Questions de vocabulaire (1)

Quilt ou patchwork ?

 

C’est quoi la différence entre un quilt et un patchwork ?

C’est que me demandent souvent les personnes qui ignorent tout des arts textiles, soit 90 pour cent au moins  de la population de l’hexagone.

Question  à laquelle il est  plus difficile de répondre  qu’il n’y paraît.

 Le mot  quilt, généralement prononcé couilte  du latin culcita , désigne un objet matelassé et a donné notre mot « couette ». C' est un terme imposé par la tradition anglo-saxonne  d’abord, puis américaine, côté USA. Il n'a rien à voir avec le kilt écossais... à noter qu'au Québec les quilts sont appelés courtepointes.

Un patchwork est un travail de morceaux assemblés assez comparable à la mosaïque, au vitrail ou à la marqueterie. Sauf qu’il désigne en général un ouvrage en tissus. Il est art d’assemblage par juxtaposition  et bien souvent de morceaux divers qui n'étaient pas préalablement assortis,  venu d’un  besoin de composer en fragments réunis. La différence essentielle entre un patchwork mosaïque et les autres arts d’assemblage de morceaux, c’est que le tissu déjà fait arrive avec ses caractéristiques : sa texture (son mode de tissage ), sa matière (laine, soie etc) sa ou ses couleurs,  et ses motifs éventuels  (tissés ou imprimés). En cas de tissus récupérés, gardés  s’ajoute la valeur historique, familiale, affective. A ma connaissance, aucun autre art ne permet autant que le patchwork cette valeur affective ajoutée.

 

Dans le langage commun qui dit patchwork dit assemblage d’étoffes (ou de carrés à base textile) et c’est par cette matière-là que le mot a donné naissance a nombre de surfaces  d’étoffes assemblées, généralement cousues avec une marge de couture et non à bords vifs.

Comme ces surfaces étaient à la fois destinées à réchauffer -dans les climats froids- et à décorer  tout autant parfois, on a senti le besoin de  croiser le quilt matelassé et le patchwork, très tôt associés au Royaume -Uni, au Pays-Bas etc.  bien avant la création des États-unis  d’Amérique.  La nécessité de tenir ensemble trois épaisseurs - celle du dessus ouvragé, celle du molleton et celle de la doublure- a donné naissance à la science du matelassage qui peut aller de simples noeuds à des motifs très élaborés, être fait à la main ou à la machine et ce, sur des machines très différentes les unes des autres, avec des techniques qui ne le sont pas moins et les aspects divers qui en découlent.

 

Il faut souligner ici qu’il n’y a aucune obligation de « tradition »  à matelasser un patchwork pour en faire un quilt, mais ce que  je nommerai une obligation de « diktat » , celle venue des USA , qui pour être la plus connue et une des plus florissantes,  n’est pas la seule -cf les articles sur les livres dans le blog-.

Notre pays par exemple doit recéler encore en ses greniers des pièces piécées non quiltées mais souvent brodées sur les coutures.  On aurait pu décider, en France quand le patchwork a  commencé à se développer tant comme loisir que comme art, d’enseigner à faire des patchworks qui ne soient pas forcément des quilts  et c’est ce qui s’est passé dans les années soixante-dix  ; puis il y a eu une déferlante de quilts matelassés à l’américaine et c’est cette norme-là qui l’a emporté dans les milieu dits spécialisés, sans doute par ignorance des autres traditions d’assemblage. Et aussi par désir de reconnaissance et promotion. Il était dans les années 90 impossible d’exposer sans cette obédience à cette régle des trois épaisseurs molletonnées, matelassées.

 

 Il peut exister   des quilts sans assemblage préalable simplement matelassés appelés whole quilts , qui ne sont donc pas de patchworks,  et des patchworks ou travaux assemblés  qui ne  sont pas matelassés et ne sont pas des quilts à proprement parler. Ainsi j’ai pu voir aux USA des logs cabins (motif cabanes de rondins)  anciens, montés sur tissus de fondation (tissu sur lequel on coud les bandes d'étoffes)  simplement  noués. Les crazy quilts  ne  sont pas  généralement matelassés non plus, du moins si on les fait à l’ancienne, avec  des chutes montées dans leur forme première,  elles aussi sur un tissu de fond. Pourtant logs cabins sur tissu de fondation et crazy  "quilts" sont appelés quilts par contamination et identité d’usage et de matière (couvertures en étoffes assemblées et constituées au moins d’un dessus et d’une doublure).

Les boutis et les trapuntos qui sont rembourrés sur l'envers du travail après le piquage, sont assez souvent assimilés aux whole quilts bien qu’émanant d’une technique toute différente. Notre piqué marseillais souvent confondu à tort avec le boutis, lui, serait plutôt un travail de whole quilt selon les normes américaines. A noter que ce qu'on vend sous le nom de boutis dans les magasins de décoration intérieure usurpe ce nom indûment !

 A noter qu’un  patchwork par extension non de sens mais de matières peut-être constitué d’autres matériaux, on trouve assez couramment dans les expositions - dites d’art textile - à présent des patchworks d’un peu tout cartes bancaires, plaquettes de médicaments ou de matériaux mêlés . Créations très intéressantes parfois  qui sont du patchwork en tant que travail de morceaux assemblés mais pas vraiment de l’art  textile car il n’y a rien de textile là-dedans,  si on excepte le fait que ce soit parfois cousu. Or le fil n’est pas le tissu qui exigerait tissage... (cf aussi à ce sujet dans la partie articles l’art textile ou l’ambiguïté structurelle) . On se demande d’ailleurs pourquoi les artistes qui les réalisent tiennent à compter pour des artistes textiles plus que  comme des mosaïstes par exemple...en revanche on a eu plus de mal à faire admettre que des tissus collés puissent être du patchwork, tant l’activité est associée à l’idée de couture....au point qu'on trouve le patchwork comme technique de couture ou de broderie dans certains livres, alors qu'il n'est ni l'un, ni l'autre mais peut participer des deux. Ce n'est pas une technique mais une infinité de manières d'assembler , les étoffes mais aussi autre chose. Cependant, quand il se dit art textile, il vaudrait mieux tout de même que le tissu y soit présent et signifiant.

A noter aussi que certains patchworks de tissus peuvent être glissés dans du polystyrène pour des objets en  3D.

Donc un art vivant qui comme le vivant évolue...pour le détail des techniques, et diverses valences    autre article en gestation.