TECHNIQUES

 

 Je travaille avec très peu d'outils et des méthodes que beaucoup jugeront dépassées ou anachroniques. J'aime le geste main, j'aime couper mes morceaux avec des ciseaux , j'aime les marquer à la main. Ce n'est pas pour moi fastidieux, au contraire c'est moments de plénitude. Mais je comprends très bien qu'on puisse penser et faire tout autrement que moi. Je trouve qu'il n'est pas de mauvais moyen de créer, pourvu qu'il ne contrarie pas l'élan, l'inspiration, le rythme de travail qui nous convient.  
 
Il ne s'agit pas pour moi d'aller vite, de gagner du temps. J'ai toujours beaucoup de projets en route et plus j'en commence, plus je me sens poussée à en terminer. Je ne déteste pas qu'un ouvrage m'accompagne parfois de longues années durant, et que durant ce temps, il se métamorphose. 
 
Il m'arrive de matelasser à la main , mais alors que l'assemblage de mille petits bouts ne me paraît pas ennuyeux, cette activité-là me lasse très vite. De plus j'ai constaté que sur mes surfaces très colorées voire chargées, je passais des heures à fournir un travail quasi invisible. J'ai donc parfois préféré matelasser mes quilts à la machine et depuis cinq ans, je délègue le plus souvent ce soin à Simone Struss ou bien je pratique le matelassage à grands points avec du coton perlé. 
 
Mon but n'est absolument pas de produire une surface normée,incompatible avec l'idée que j'ai d'une oeuvre vivante, humaine et pas forcément parfaite. Cela dit, j'aime bien que mes assemblages tombent juste ! 
 
Je comprends mal pourtant qu'on juge parfois nos oeuvres selon le critère du "bien cousu" "mal cousu", qui pour moi n'a pas de signification artistique : un point peut-être volontairement irrégulier , un bord inachevé, et même si l'erreur est involontaire la maladresse insigne, il est dommage de ne pas considérer d'abord ce qui est important : les formes, les couleurs, les textures. Il faudrait regarder nos mosaïques avec la même bienveillance que certains quilts anciens , merveilles de composition parfois maladroitement assemblées. S'ils nous émeuvent, c'est bien que l'essentiel n'est pas dans une perfection mathématique rigoureuse et normée.Les femmes d'aujourd'hui n'ont parfois pas plus de temps à y consacrer ... 
 
J'adore aussi broder et de plus en plus j'essaie de concilier patchwork et broderies, les miennes ou celles que je récupère dans les brocantes. 
Depuis 98 j'utilise pour dessiner des logiciels de patchwork ou de dessin et c'est un vrai plaisir ensuite d'interpréter le graphisme en tissus. Car pour moi le choix, l'assortiment des étoffes reste l'essentiel, la joie à l'état pur. 
Ce travail en moi rejoint exactement par je ne sais quel biais (!) celui de polissage et d'équilibre des phrases quand je rédige un texte. Dans les deux cas, je tente d'arriver à une harmonie, je vise à l'exactitude, l'adéquation entre l'inspiration et le résultat obtenu. 
C'est là que se situe, si j'en ai, ma rigueur, et non dans la "normalisation" du produit. 
 
Dans les deux cas, j'ai conscience de travailler une matière en artisan. Et surtout je n'établis aucune hiérarchie entre ces activités. Je ne ressens nullement l'expression par les mots comme supérieure.