Collections
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 09/11/2020
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J'ai une âme de collectionneuse. Sans doute bien avant de collecter des tissus(quoique ceux-ci soient entrés de bonne heure dans ma vie ).
Pas tant pour le côté "possession matérielle" de la chose que pour celui de disposer d'une variété importante de matières, une richesse pour dire en étoffes, très exactement comme en tant que personne pratiquant l'écriture , j'avais soif de mots Je lisais tout ce qui me tombait sous la main, mais pas seulement des mots alignés dans les dictionnaires -encore que je les aime , les dictionnaires- mais les mots en situation , dans un contexte. Ceux qu'on apprend par imprégnation . Ceux dont le sens dépend des mots à côté. Les morceaux d'étoffes mis ensemble peuvent parler de manière analogue, mais c'est une voie peu explorée car jugée " non contemporaine".Ce qui me semble absurde autant que péremptoire, je le répète .
Je suis une artiste des tissus et des fils dans leur variété . Et cette variété couplée à celle des techniques et des "genres" d'expressions textiles (déjà rien qu'avec tissus et fils il y a à faire!) qui est mon terrain d'exploration infini . On trouve toujours autre chose à y découvrir, pas besoin d'ajouter du fil de fer ou du plastique si on ne se sent rien à dire avec ces matières-là . Même si ça vous classe automatiquement "vrai art textile contemporain " .
(avec souvent un intérêt historique , parimonial) ou affectif , esthétique (texte dessins couleurs toute cette sensualité des étoffes si diverse) , mais aussi comme langage c'est à dire que mis en relation avec d'autres, comme les mots dans une phrase, les tissus s' orchestrent entre eux, comme un langage particulier. C'est cet aspect qui aujoud'hui échappe au "contemporain" et aux analystes .
C'est pourquoi ce choix du patchwork il ya presque 40 ans (à force d'écrire plus de 30 ans , le temps a passé).
Pour moi la recherche de tissus a donc été primordiale pour enrichir ce vocabulaire textile . J'ai expliqué combien les dessins sur les étoffes me parlaient et m'incitaient à cette expression par justement le nombre et l'harmonisation du disparate . Ensuite d'autres aspects de travail sur et par les tissus m'ont inspirée.
Car la collection se déploie dans plusieurs voies:
- Les tissus neufs spécial patchwork achetés mais jamais en assortiment ou alors pour les déssasortir.Ils offrent une variété quasi infinie de motifs, mais si l'harmonie vient du vendeur ou du designer , je me sens frustrée comme si on voulait parler à ma place . Je ne cherche pas à faire du joli bien assorti ou au goût du destinataire. On le peut ce n'est pas infamant mais ça s'oppose en moi à ce désir de "dire à ma façon".
- ceux issus de l'héritage familial particulièremenent précieux .Cette valeur ajoutée evidemment est la plus diffcilememet partageable mais, pour ceux qui savent ressentir , elle l'est .
-ceux récupérés dans les ventes de tissus anciens . Ils arrivent avec leur parfum du passé ,leur mystère . J'y compte les collections d'exercices de broderie et couture si touchants :, ceux qui ont donné ce livre Lucette et Jacqueline(s) .
- Ceux par dons et échanges qui fondent les liens de sympathie (au moins ponctuelle) ou d'amitié .Là encore il ya quelque chose qui est propre au patchwork , qui peut-être le rapproche de la photographie : les tissus comme souvenirs des défunts aussi ,des perdus de vue , le moment qui s'y attache. .. Mon oeuvre textile c'est aussi bien un recueil de poèmes ou de nouvelles ou une autobiographie puisque je pense qu'on n'échappe pas à son 'moi" qui n'est pas forcément un ego . Quelque chose qui propose et se pose, donc. Des livres de vie avec pages juxtapiosée s ou présentées en livre. Je l'ai dit la présentation en livre est plus tendance actuelement, mais j'ai toujours demandé qu'on lise mes surfaces comme des textes, aux pages juxtaposées . .Pour moi la liaison textes et textile ne m'est pas venue parce que c'est une des modes de l'art txtile aujourd'hui .Elle était sous-jacente.
Ces trois sortes de collections sont des morceaux assez grands rangés enemble en rouleaux , avec un repertoriage en carnet qui permet de s'y repérer mais j'ai encore une mémoire qui fonctionne à cet égard . -
Ceux issus des collections d'échantillons du temps où les vendeurs à chaque saison envoyaient à leurs fidèles clients des pochettes (j'en ai encore et ils furent une de mes joies ! celle de découvrir , de choisir parmi eux les quelques-uns dont je posséderai un morceau plus grand (fat quarter c'est à dire quart de yard) ou 25 cm sur le métrage, plus si je pensais fond, doublure ou bordure pour un projet en cours.
et les collections anciennes d'échantillons sur lesquelles je me suis penchée plus récemment, les commerciales et parfois les cahiers techniques auxquels je ne touche que si ça vaut la peine de les présenter d'une autre manière . Celui-ci par exemple restera tel quel. :
parmi ces recueils ,les collections commerciales pour vêtements donc des tissus pas destinés au patchwork . Proposant un double défi celui souvent de leur texture pas faite pour un quilt "classique" et celle de leur imprimé pas non plus prévu pour cela . Pourtant on oublie souvent qu'à l'origine maints quilts étaient faits de restes, même si c'est très vite devenu aux USa un buisness .
