Le français tel qu'on l'écrit

Chronique du mieux parler (ou écrire)

 
Déformation professionnelle, sans doute, je suis agacée par certaines erreurs. Comme ça me manque de faire la prof...je me défoule ici! 
Je me permets de vous faire part de mes agacements d'amoureuse de sa langue.On écrit parfois très mal sur internet. Je ne parle pas du langage familier, voire des raccourcis SMS, qui sont des codes différents, pas non plus des fautes de frappe qui sont maladresses de clavier - vous en trouverez sûrement ici, même si je contrôle étant donné que je suis une dactylographe désastreuse  je tape en scrabble- -mais du français qui se voudrait correct et ne l'est pas... 

J'ajoute que je ne vise pas les personnes qui ont  eu de réelles diffcultés d'apprentissage, et que je comprends parfaitement les gens qui estiment que cela n'a aucune importance du moment qu'on est  compris... J'admets toute évolution de la langue qui prouve qu'elle est vivante, mais évoluer et dire n'importe quoi, n'importe comment sont deux choses différentes.


* GENTE ET GENTE 
"la gente féminine" expression employée à tort pour "la gent féminine".  
"Gente" c'est un adjectif qui veut dire noble, comme dans "gente dame", "gent" c'est un nom féminin qui signifie, en gros, l'espèce. 
Et la jante c'est pour les pneus! 


*SE PERMETTRE DE et autres verbes pronominaux 
* "Je me suis permise de te faire remarquer ton erreur" dit-elle...toute fière d'avoir accordé son participe passé avec le sujet au vu que c'est l'auxiliaire être et qu'à l'école on lui a dit que... 
Non chère Madame, vous vous êtes permis à vous même... donc "vous vous êtes permis de..." 
Pas de chance  :vous êtes tombée dans l'enfer des verbes pronominaux "se permettre".Dans ce cas, ça fonctionne, en gros comme avec l'auxiliaire avoir. 
Ainsi on dira: "elle s'est faite elle-même" pour évoquer une self made woman-comme on dit en bon français!- mais "elle s'est fait mal au poignet". 
Explications plus pointues à qui me les demande! 
NB : à propos des pronominaux, une tendance s'amorce qui consiste à utiliser la 3° personne -se infinitif- en lieu et place de toutes les autres. 
Exemple (fautif): "Nous avions l'habitude de marcher et de se promener deux heures le matin" 
NON : "Nous avions l'habitude de marcher et de nous promener"
 
*IGNARE 
"je suis ignarde en la matière..." 
Non vous êtes "ignare" (un esprit malin me souffle que vous le montrez, mais quoi soyons charitable...), "ignare" est un adjectif qui reste le même au masculin et au féminin, pour une fois qu'on a l'égalité des sexes...même si ce n'est à l'avantage d'aucun des deux... 


*TANT QU'A /QUANT A 
"Tant qu'à moi, je vais bien" 
Tant qu'à faire (là c'est correct quoique pas très élégant) écrivez "quant à moi"-oui avec un t- si vous voulez dire "en ce qui me concerne" 
Cela s'explique très bien avec un cours de latin, mais je vous en dispense. Sauvé(e), pas vrai ? 


* APRES QUE /AVANT QUE 
"Après que le président ait fini son discours, les applaudissements ont éclaté" 
Après que est suivi de l'indicatif pas du subjonctif ( c'est quoi ça ?)  
Donc on doit dire ou écrire : "Après qu'il a fini son discours...", de même qu'on dit "lorsqu'il a fini". C'est pareil ! 
En revanche on dira "avant qu'il ait fini son discours, il a été interrompu " parce qu'avant les choses , on n'est pas sûr de la façon dont elles vont tourner...le subjonctif marque l'incertitude. 


*PARTISAN/PARTISANE 
"Moi, je ne suis pas partisante d'un français incorrect" 
Moi non plus ! c'est pourquoi je vous recommande de dire partisane, partisan s'écrivant sans t ... 


* PECUNIAIRE 
En ces temps de pouvoir d'achat qui n'augmente pas autant qu'on le voudrait-du moins pas pour tous!- il est fréquent d'entendre ceci: 
"j'ai des ennuis pécuniers
Pécuniaire, c'est comme ignare, ça ne varie pas selon le masculin ou le féminin. 
Vous avez donc des ennuis pécuniaires.Si vous avez du mal à le dire , optez pour : "j'ai des difficultés financières". 


