De la géométrie en art textile- 2
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 30/08/2017
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Régulier-irrégulier
Il semble bien que si on s'en tient sinon au textile du moins aux matières souples servant à fabriquer vêtements, tentures sacs et objets, quand on use d'assemblages de formes venues de sources diverses- on ait eu le choix entre mettre ensemble les pièces récupérées telles quelles ou de les retailler pour composer avec les chutes des géométries régulières (celles-ci présentant souvent l'avantage d'offrir des coutures droites en principe plus faciles à ajuster ), même si les motifs avec courbes régulières, bien entendu existent aussi.
On peut aussi évidemment retailler ces morceaux dans toute autre forme souhaitée : figurative, stylisée, mais en ce cas on a plutôt tendance à les appliquer sur un fond surtout quand la forme devient complexe et la technique dite d'appliqué est considérée souvent comme une forme de broderie plus que de couture (il n'y a pas à proprement parler "assemblage", ou plus exactement la jonction se fait par superposition.
On distingue donc dans les oeuvres en patchwork qu'elles soient anciennes ou contemporaines diverses approches de la géométrie selon ses formes et la disposition de celles-ci.
La géométrie irrégulière préservant la forme des étoffes telles quelles c'est le royaume du crazy quilt. On le fait remonter à la fin du XIX° siècle, et précisément la centennial exposition à Philadelphie en 1876 où des vases japonais craquelés auraient donné l'idée de type de quilts. Mais je crois qu'on confond la mode du crazy victorien, très orné, qui s'est développée à ce moment-là et la naissance de l'art de la "chute folle"; on trouve bien avant des assemblages de pièces irrégulières ne serait-ce que par souci d'économie.(et ce dans pas mal de cultures différentes). On peut voir dans des livres d'histoire du costume des corsages reconstitués de morceaux détoffe, faits en France )
On voit aussi dans le livre Abstract design in American quilts déjà cité ce crazy très dépouillé qui n'a rien de victorien , mais qui est un crazy quilt au sens de formes irrégulières emboîtées et rebrodées sur les coutures.
La plupart des spécialistes des quilts assimilent cependant crazy et étoffes très brodées, même si nombre d'oeuvres, même en tissus précieux sont juste ornées sur les coutures, et souvent en morceaux réguliers. Les caractèristiques précieux/ brodé l'ayant emporté sur celle de morceaux irréguliers utilisés tels quels .
.On peut voir des crazys quilts à l'ancienne sur nombre de sites en tapant antique crazy quilts dans un moteur de recherche.
Ces formes irrégulières sont elles-mêmes souvent incluses dans des formes régulières : carrés; losanges , bandes verticales, comme je l'ai fait dans l' Arlequin fou :
Mais , il arrive aussi que la surface de fond sur laquelle les tissus sont posés au lieu d'être constituée de morceaux recousus ensuite, soit d'un seul tenant, ce qui n'empêche pas d'y intégrer des formes régulières : ici les "roues" symbolisant les hasards du mariage .
.Crazy quilt rébus ou l'heureux mariage
Aux formes irrégulières des crazys peuvent s'ajouter celles des quilts Afro-américains des Gee's Bend nés au XX iècle et qui sont devenus célèbres pour leur fantaisie de formes , l'équilibre des compositions et la sobriété des tissus utilisés (en tissus unis) En revanche pas ou peu de matelassage . On peut en voir sur ce lien .
- Des formes régulières diverses travaillés en ensemble comme dans les quilts dits dahlias, les grandes étoiles notamment qui sont des "classiques" de ce type de disposition .
L'étoile des quatre saisons réinterprétation d'un quilt de Mary-Evangeline Dillon . Ces étoiles sont presque le stéréootype du quilt américain et souvent dans les livres sur art et étoffes c'est eux que l'on voit ...comme si l'art du quilt s'y réduisait, lui qui est si varié !
La géométrie en formes identiques répétées : carrés, triangles, hexagones ou toute autre forme pouvant s'emboîter par tessellation. On lit parfois que de telles surfaces seraient plus "simplistes" que les élaborations savantes à partir de géométries plus complexes , mais ce n'est pas mon avis d'autant qu'on peut par travail de pixellisation notamment reconstruire avec ces tesselles des tableaux personnels (pas seulement des copies de photographies ) ).Les charm -quilts ces quilts comportant 999 morceaux (parfois davantage) identiques par la forme, mais tous différents par les étoffes font partie de cette catégorie.
