art textile et peinture-parallèle
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Sur la vogue des Modern quilts
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 16/10/2017
- Dans opinions
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Modernité ou mode ?
NB Article publié dans ma rubrique Opinions il y a plusieurs années. Je rappelle qu'une fois de plus je n’ai pas attendu que la mode se répande pour informer (et m’informer !)
de la soi disant "modernité " du minimalisme et d'autres notions....
On le sait, les grands arts ont leurs grands mouvements et l'art du quilt qui en est si peu un, lui, a ses périodes, ses vogues.
A chacun selon ses moyens surtout quand tout le monde s'en accommode.
Depuis une bonne trentaine d’années, cependant, on voit de pathétiques tentatives de se raccrocher à tel ou tel style, lui-même rattaché à un mouvement d'art, étant établi que l'assemblage d'étoffes,ne saurait , à lui tout seul, aucunement en être (qu'on ne discute jamais cela déjà et qu'on l'admette depuis trente ans que je couds comme d'autres peignent gravent ou dessinent ne cesse de me surprendre.) Je note aussi que c'est plus pour faire valoir telle ou telle individualité ou vendre une kyrielle de livres pratiques voire de stages où on vous explique comment faire "dans ce style" qu'au bénéfice de notre art dans son ensemble.
Au reste pour qu'il y ait vraiment art, il faudrait moins de "suiveuses" en extase à l'affût devant ce qu'on nomme tour à tour innovation, contemporain ou modernité et un peu plus de personnes qui sans négliger bien sûr forcément tous ces courants, travaillent un peu plus près d'elles-mêmes, de leur propre richesse intérieure : de leur imagination, et même de leur propre sens des étoffes , des formes ...S'il est nécessaire et bénéfique de se tenir informé, il n'est pas essentiel de suivre à la lettre toutes ces vogues successives, pour obtenir au mieux des "à la façon de" qui sont certes de beaux ouvrages mais où la personnalité derrière n'apparaît guère (tout finit par se ressembler ...), ce n'est pas le style de la personne qu'on reconnaît par son choix d'étoffes ou de formes mais le mouvement qu'il y a derrière ...et parfois le livre et parfois le modèle .
Actuellement par exemple, on nous rebat les oreilles avec les Modern quilts qui ne sont d'ailleurs pas à confondre eux-mêmes -même avec toutes les "innovations" .
Je rappelle que l'art moderne qui précède l'art contemporain se termine selon les historiens de l'art dans les années 1960 (pour d'autres la jonction est la fin de la deuxième guerre mondiale) . L'histoire moderne elle -qui le sait ? - commencerait en 1492 ..donc quand on dit moderne il faudrait savoir de quoi on parle dans quelle discipline on se situe et surtout ne pas oublier le contexte. Modern quilt c'est evidemment quelque chose qui nous vient des USA et qui selon ce site qui semble en revendiquer la paternité se définit ainsi
"Modern quilts are primarily functional and inspired by modern design. Modern quilters work in different styles and define modern quilting in different ways, but several characteristics often appear which may help identify a modern quilt. These include, but are not limited to: the use of bold colors and prints, high contrast and graphic areas of solid color, improvisational piecing, minimalism, expansive negative space, and alternate grid work. "Modern traditionalism" or the updating of classic quilt designs is also often seen in modern quilting."
Le mot minimalisme étant lâché il convient de faire une mise au point sur ce terme un peu mis à toutes les sauces.
Au départ le minmalisme ou art minimal c'est un courant d'art né dans les années 60 (dnc quand la modernité se terminait !) et si on veut une vue un peu plus approfondie que ce qui en est dit sur Wikipedia on peut lire ceci :
Lien vers l'article minimalisme du centre Georges Pompidou
Je me permets de faire remarquer déjà que c'est infiniment plus complexe que de coudre ensemble quatre rectangles de tissu unis de couleurs vive de façon asymétrique ..en improvisant le piéçage" car en gros c'est bien cela qui est prôné dans la phrase en anglais .
D'autre part il faut savoir aussi que comme tout mot celui-ci a ses acceptions diverses ( vous constaterez avec l'article précédent que déjà tous les artistes qui le pratiquaient n'en avaient pas la même conception) c'est aussi et surtout aux USA, friands de ce type de "morale" ou de "philosophie" -je mets entre guillemets parce que souvent , c'est à mon avis quelque peu "simpliste" eu égard la complexité de l'être humain et de ses relations avec les autres et le monde.
