Tissus dans la littérature de Philippe Charbonnier

Mon ex-collègue et toujours ami Philippe Charbonnier partage avec moi outre l'amour du grec et des "belles-lettres" un intérêt pour les étoffes dont on parle dans la littérature et dont les noms parfois ont été oubliés. Une occasion aussi de découvrir des prosateurs  parfois méconnus,

 Il a bien voulu me confier son travail et me permettre d'en publier un extrait ici.

 Si vous voulez en lire plus, me contacter!

ALGÉRIENNE n. f. 1. Étoffe de laine rayée, de couleurs vives. Il regarda, très penaud, la chambre dont les murs semblaient trembler, à la lueur vacillante d’une bougie ; une chambre aux meubles couverts de laine bleue et un divan tapissé d’algérienne (Joris-Karl Huys- mans, À vau-l’eau, Fleuron, p. 123). 2. Écharpe faite de cette étoffe.

ALPAGA, ALPACA, ALPAGUE n. m. Étof- fe faite avec la laine de l’alpaga. On voyait son derrière, comme soulevé par un grand obstacle, tendu dans un pantalon d’alpaga gris (Paul Morand, Milady, in « Milady et autres récits », France Loisirs, p. 44).

ANDRINOPLE n. f. Étoffe de coton bon   marché, le plus souvent rouge. Cette soie des pauvres, l’andrinople ! (J. Lorrain, Une Femme par jour, Christian Pirot, p. 184). « Le salon japonais », avait dit Isidore. De vagues kakémonos et des éventails du Yeddo, toute la pacotille des bazars bon marché en déco- raient les murs fatalement tendus d’andrino- ple (Jean Lorrain, La Maison Philibert, Christian Pirot, p. 203). Un rideau d’andrino- ple rouge tombait d’une étagère, et la lueur du pétrole jouait dans un morceau de miroir fixé au mur par quatre clous (Roger Vercel, Capitaine Conan, Le Livre de Poche, p. 106).

ANGLAISE n. f. Gros galon de fil ou de soie dont on garnit les étoffes pour meubles, et même les vêtements. Une anglaise de kalmouck rayé gris et la veste (Henri de Régnier, Proses datées, Mercure de France, p. 258).

BARÈGE n. m. (de Barèges, ville des Hau- tes-Pyrénées où était fabriquée cette étoffe, 1829) Étoffe de laine légère. Les sous-officiers du 29e alpins  (...) remuaient le barège de leur pernod ( Jean Lorrain, Madame Monpalou, p. 227).

BASIN n. m. Vieilli. Étoffe croisée dont la chaîne est de fil et la trame de coton. Le prince apprit que Tchourine avait trompé un pauvre paysan sur la mesure d’une pièce de basin (Alexandre Dumas, Jacquot sans Oreilles, Grasset, Les Cahiers Rouges,  p. 84). Dix cols de basin blanc (Henri de Régnier, Proses datées, Mercure de France, p. 257).

BATIK n. m. 1. Soie peinte, à la mode javanaise, répandue vers 1900.  S’il va falloir l’opérer de la cataracte, Monet, ça va être gai

pour lui... Il avait un neveu qui faisait des batiks, un grand diable que Paul avait rencontré chez les Murphy... (Louis Aragon, Aurélien, Gallimard/ France Loisirs, p. 516).      2. P. ext. Pièce de cette étoffe, utilisée en Indonésie pour la coiffure. 3. Procédé de décoration par report d’un dessin sur le support (étoffe, papier, cuir) ; tissu ainsi traité. Lui avait un air de ténor, une barbe qui même rasée d’une heure était bleu marine, des yeux imbéciles qu’il jugeait doux et des cravates en batik mauve dans lesquelles il piquait une croix lorraine en marcassite (Maurice Sachs, Le Sabbat, Le Livre de Poche, p. 277). 4. Cour. en français d’Afrique. Pagne de coton obtenu par trempage dans des bains de teinture après impression du tissu à la cire.   

BERLINGE n. m. Grosse étoffe en fil et en laine (Larousse du XIXe siècle). Il avait ses vêtements des jours de travail, le tricot de laine bleue usé aux coudes et le pantalon de berlinge, rapiécé de vieux lambeaux d’étoffes de toutes nuances, maculé de taches de gou- dron, retenu aux hanches par une espèce de turban tordu comme un câble (Anatole Le Braz, Pâques d’Islande, Nelson, p. 94). 

BISET, BIZET n. m. (de bis, gris). A. Vx. Étoffe de laine grossière, de couleur bise. Spéc., hist. milit. [En parlant d’un garde national] En biset. Sans uniforme. La nature éminemment généreuse de l’épicier entre pour beaucoup dans la physionomie de Paris. D’un jour à l’autre, ému par quelque catastrophe ou par une fête, ne reparaît-il pas dans le luxe de son uniforme, après avoir fait de l’opposition en biset ? (Honoré de Balzac, L’Épicier, in « Les Français peints par eux-mêmes, Omnibus, p. 27).

 

BLONDE n. f. Text. Dentelle de soie plate, écrue à l’origine, exécutée au fuseau. Les gazes, les blondes, les falbalas, les guirlandes, les perles et les fleurs qui ornaient les baldaquins établis sur le rivage pour les deux Majestés, avaient l’air de sortir des magasins de modes de la rue Saint-Honoré (Prince de Ligne, Lettres et pensées, Tallandier, p. 111). Mme la marquise de Luceval [...] était mise avec autant de goût que de simplicité. La seule innovation qu’elle se fût permise con sistait dans un très haut peigne d’écaille à l’espagnole qui rattachait à ses beaux cheveux bruns un demi-voile de blonde noire (la marquise était en deuil) (Eugène Sue, Paula Monti ou l’Hôtel Lambert, collection Capitale, p. 106). Elle avait chaud d’être venue si vite, les joues allumées, les yeux brillants, s’arrêta pour enlever la grande mantille de blonde, un cadeau de Rosa, dont elle s’était garanti la tête en sortant, le reste fragile et coûteux des splendeurs passées (Alphonse Daudet, Sapho, éd. Safrat, p. 159).

 

La suite vous permettra de découvrir la calmande, le droguet et les effiloques... et bien d'autres choses encore pour les passionné(e)s de tissus et de textes ou simplement les curieux de mots rares et parfois oubliés.