Là c'est toujours un dilemme. Les catalogues sont parfois complets et tels quels ils représentent une valeur documentaire (et marchande, même si cet aspect-là ne me préoccupe guère)
Donc j'ai scrupules à y toucher.
D'autres sont abîmés et lacunaires et là je n'hésite pas à emprunter ce qui m'intéresse pour intégrer à un ouvrage , sans regret d'être iconoclaste.
J'aime les tissus d'abord et avant tout en vue de leur donner une place dans une de mes surfaces.Quand je me l'interdis par respect documentaire il n'est pas rare que j'utliise soit un fac simile , soit que le dessin sur les étoffes m'inspire comme "source". Je me suis toj ujours étonnée (à moitié et je sais pourquoi) qu'en art textile contemporain si souvent ces dessins déjà découpés sur échantillons ou fragments intéressent si peu comme point de départ .
A la rigueur comme motif à broder en reproduction (ceux des Indiennes notamment) , mais en tant que formes à exploiter avec métamorphose , comme "source d'inspiration, donc ,si peu souvent .
C'est l'objet , pour moi de toute une partie de mes recherches textiles (série motivations, livre dialogues textiles etc ) . il ya tant de possibilités, à cet égard! Je constate chez la plupart des artistes jugées contemporaines souvent des départs qui sont ceux des autres arts; photographie , journaux découpés; dessin d'art .
Je suis une artiste des tissus : je pars donc des tissus.
Et pourquoi pas le tissu découpé très souvent.comme si l'art textile contemporain mettait à fuir le tissu découpé-assemblé tous ses efforts de relégation !(le fameux: " surtout pas de patchwork")
Mes carnets à moi ne ressemblent pas à des sketchbooks de peintres : ils sont des carnets d'amoureuses des étoffes de tout ce qu'elles offrent de possibilités .
Je mixe tout allégrement, ou bien je mets en, valeur dans un ou plusieurs ouvrages une collection précise. Il ne s'agit pas que de faire un présentoir esthétique . Ne pas oublier que pour moi un ensemble d'étoffes est un texte avec ses mots tesselles.
Ainsi les échantillons peuvent-ils être inclus dans un ouvrage comme ce Colorado où j'ai utilisé un motif traditionnel proche du Bargello en tapisserie ( mais sans couper des bandes de mêmes étoffes en incluant amoureusement chaque tesselle collectionnée dans sa ressemblance et différence ). Le titre fait aussi allusion à un magasin vendant des tissus pour pachwork et qui portait ce nom, dont je fus cliente fidèle très longtemps, la taille et la forme allongée de l'échantillon ont été le fondement de la composition .Les autres étoffes ont été recoupées au même format. Le détail montre la différence avec un bargello ordinaire où les tissus sont cousus en bandes et recoupés ce qui fait qu'on a toujours les mêmes séquences (ce que précisément je ne voulais pas !)
Mais dans Carnet de bal j'ai utilisé en songeant à des figures de danse des bals d'autrefois de petits rectangles fixés par quatre perles de rocailles . les échantillons sont minuscules et ne pouvainent donc être assemblés . Il me semble qu'ils sont mieux à danser là que dans un catalogue où ils s'émpoussièrent :
Ce n'est que deux exemples parmi beaucoup d'autres à découvrir dans l'index textile ...
NB .je rappelle (et c'est expliqué dans plusieurs articles qu'au début des années 2000 des "expertes" ès arts sont venues nous expliquer que pour exister en tant que vraies artistes textiles, il fallait "sortir du carcan de la fibre" -sic . Bref faire du mixed media si possible en 3 D. Fuir la surface, c'est fuir l'effet "couverture" . Et avec concept incoporé . Vive tout.. sauf les tissus , en ce qu'ils sont. d'où le "surtout pas de patchwork". Ou alors qu'il ressemble à de la peinture ainsi ce que le tissu lui peut exprimer s'efface derrière la primauté de la forme et de la composition . Bref qu'on oublie ce qu'il est ! (d'où la fuite des tissus imprimés qui faisaient "trop patchwork" on me l'a dit et écrit mille fois ) . Mon point de vue et toute ma démarche va à l'inverse de ce courant. Il s'est construit à côté, en toute liberté. Et seule, forcément puisque je n'adhère vaiment à aucune mouvance . Ni ... à aucun club , groupe, association . Faute impardonnable ! A noter : c'est exactement pareil en écriture !
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