Si on tape minalmisme way of life on tombe sur des sites avec ces morales à vivre que notre époque affectionne.
Ensuite on peut méditer ...
Se demander si tout ce qui nous vient des Usa en matière de quilts (ou de manière de vivre) est parole d'Evangile à suivre le petit doigt sur la couture ..du bloc ? ou de l'absence de... parce que s'en dégager, tout en respectant l'apport considérable des USA en la matière , ce serait une vraie liberté. Je souris toujours quand dans les commentaires sur d'autres blogs je vois tant de personnes revendiquer une liberté "artistique" qui consiste tout juste à choisir la vogue dont elles vont s'inspirer, ou la recette ...être libre parce que sur le livre qu'on démarque et auquel on est accrochée comme à une bouée de sauvetage , c'est marqué "liberated quelque chose" ...Je veux bien.
Qui nous délivrera des pseudo-libérations ?
La vraie liberté de création , comporte un peu plus de risques et d’initiative personnelle. Mais passons.
Se demander si la culture textile c'est comme je le vois souvent des sortes de revues de presse avec commentaires des derniers livres sortis de nos consoeurs américaines et le plus souvent avec impasse sur l'histoire du quilt dans ce pays et ailleurs et impasse également sur l'histoire de l'art tout court ce qui ne cesse de m'étonner s'agissant de personnes dont la culture textile est célébrée à longueur de blogs. Il n'y a pas de culture sans recul, esprit critique, désir d'en savoir plus, de comparer, ce n'est aucunement une accumulation de connaissances sur les livres en vogue , cela d'ailleurs les revues de patchwork le font très bien. Ne pas oublier non plus que surtout aux USA où le patchwork est un business non négligeable le but est de vendre : les livres, les tissus qui vont avec, la mode en question et/ou les gadgets eventuels qui permettent d'obtenir tel ou tel aspect, avec toujours deux promesses: avec ça vous serez artiste (à bon compte" avec ça ce sera facile et toujours vite fait (time is money!) . Ne pas oublier non plus l'influence des courants New age : avant le minimalisme nous avons eu droit à des articles sur la création dans lesquels le mot "holistique" revenait en leit-motiv.Pour en revenir à nos moutons, on pourrait comparer aux Modern quilts , par exemple pas mal de whole quilts ou de quilts unis -certains datent de la fin du XVIII siècle ... et si on enlève l'asymétrie et le pieçage improvisé ... les couleurs vives y sont déjà , et ce dépouillement, la complexité étant donnée par les dessins du matelassage
Le mot patchwork implique lui un assemblage d'éléments. L’histoire du patchwork regorge de surfaces avec de grands morceaux unis..de couleurs vives : on a l'exemple des quilts gallois ou plus tard Amish, les quilts en bandes bicolores ...Je ressens pour ma part ces oeuvres-là bien plus proches du minimalisme tel que l'art l'a défini. Et je soulignerai, une fois de plus que des femmes anonymes ont créé bien avant les mouvements d'art des formes qui pourraient s'y rattacher !Il ne s'agit pas d'inciter à les reproduire mais de montrer qu'on se hausse souvent du coude avec de grands mots sans aller un peu voir derrière ce qu'on peut y trouver et rapporter toujours à l'histoire du quilt , aussi . Nous sommes toujours dans cette perspective de la géométrie qui serait noble si on lui colle un nom de mouvement d'art ou un -isme au bout et qui resterait artisanale pour le reste. C'est totalement absurde , mais si personne ne le voit ou ne s'en émeut ...
Exercer l'assemblage de tissus de cette façon ne m'intéresse que très peu. Pour moi j'ai une matière : le tissu, qui est si variée et si riche d'inspiration en elle-même que ces mouvements et ces livres -ceux que je continue à lire . Les oeuvres ou ouvrages des autres sont pour moi des référents, pas des modèles et s'il arrive que je m'en inspire c'est en l'incluant dans un parcours qui m'est propre. C'est beaucoup plus infini, passionnant. Mais je n'espère plus en persuader grand monde.
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De la géométrie en art textile
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 22/08/2017
- Dans opinions
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De la géométrie en art textile -1
Introduction
Dans mon livre Jeux d'étoffes, impressions, expressions je pose déjà la question du regard sur la géométrie, surtout régulière, répétive et symétrique, dans les surfaces textiles.
