ils soient d'assemblage ou plus fréquemment de matelassage . Je le dis et j'en suis fière, et certaine que ça n'ôte rien à la valeur de mon travail, si ça n'ôte rien à celui des grands qui délèguent à de "petites mains", il ne saurait y avoir en la matière deux poids et deux mesures.

En 2001, j'arrivais sur internet et les relations augmentèrent d'autant .  Si peu me sont restées,  ce sont  celles qui m'estimaient et /ou me comprenaient  vraiment et c'est l'essentiel. J'ai fait des échanges de tissus , j'étais la bonne fille qui peut vous trouver dans son  "magasin" juste l'imprimé dont vous aviez besoin pour exprimer ceci ou cela . Beaucoup de débats et de disussions à l'époque , des débats d'idées. Depuis il semble que l'intérêt se soir déplacé ailleurs , et la recherche de modèles ou de matériel, les conseils techniques envahissent les Forums .  Du reste, je me suis fait traitée de "trop intello" comme dans les cours de récré  par des personnes qui ne savent pas bien ce que le mot veut dire car je n'ai rien, strictement RIEN d'une intellectuelle qui pose au grand penseur. Si réfléchir un peu donne cette impression-là ... c'est navrant .

C'est l'époque où venaient chez moi pas mal de personnes pour voir ... je montrais et à chaque fois et constatais une surprise . Je me demandais en quoi mes surfaces que jusqu'alors j'avais trouvées bien ordinaires, étaient différentes . Les couleurs, me disait-on souvent . Mais pas que les couleurs . Souvent on me disait : " il faut finir celui-là , il faut exposer, il faut partager, tu ne peux pas garder tout ça pour toi". Car jusque-là, aucune envie d'exposer pour une raison que je peux confier maintenant. A force de lire partout des exigences techniques extrêmes,  équerrage parfait, rien qui plisse , aussi beau à l'envers que sur l'endroit etc. je me disais que c'était des expositions  "concours de couture ", et que moi ce n'était pas essentiellement de la couture  normée, comme pour le prêt à porter, que je faisais. Les thèmes, de plus, imposés ne me convenaient pas souvent, j'avais mes propres idées, mes propres  envies . On m'a "seriné" maintes fois  que c'était une occasion  de se  confronter  à des contraintes et de se dépasser soi-même -encore ue expression à la mode ! -mais je n'ai jamais été totalement convaincue . Je ne peux pas "me dépasser "au vu que je ne me suis pas encore trouvée  ! 

 C'est aussi l'époque où on me demanda d'organiser des stages pour expliquer comment j'arrivais à mettre tant de tissus et de couleurs et que ça reste harmonieux. J'y ai réfléchi et j'en ai conclu que ce n'était pas possible. D'abord parce que  je travaillais encore.  Pour moi les stages sont surtout faits pour transmettre des techniques à partir desquelles on peut s'exprimer. Ma singularité  ne venait pas des techniques, mais de mon usage des tissus et des couleurs et motifs .  Cela me paraissait difficilement transmissible par une pédagogie classique , il s'agissait pas de trucs et recettes à appliquer , mais d'une harmonie qui était en moi, pas dans la roue de couleurs . Une harmonie pleine de risques de dérapages, d'ailleurs et qui était très loin de séduire tout le monde, surtout pas celles pour qui le bon goût "classique" est essentiel et que les audaces révulsent .

PICT0012.JPGtata yoto  couleurs vives et tissus fantaisies

J'ai pu cependant plus tard livrer quelques unes de ce  que je nommais mes "stratégies" dans mon livre mais elles étaient établies après coup . En fait c'est trop instinctif pour être analysé.Le but justement était d'inciter les personnes qui "font" du patchwork à regarder les tissus vraiment autrement, à s'interroger sur toutes leurs possibilités d'expression (et Dieu sait s'il y en a vu que j'en découvre encore!), et à ne pas se borner aux seuls tissus américains à cet usage, sauf à faire passer la facilité d'entretien avant la création.

Je suis alors beaucoup trop de pistes de recherche  pour en rendre compte ici (sinon je n'aurais pas besoin d'écrire là dessus des livres entiers ) . Mon oeuvre approchait alors les 100 ouvrages, depuis je ne compte plus !

Entre autres voies j'explore les surfaces que j'appelle mes "quilts jardins" J'avais déjà commencé en 1994 et j'en créé toujours .  C'est vrai qu'au départ, j'ai été influencée par les watercolors, mais mes jardins ne sont pas des "watercolors"  tels qu'on les décrit dans les livres. Ils portent cependant l'influence de ma rencontre avec l'artiste britannique Deirdre Amsden par livre interposé . Cela  ne signifie pas qu'ils ne soient pas entièrement de moi dans la composition , mais que de voir  ces oeuvres-là m'a mise en route pour  ces compositions-ci !  ( à suivre)

Jacqueline

 détail du quilt Cascade-  matelassage Simone Struss

 

 

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