De l'humilité

Je sais bien qu'en parlant d'oeuvre en  ce qui concerne mon travail de madame Lambda, je prends le risque du reproche d'outrecuidance. J'ai expliqué pourquoi je l'appelais ainsi. Le reproche  c'est un peu :" si Madame Lambda avait le moindre talent depuis tout ce temps , ça se saurait ..". Ou bien: " quoi Madame Lambda a de ridicules "prétentions littéraries" doublées de prétentions artistiques" et n'est même pas foutue de trouver un éditeur (un vrai donc un grand, car   il n'est de bon que de grand et célèbre , ça aussi "ça se sait"  ) , ni un galeriste pour l'exposer ? .Pfff . ! " 

 .

Je me bats depuis des années pour qu'un travail artistique ou littéraire soit regardé d'abord pour ce qu'il est et non selon la notoriété de qui il émane qui fait écran et préjugé à toute attribution de "valeur" surtout qu'en ce domaine aussi le jeu social joue à plein et que c'est certes beeaucoup moins facile à une provinciale mère de famille -une bouseuse, quoi!-  âgée de surcroît . Ces gens- tels les aristocrates, jadis- savent tout ,eux, de ce qui vaut ou pas et ce sont eux encore qui vous taxeront de manquer d'humilité ! C'est assez plaisant pour qui n'a pas d'ambition de cet ordre.

Il  est heureusement et j'en ai croisé, des personnes "autorisées"  comme on dit qui ne raisonnent pas ainsi se sentent libres de leur jugement hors réseaux et influences, elles se reconnaîtront si elles me lisent et je voudrais une fois de plus les remercier.

Je me bats aussi et surtout pour qu'un de mes arts essentiels l'assemblage d'étoffes soit reconnu et intégré à l'histoire de l'art autrement qu'il ne l'est , avec de  vraies études de  ce que montrent ces surfaces  comme tout autre surfaces créées,  d'où l'idée de cet index (que j'invite toutes les créatrices textiles ayant site ou blog à faire) .  Oui je  montre mon oeuvre textile  telle  qu'elle est, dans son ensemble, parce que personne ne le fera à ma place et que j'estime que même si elle n'a évidemment rien de génial , ni de révolutionnaire,ni de réellement "grand",    elle peut néanmoins présenter  un intérêt pour quelques-uns.

Je voudrais aussi témoigner de ceci qui est simple : oui on peut passer une bonne partie de sa vie à se consacrer à ce que  je nomme une oeuvre au sens d'un ensemble tout de même conséquent de travaux divers (la quantité ne prouve nullement la qualité certes, mais. le contraire non plus !) et n'y chercher et trouver autre chose que cela :   montrer  qu'elle existe. Non pas aux yeux du monde, là serait la prétention . Montrer ce qu'on a fait ce n'est pas non plus chercher désespéremment à exister comme s'il n'y avait rien d'autre dans votre vie (comme je l'entends et le lis souvent) . Non : on est aussi des êtres humains faisant à côté tout ce que d'autres font ... nous femmes, nous sommes souvent épouses, mères,  grand-mères parfois et oui nous pouvons quand même aussi faire tout  cela à côté non par ennui  ou pour nous distraire, mais parce que c'est vital . Non pas comme un "hobby" mais comme des parcelles de vie intérieure arrachées au quotidien. Non pour exister mais pour vivre de cette manière-là, aussi. C'est la fibre et le tissage de nos vies dont l'oeuvre n'est absolument pas coupée . Tout ce que j'ai vécu et vit encore en tant que femme très ordinaire est dans ce que je crée, je n'ai donc pas besoin de montrer ce que je fais pour exister  mais je voudrais montrer ce qu'en être vivant j'ai créé . Nuance . Sans qu'on me taxe de  "mal de reconnaissance "ou de je ne sais quel poncif dénigrant et méprisant à la mode .

Cela pour l'art.

Pour la littérature ou l'écriture (pour moi la création est un tout !) :

Des expériences ont été faites  d'oeuvres célèbres envoyées aux éditeurs sous un autre nom et refusées y compris quand elles ont été expédiées ,  parfois, par l'écrivain célèbre lui-même ous un autre nom. Et plus discrètement d'oeuvres refusées envoyées par courrier qu'on acceptait ensuite (la même!) parce que quelqu'un pouvait vous introduire et glisser votre écrit entre les bonnes mains. Qu'on ne me dise pas que ce n'est pas ainsi, les éditeurs  l'avouent eux-mêmes  consultez  l'annuaire AUDACE par exemple (quand on lit manuscrits publiés 80 pour  cent par courant relations! 60 pour cent au mieux ! et inconnus 00,1 pour cent !!) ) Je n'invente rien. c'es un fait, vérifiable.

Ce qui tend à prouver que les hiérarchies arbitraires, le jeu social des arrivés, et surtout des réseaux , le goût du jour, influent sur  les critères même d'évaluation sans tomber dans un relativisme systématique (non tout ne se vaut pas  ).

Je sais  en revanche ce qu'est pour moi l'humilité .