Et évidemment plus précisément en assemblage d'étoffes. J'ai toujours contesté la notion selon laquelle il y aurait des géométries "traditionnelles" et d'autres "contemporaines" voire aujourd'hui "modernes" avec la vogue des modern quilts. J'ai contesté surtout le fait que l'emploi de certaines formes comme le labyrinthe vous donnait l'aura de la véritable artiste puisque ce labyrinthe était classé "contemporain" dans les années 90, notamment, , on ne sait pourquoi (à croire que Dédale était un perdreau de ces années-là !) mais une étoile par exemple, c 'était traditionnel et donc "artisanal" pas le moins du monde artistique, du moins côté "grand art" . Je me bats contre ce genre d'absurdité depuis des décennies.
Autre question qui m'a taraudée :pourquoi donc les abstractions des quilts, antérieures et très largement aux peintures abstraites géométriques, sont-elles reléguées côté "arts appliqués-décoratifs" juste là pour faire joli,et/ou réchauffer .... mais que lorsqu'un grand art s'en empare -des siècles après, là ça devient génial ...intéressant . J'ai obtenu des éléments de réponses mais aucune ne m'a satisfaite (et notamment le fait que le dames qui cousaient n'auraient pas eu de "démarche", que donc ce n'était ni classable dans un "mouvement" , ni analysable avec les méthodes de critique d'art habituelle. Cela ne tient pas car beaucoup d'artistes du passé n'ont été inclus dans écoles, mouvements et influences diverses qu'après coup, et non de leur vivant. L'art et l'artisanat ont même souvent coïncidé ! Evidemment si on met d'office hors champ de la culture générale et qu'ensuite on constate que ça n'est pas vraiment de l'art parce que "ça se saurait" , depuis le temps ... on ne laisse guère de chance à ces surfaces d'être regardées autrement que comme de "jolies couvertures" .Comment cela pourrait-il "se savoir" si on ignore tout ou presque de qu'on relègue ?
J'aimerais donc ici inviter à aller y voir de plus près . Notre art est mal connu même de celles qui le pratiquent et même d'un bon nombre qui se disent "expertes" . Moi-même je sais que je ne sais pas tout, très loin de là, car le savoir en cette matière est dispersé, lacunaire, difficile à étayer sur des études complètes .Le plus souvent les livres sont pratiques.... et je me sens deux tâches : l'illustrer par autant d'oeuvres que je puis en créer, et partager ce que j'ai appris sur lui au fil des années . Et si possible, aussi, en dehors des "cercles" patchwork-art textile . Si une géométrie peinte atteint à l'universel , une cousue le pourrait bien aussi, si on l'y autorise. Plus exactement si on fait effort de s'informer ...et de regarder comme une surface comportant des formes et des couleurs choisies par décision de la personne qui l'a conçue et cousue (et qui hélas ne coÏncident pas toujours, problème crucial) .
Un peu d'histoire .... et de géographie.
On ne peut évidemment pas dans un article à lire sur écran être exhaustif sur ce vaste sujet , je renvoie en cours d'article à des liens et pur les sources aux livres dont j'ai déjà rédigé la recension sur ce blog (notamment Quilts around the world de Spike Gillespie) o
En Europe une des premières oeuvres textiles géométriques connues est un ouvrage anglais daté de 1718 et appelé "The Coverlet" . On peut ne pas apprécier ce genre de composition mais force est de reconnaître que c'est un usage de formes abstraites à des fins esthétiques , et que c'est en tissus .... et même à décomposer en ce qu'on nomme "blocs" c'est à à dire carrés subdivisés eux-mêmes en formes ou décorés d'un motif . On peut la voir sur ce site ...
Plus tôt encore dans le temps et ailleurs les quilts retrouvés dans les grottes des mille Bouddhas sur la Route de la soie à partir des années 1900 . Entre autre nombrex objets d'art, on a mis au jour des pièces en patchwork géométrique montés de façon analogue à nos méthodes de couture main et avec des formes ressemblantes, datant probablement du VIII° siècle de notre ère,qui sont décrits comme étant composés de triangles et de rectangles et qui seraient conservés , en partie au British museum.
A méditer par celles qui affirment que le patchwork géométrique serait "américain" exclusivement .