*

 

langage suite

PRET A /PRES de 
La faute s'entend surtout au féminin (vous aurez remarqué... nous prenons plus de risques que les hommes en parlant, car la marque du féminin s'entend...et comme c'est connu que nous parlons plus...) 
"Je ne suis pas prête de recommencer cette erreur." 
Non vous êtes "près de" ou "prête à", et ça ne signifie pas la même chose. 
Si vous n'êtes pas "prête à" : cela signifie que vous n'êtes pas préparée à .Ici, cela n'a guère de sens, on ne se prépare pas en vue de commettre sciemment une erreur! 
Si vous êtes "près de" , c'est le contraire de "loin de", ça signifie qu'il se passera un bon bout de temps avant qu'on vous y reprenne. C'est la bonne solution dans ce cas précis. 
On dira par ailleurs: 
"Je n'étais pas prête à aborder cette épreuve". 
Le tout est de connaître le sens des mots que l'on emploie. Et de savoir ce que l'on veut dire. 


* qu'est ce qui et ce qui 
Il est très rare qu'on passe une journée sans entendre ce genre de "phrase": 
"Je me demande qu'est ce qu'il fait , il doit être en retard" 
on bien pire : 
"on ne comprend rien de qu'est ce que je dis" (pas étonnant ! 
NON! 
"Qu'est ce que /qu'est ce qui, -pas très légers au demeurant- s'emploient dans ce qu'on appelle le style direct autrement dit sans verbe devant. 
"Qu'est qu'il dit ?" ce serait mieux si vous disiez "Que dit-il?" mais bon ...ne chipotons-pas! 
Donc les tournures correctes sont : 
"Je me demande ce qu'il fait" 
et "on ne comprend rien de ce que je dis." 


*Taie et tête 
Dans ma région (que les nordistes me pardonnent) on dort souvent sur une tête d'oreiller...dit pour une taie , bien sûr. Je trouve la confusion amusante et explicable puisque la taie d'oreiller est à la tête du lit... 


*SPOLIER 
Depuis quelques jours j'ai entendu plusieurs fois à la télévision des phrases du genre de celle-ci : 
"Il faut récupérer les oeuvres spoliées aux familles" 
A ma connaissance, on peut spolier quelqu'un c'est à dire le dépouiller illégalement de quelque chose qui lui appartient. Ce n'est pas l'objet volé qui est spolié mais la personne qui en est privée. 
Ici la tournure correcte est :  
"Il faut récupérer les oeuvres dont les familles ont été spoliées." 
Il est vrai que l'usage correct du pronom "dont" semble poser problème !Mais ceci est une autre histoire... 


* BUTER ET BUTTER 
Ce matin, lecture de mon hebdomadaire favori. Je ...bute sur cette phrase, imputée à une sémiologue : 
"Nous buttons sur un paradoxe" 
Au sens de se heurter à, ce qui est le cas ici, on bute sur... 
Donc "Nous butons sur un paradoxe"  
Le paradoxe ici serait d'être spécialiste de la langue-en tant qu'ensemble de signes- et de "buter sur" des difficultés au point de signifier autre chose que ce qu'on souhaite... mais soyons indulgente, il peut s'agir d'une coquille. 
En revanche si on construit un amas en forme de butte, on "butte" (les asperges, les poireaux). 
Et en langage familier, on "bute" ou on "butte" quelqu'un au sens de le tuer.Le Larousse atteste les deux orthographes. 
Ne buttons/butons donc pas la langue française!

Langage suite

*Censé et sensé


"Je ne suis pas sensé savoir toute la grammaire" 
Non : vous n'êtes pas "censé" savoir. Au sens de supposé. 
Censé vient d'un verbe latin qui signifie "penser", "supposer". Et aussi "calculer" d'où le cens ( l'impôt) et le recensement.  
Sensé, lui fait référence au "sens", et plus particulièrement au bon sens, qui marque que la personne qui le possède est saine d'esprit. On dira d'elle, qu'elle est "sensée". 
Et il est sensé de savoir...le plus de choses possible pour éviter les erreurs qui dénaturent notre langue et notre pensée. 