Dans ce quilt Jaillissements j'ai utilisé les tesselles carrées pour reconstituer une de mes créations numériques :
Mais j'aime aussi à en bâtir des surfaces plus classiques témoin ce Petite fleur fait pour illustrer par saturation -un peu ironique et distanciée par rapport au thème- les tissus à fleufleurs :(c'est aussi un charm-quilt aucun tissu semblable à un autre)
La géométrie dite en blocs ces carrés répertoriés par les quilteuses américaines, mais qui existaient déjà en Europe avant la naissance des Etats-Unis, comme on semble trop souvent l'oublier et notamment en Europe du Nord (La Suède entre autres a un bel "héritage"et bien évidemment le Royaume-uni ) .Et même hors d'Europe comme le souligne le début de cet article .
C'est une de mes approches favorites, j'ai expliqué maintes fois pourquoi : il existe des milliers de blocs et pour chacun une infinité de possibilités de création personnelle en étoffes en adéquation avec la géométrie choisie (à noter que tous ces carrés ne sont pas remplis de formes géométriques, mais une bonne partie) .
On peut faire avec eux absolument tout ce que l'imagination propose et on ne voit vraiment pas pourquoi ils ont été , à une certaine époque, assimilés à un patchwork "planplan", pépère et sans imagination. On peut bâtir sur une simple juxtaposition comme ce Melting pot :
Ou bien encore en déformant les blocs au point qu'il est difficile de les reconnaître comme dans le Feu sacré :
Des recueils de blocs ont été constitués très tôt comme aide mémoire et propagation d'un art. Et comme en point compté ou broderies; les quilteuses ont fait parfois des "samplers" ces échantillonnages de blocs tous diffférents et j'ai obéi à cette coutume en voulant tester les blocs les plus difficiles du logiciel Block base (déjà cité ) Le sampler délicat :
Evidemment on ne peut oublier les compositions des Mnemonites et des Amish célèbres pour l'utilisation des étoffes unies , les formes simples et l'audace de leurs coloris ainsi que souvent un matelassage très sophistiqué. A noter que les quilts Gallois antérieurs dans le temps présentent des ressemblances . Pour ma part je n'en ai pas réalisé, les tissus unis et le matelassage n'étant pas mes modes d'expression en tissu préférés et mon but n'est pas de suivre, ni de reproduire ce qui existe déjà . Ce qui ne m'empêche pas de les admirer chez les autres. On peut voir des quilts anciens Amish sur ce site
Les quilts dits en médaillons construits autout d'un bloc central auquel on rajoute des rangées sur chaque côté qui serait une spéciialité britannique. Le quilt Home sweet Home s'apparente un peu à ceux-là :
Les géométries jugées plus contemporaines ont souvent préféré les bandes décalées , les carrés un peu de guingois, et les livres d'art quilts regorgent d'ouvrages de la sorte .On peu aussi s'amuser à ce petit jeu (que j'ai fait) taper geometric art quilt, puis comparer avec les oeuvre de Klee , Kandinsky, Rothko, sans oublier Vasarely et Mondrian pour voir que là l'inspiration se veut "noble" et côté Beaux-arts.
On peut compter comme "contemporain " tout ce qui s'éloignerait des formes précédentes jugées elles traditionnelles, mais à dire vrai et je l'ai souvent montré le clivage entre le deux est souvent très discutable.
La vague des modern quilts privilégie les grandes surfaces unies avec un matelassage très élaboré (le plus souvent sur machine long arm ) je renvoie sur ce lien où je les ai déjà présentés .
Mon quilt Eclats de Soie s'en rapproche : je ne refuse pas une tendance" quand j'ai quelque chose à dire avec elle :-) non plus , il ne s'agit pas de refuser ou nier les influences, mais de sélectionner en chaque genre ce qui convient à propre expression :
Et en conclusion rappelez-vous ces oeuvres qu'on les aime ou pas sont des surfaces abstraites, exprimant des visions géométriques de l'espace mais en tissus parce que le tissu a pour moi des caractéristiques que la peinture ne me donnerait pas -son toucher ses reflets, ses imprimés, son histoire . Pas seulment de jolies couvertures. Merci de le comprendre.
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