Au Pakistan et à l'ouest de l'Inde on trouve la tradition des "ralli quilts" dont certains historiens pensent qu'ils remonteraient à 4000 avant Jésus-Christ au vu de leur représentations sur poteries ou autres témoins de ce passé très lointain.
Liens vers une présentation des ralli quilts
Et puis en France le collectionneur Michel Perrier a rassemblé des quilts. Beaucoup datent du XIX siècle , et ces géométries n'ont rien envier aux à celles développées aux USA et au Royaume Uni, même si on souligne que les techniques d'assemblage et l'esthétique en est sensiblement différente . Plus de la moitié de ces quilts est fondée sur des géométries régulières, signe que dans notre pays ces types d'assemblages ont dû exister et déjà auparavant (seulement comme je l'ai maintes fois souligné jugés indignes sans doute d'être conservés les plus anciens ont été probablement perdus ou détruits ) .On voit affirmer que la France n'a pas une culture du patchwork, ce qui n'est pas faux, mais c'est surtout conservation, transmission et étude de ces oeuvres en tant qu'objets d'art abstrait (et non pas seulement populaire) qui fait défaut. La pratique elle existait bien ! La preuve! (cf l'article sur le livre Mosaïques d'étoffes)
A noter que le Sud de la France connu surtout pour le boutis et le piqué marseillais , recèle quelques trésors d'assemblage notamment des hexagones et également, en Corse les centupezzi que la quiteuse Anne Marie Voigt Vincentiguerra a fait connaître.
Et le souhait aussi que tout ce qui se crée à notre époque dans ces "genres" nullement obsolètes, soit répertorié,indexé, conservé et étudié et non finir en chiffons .
Si pour les géométries repertoriées et inventées par les américaines, il existe bien sûr une pléthore de livres; essentiellement pratiques . L'encyclopédie de Barbara Brackman, sur laquelle repose le logicie Block base (dont je ne cache pas qu'il est une de mes sources d'inspiration ) est une des plus complètes . A noter que bien, sûr , beaucoup de ces dessins existaient depuis la nuit des temps il suffit de consulter un livre de motifs pour s'en convaincre. Mais les noms choisis qui font allusion à la vie quotidienne ou à l'actualité politique ont contribué à insérer ces motifs dans une culture. Chose qui en France, ne s'est jamais produite pour la raison simple que notre beau pays aime bien dévaloriser les uns pour élever des podiums aux autres et que la scission Beaux arts / arts appliqués sévit toujours qui interdit aux seconds d'avoir droit à des études comme étant nés d'une imagination, d'une démarche cohérente venue d'un individu "artiste".
Ainsi Le collectionneur Jonathan Holstein venant en France exposer ses "Abstract designs in American quilts" ,dans sa relation de l'aventure, souligne qu'il n'a eu droit qu'aux musée des Arts décoratifs (l'effet ghetto !) alors qu'aux USA il avait réussi à convaincre le "curator" du Whitney Museum de la valeur esthétique et expressive de ces oeuvres. Outre le livre sur le sujet dont j'ai fait un compte rendu lisible sur ce blog, on peut avoir sur ce lien une idée de ce que fut cette exposition, capitale dans l'histoire ce la reconnaissance de notre art.
Reconnaissance qui malheureusement est restée pour diverses raisons très limitée dans le temps et ce que je nomme "la corporation". Hors des milieux spécialisés, personne n'en sait rien. A art dit mineur pour ne pas dire minable, pas d'histoire universellement partagée ! Juste des essais de percée non transformés !
J'ajoute avec fermeté qu'en France il y a eu malheureusement fin 90 et début des années 2000 cette scission entre les géométries "nobles" et les autres . Donc relégation des secondes au profit des premières. Bref , il fallait faire des surrfaces qui ressemblaient à ce qu'on voit dans les vrais arts et surtout pas que ça ait l'air "trop patchwork", comme on m'a dit mille fois cgez les artistes se voulant novatrices (rien de tel que de ringardiser un courant ou un genre pour s'affirmer original ! ) .. Et aux USA, même si c'est plus ouvert , certains historiens du quilt soulignent cette scission (tout le monde l'admet sans la mettre en cause dans les milieux patchwork et art textile ) .D'où le terme art quilt , apparu dans les années 90, s'opposant au soi disant traditionnel qui lui donc ne serait pas de l'art côté Beaux-arts. Et je montrerai par l'analyse d'un livre, à la fin de cette étude, combien cette scission est contestable et peu rigoureuse .Mais pour le moment penchons nous sur les différentes formes de géométries utilisées dans quilts et patchworks.