* HOSPICE/AUSPICE(S) 
L'autre jour, lisant mon horoscope, j'étais un peu inquiète qu'on m'annonçât que "ma journée allait se dérouler sous les meilleurs hospices." 
L'hospice a été et est encore parfois un lieu d'accueil ( même famille de mots qu'hôpital, hospitalité et hôte) pour des personnes malades, indigentes ou âgées. 
En revanche on m'eût annoncé de "meilleurs auspices", j'aurais pu m'en réjouir. L'auspice ( mot plutôt employé au pluriel  )étant un présage établi selon les Romains par l'observation du vol des oiseaux (de avis l'oiseau -qu'on retrouve dans avion et -spicere : regarder ). 
Vous aurez compris que je ne consulte mon horoscope que pour remplir cette rubrique... 


*SOI-DISANT 
Que l'on trouve écrit si souvent soit-disant
Il suffit de savoir ...ce qu'on dit. Une personne soi-disant intelligente est une personne qui se dit intelligente. SE=SOI 
Et par pitié pas de soi-disante personne. 
Soi-disant, expression figée,ne porte pas la marque du genre ni du nombre.

"perpétuer" "perpétrer"

Ce matin , je lis que des massacres ont été perpétués " dans tel pays du monde...

Ce n'est pas ce qu'on veut dire et heureusement car perpétuer veut dire faire durer,  rendre perpétuel, en quelque sorte.

L'auteur voulait dire "perpétrer"  au sens de commettre ..

 On perpétue les traditions et on perpètre les crimes. il serait heurux que parfois les deux n'aillent pas ensemble, c'est à dire qu'on ne perpétre pas des crimes pour perpétuer une tradition !

 

Faîte et faites

Faîtes du sport proclament  régulièrement les articles à la rubrique santé  ou tout autre conseil pour l'hygiène et le bien-vivre...

Eh bien non  :  faites sans accent circonflexe qui est à réserver au faîte du toit.

 L'erreur vient aussi de la confusion avec vous dîtes (passé simple du faire dire , le présent est :   vuus dites sans accent )

 

Le latin explique cela très bien , dans la conjugaison il est la trace du parfait  ancêtre de notre passé simple qu'on  n'utilise plus guère que pour faire des erreurs par confusion ...et dans les noms il remplace une lettre omise, le plus souvent un -s...

-  subi et subit

Dans une lettre adressée à ses concitoyens un maire parle des préjudices  "subits "par eux du fait des exactions d'un parti adverse.

 Subi participe passé du verbe subir qui signifie supporter, pâtir de .. s'écrit sans -t , au féminin il donne subie (la maladie subie, le préjudice subi). Subir est un verbe de deuxième groupe comme finir, finissant (subir, subissant) .

Subit est adjectif  qualificatif qui veut dire soudain , imprévu   ; "une averse subite nous contraignit à   nous abriter" , "un événement si subit nous laissa sans réaction ."

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- Le h aspiré ou pas?

Hier je lis sur Facebook un slogan dénonçant l'indifférence à "l'handicap".

La forme correcte est "au handicap" .

Là, il faut avouer que c'est vicieux, le français!

D'abord ce h aspiré ou non ne s'entend jamais, c'est l'usage qui en décide.

En général on recommande faire une liaison et de voir si ça sonne bien  l'oreille. Ou bien de faire précéder de le-la -les et de voir si l'élision est permise.Seulement il faut posséder  déjà l'oreille grammaticale et avoir lu et écouté suffisamment comme pour tout ce que l'usage -et non une régle logique - fixe. Et les erreurs à l'oral sont légion . Je vous défie de passer une semaine sans croiser des Zongrois ou des Zollandais ..

Ainsi  phonétiquement on entend - ou devrait entendre - les z'horloges, mais les Hongrois

Je conseillais à mes élèves pour les noms masculins tout au moins, de mettre le démonstratif ce -cet devant le mot .

On dit ce handicap et non cet handicap - et ce handicapé...donc logiquement -enfin presque-  le handicap et le handicapé.

Dans les dictionnaires le h aspiré est en général noté par un astérisque devant le mot .

Si on a un doute, ce qui sur ce point m'arrive fréquemment pour les mots peu usités, on peut se reporter à cet excellent site.