D'abord de ne pas faire la fausse modeste me semble primordial . Ayant par exemple beaucoup écrit quand même  et étant inscrite comme "romancière" (!) à la BNF , me dire écrivain ne me semble pas absolument un comble de fatuité . Ce le serait si je prétendais être un grand écrivain, ou un écrivain reconnu ou un écrivain de talent etc. Toutes choses que je ne ferai jamais au vu que je ne suis pas dans cette course-là  Mon seul challenge c'est d'essayer d'atteindre ce que  j'ai à signifier et comme je n'y parviens jamais, je continue. C'est à à peu près impossible à faire compendre.

Mon humilité c'est de savoir que nous sommes beaucoup à écrire et créer et qu'il existe beaucoup aussi qui le font tout aussi bien  ou mieux que moi . De me sentir un grain de sable parmi d'autres mais de vouloir être quand même ce grain  de sable qui constitue la plage . Si on l'enlève certes personne ne s'en apercevra mais que si on les enlevait tous il n'y aurait plus de plage , non plus . Et  si sur ladite plage on ne voit que ceux qui sont dans la lumière et brillent ,   ils ne brillent pas eux non plus quand les projecteurs s'éteignent . La plage elle,  reste là tant qu'il ya assez de grains de sable . Après , il se peut que dans ces grains il y ait poussière de quartz et de diamant. Il se peut : je n'en sais rien et encore moins si je serais l'un ou l'autre ou tantôt l'un , tantôt l'autre . Il se peut aussi que le quartz hors du quantitatif du  "ce qui est rare est cher", vaille autant que le diamant tout dépend du rôle qu'on lui assignerait. Je mourrai sans savoir .

Et c'est aussi bien .


Mon  humilité c'est de faire les choses pour les faire. Hier ça n'était pas , aujourd'hui c'est là  devant mes yeux, devant les  yeux  de qui peut aimer au moins quelques secondes avant de passer à autre chose .  Grâce à mon travail  et à ceux qui avant moi m'ont "innutrie" , mon humilité c'est de savoir qu'on ne crée rien ex nihilo.

 

Mon humilité c'est précisément d'écrire vers , façon bouteille à la mer.  Je conçois ce que je fais comme un don et un don hélas c'est gratuit en une période où tout ce qui ne se monnaye pas est censé ne rien valoir, se dévalue ipso facto. Je n'entre pas dans ce jeu-là .


Mon humilité c'est de ne pas croire que parce que  j'ai créé beaucoup (et dans trois valences différentes mais qui pour moi sont "une" ) que j'ai forcément créé des choses qui mériteraient qu'on s'y arrête : on le fait si on veut . Sincèrement,  sans tricher . Sans complaisance. Sans obédience . Certes . Mais alors sans doute aussi sans intérêt et sans valeur sinon universellement reconnue, sans  valeur du tout dans l'instant où je vis. Dit sans aucune espèce de regret , signaler n'est ni se plaindre , ni regretter. Je regretterai bien davantage de me saborder à entrer dans des systèmes que je réprouve et qui  détruiraient mes forces vives (ou du moins ce qu'il en reste) et ma façon d'entrer en création.

 Je voudrais souligner quand même au delà de mon petit cas personnel cette double peine des artistes et écrivains qui bossent beaucoup, savent qu'ils n' en tireront pas grand regard sur et qui en plus se font traiter de vaniteux dès qu'ils osent dire : "voilà ce que j'ai fait". Montrer, ce n'est pas exiger un  regard encore moins de  la reconnaissance. C'est juste ce  que c'est . Ce n'est pas dire "j'existe "mais  "mon travail est là voilà ce qu'il est" . Notre travail  si souvent assimilé à un selfie qu'on montre   justement pour avoir le statut de star ! La différence est capitale, mais souvent pas saisie. C'est tellement plus facile de parler "de créateurs en mal de reconnaissance"  que d'aller regarder ce qu'ils font puisque ce n'est pas connu,   si on pouvait  s'abstenir aussi de toute opinion définitive  sans avoir approfondi l'approche ...  combien prétendent vous connaître qui n'ont fait qu'effleurer . Ce qu'on a passé une vie à faire bon ou mauvais, il faut plus qu'un regard superficiel pour s'en faire une juste idée . Si on n'est pas prêt à l'accorder et donc à approfondir , qu'on ait  l'honnêteté alors de se garder de jugement ou d'une vague pitié condescendante serait la moindre des choses . L'humilité de qui regarde et prétend juger  devrait  exister aussi . Et en tant que lectrice et spectatrice des oeuvres  des autres  je sais aussi quelle est la mienne  : celle d'un regard qui ne se croit pas infaillible et d'un être qui se sait trop impliqué dans ses créations pour prétendre évaluer celles des autres , comme je suis honnête j'ajouterai que je n'en ai ni le temps, ni le désir . Quand je fais un retour (rarement) sur une oeuvre littéraire ce n'est pas pour l'évaluer et dire si elle vaut ou pas c'est pour dire ce que j'y ai vu , compris, ressenti et n'oubliant jamais que je ne suis pas omnisciente même si mes diplômes de Lettres me conféreraient au moins pour les textes quelque légitimité à le faire .   En revanche je partage tout ce que j'aime le plus que je peux. Je parle des gens dont les écrits ou les oeuvres m'ont remuée , émue, surprise, ravie aux autres, je les offre à qui elles pourraient plaire . J'essaie d'éviter autant que faire se peut un sentiment de rivalité  et je n'exige absolument pas qu'on me rende la pareille : ce serait une politique de "marchandage"  ou de renvoi d'ascenseur.

 

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