Tissu pour Ariane

Il y a deux ans, je suis tombée en arrêt devant deux nuanciers de soie sauvage, toutes de nuances différentes -il y avait plus de 400 coloris- et qui plus est chatoyants puisque tissés avec un  fil de trame différent du fil de chaîne. Les nuanciers en eux-mêmes auraient pu être gardés tels quels , comme pièces de collection, mais  l'envie de métamorphoser et de créer avec l'a emporté... bref il a fallu que j'en fasse quelque chose. Il  s'ajoutait quelques pièces dépareillées, jointes généreusement par la vendeuse .

Chaque morceau était à la fois petit dans les   8 cm x 8 cm  marqué d'un numéro et évidemment le premier problème était de ne rien gaspiller de ce "trésor". Le deuxième était d'assortir tout cela au sein d'un graphisme et avec une succession de couleurs qui "parlent". J'ai élu un dessin simple qui figure dans tous les recueils de mosaïques depuis la nuit des temps et qu'on trouve dans les recueils de blocs sous le nom de Diagonal strip (bande en diagonale )   généralement disposé en positif négatif dans des quilts bicolores,

J'ai retourné certains blocs et disposé de manière irrégulière de façon  à perdre un peu le regard dans différentes directions. L'idée était de renforcer la vibration des couleurs par un effet de labyrinthe et que le regard se perde autant dans les formes que dans les couleurs.   Le bloc ici fut forcément miniaturisé ( 6 cm sur 6 cm) et réalisé avec deux échantillons plus ou moins contrastés. Pour le premier, j'ai suivi l'ordre du nuancier de manière à préserver certains dégradés  sauf...quand ça ne m'allait pas (!) et pour le deuxième j'ai travaillé avec une autre succession de valeurs, couleurs et nuances. Mon plan en noir en blanc  ressemblait à un code secret ... les tissus étaient numérotés   et épinglés ensemble par deux pour chaque bloc.

L'assemblage des carrés  ne fut pas trop difficile, et très ludique, malgré des défauts et des restes de colle sur les tissus qui étaient aussi parfois de tenue différente, plus ou moins "mous" . mais quand il  s'est agi  de tout mettre ensemble ... les soies étant forcément coupées avec beaucoup de biais -pour ne pas perdre du peu d'étoffe dont je disposais, espérer une équerre parfaite était hors de propos sauf si j'avais stabilisé chaque morceau , mais outre que c'eût été fastidieux, J'aime  dans ces étoffes leur côté nerveux et quelque peu élastique , que je n'ai pas voulu altérer. Une autre solution aurait été de coudre sur papier à la machine, mais là je perdais le côté ludique de la chose ...et l'improvisation relative qui m'est chère.

Après la pose des bordures taillées dans un satin de soie à rayures, ce qui m'a permis d'assortir la couleur  à la dominante des blocs  les plus proches, j'ai dans un premier temps fixé l'ensemble à une flanelle de coton, avec des noeuds. Ce nétait pas une bonne idée car ces points ont  fait gondoler l'ensemble.

J'ai laissé reposer de longs mois, et comme  je professe que le matalassage ne devrait jamais  être une obligation, j'ai décidé de faire un patchwork et non un quilt.  Je précise car je lis souvent des avis disons approximatifs autant que péremptoires  sur ce sujet qu'un patchwork n'est pas un top inachevé destiné focément à l'être, mais un ouvrage terminé dont le concepteur n'a pas jugé bon d'user obligatoirement d'un matelassage  parce que ça ne lui semblait pas nécessaire. Ici j'aurais pu en tenter un sur molleton épais qui aurait absorbé les  "inégalités",  mais l'aspect  "petits coussins gonflés" qui en aurait résulté n'allait pas non plus avec ce  que je souhaitais obtenir. Etant  un être libre et non inféodé à quelque tradition  que ce soit (même si je m'efforce d'en connaître  un maximum et que j'aime bien m'inspirer de certaines ) c'est donc librement que j'ai choisi d'en faire un patchwork .

J'ai tout simplement doublé d'une soie sauvage et comme la pièce est de petites dimensions (65 cm  sur 80 cm environ) j'ai retenu les épaisseurs juste par un point avant avec un fil lui-même changeant , un fil d'Ariane hors du labyrinthe ..en quelque sorte. Ainsi le tissu peut bouger, paraître plus plat et chatoyer tant qu'il veut ce qu'il ne se prive pas de faire.

La pièce fait partie de la série "Tissus pour " ... qui se poursuit au fil des années. On peut voir sur ce site le Manteau pour Flore et Volupté qui font partie de la même série et sur le site d'arts up le tissu pour Aphrodite.