(à suivre)
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Broderie : perfection ou expression ?
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 20/02/2017
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Je me suis intéressée pas mal, ces derniers temps à la peinture à l'aiguille .
En français ce terme désigne surtout des broderies très réalistes -ou très normées- réalisées au point de passé empiétant ou empiété (long and short stitch en anglais , parfois aussi désigné par l'expression silk shading .)
Encore que le passé empiétant, ce soit souvent expliqué très dfféremment du long and short stich donnant un effet de relief en faux semblant dont j'ai déjà parlé dans la broderie en relief .Dans les livres et revues avec lesquels j'ai appris, enfant, les points étaient imbriqués de la façon qu'on peut voir sur ce lien par exemple :
emprunté à un site de brodeuse , mais on trouve ce schéma un peu partout. Toute personne qui a réalisé des napperons "banals" le connaît.
Donc une ligne de démarcation se voyait , ou bien on dépassait un peu sur le rang précédent, entre deux points mais toujours à la même hauteur.
Or dans la peinture à l'aiguille un rang mord, parfois largement, dans le précédent et le départ des points dès le second rang s'échelonne de manière à créer justement une impression naturelle, sans démarcation . de plus, pour les oeuvres complexes, on travaille avec plusieurs aiguilles de manière à pouvoir mêler les nuances sur un même rang. Et avant de se lancer il existe un travail préalable qui consiste à prévoir l'orientation des points , la répartition des valeurs et couleurs , -c'est le plus difficile pour les formes complexes notamment volutes, drapés et visages - , de celle-ci dépend l'effet de lumière sur la surface réalisée, et le relief .
Au passage si vous voulez un cours d'entraînement gratuit et très bien fait je vous renvoie une fois de plus sur le site de Mary Corbet, brodeuse émérite.
Il y a dans ce domaine de grand( e)s artistes (je vais en oublier) : les liens renvoient sur les sites respectifs. La plupart ont écrit aussi des livres .Je ne suis pas autorisée à publier des photos de leurs ouvrages , mais je vous invite à cliquer : cela en vaut l'effort !
La française Jocelyne Kurc, meilleure ouvrière de France, dont je n'ai malheureusement pas pu me procurer les livres (au passage si vous vous débarrassez des vôtres je suis preneuse!) , La sud africaine Trish Burr (à qui va ma préférence pour le côté très didactique de ses livres)., L'anglaise Helen M. Stevens qui use d'un point sensiblement différent du passé empiétant qu'elle appelle opus plumarium inspiré du point de Kensington . L'anglaise Sarah Homphray diplômée de la Royal needle school qui a écrit un livre traduit en français , remarquable pour son étude des valeurs , à partir d'une photo noir et blanc du modèle couleur.Je ne cite ici que les personnes qui créent la broderie, pas celles qui exécutent leurs modèles, même si j'en salue l'exploit... dont je serai incapable, sauf à passer ce qui me reste de vie à m'y entraîner, et encore ...
Sans oublier les chinoises qui sont maîtresses en cet art difficile Je ne citerai que Shao Xiaocheng et Xiao Yao qui ont écrit un livre sur le sujet fort bien conçu .
Différemment et proposant des sujets figuratifs on trouve des artistes comme Emily Tull : là les points échappent à la perfection normée pour montrer tout autre chose.
Et en enfin découverte récemmment l'oeuvre impressionnante de Cayce Zavaglia
D'aucuns ou d'aucunes seront plus admiratives de telle manière de "peindre" humains, feuillages, animaux, paysages.
Je rappellerai aussi l'oeuvre de Marie Monnier qui est une véritable peinture à l'aiguille à la fois figurative et symboliste et d'une perfection ..expressive , qui échappe à elle-même, si je puis dire ...la perfection technique est oubliée derrière le rêve, la puissance émotionnelle de tels tableaux ...Il est vrai l'artiste avait aussi une maîtrise totale du dessin d'art.
Et on peut aussi user d'autres points que le passé empiétant pour peindre à l'aiguille témoin l'oeuvre , au point de Beauvais, de Caroline Roussel .
Au terme de quoi je regarde mes propres broderies comme étant par comparaison totalement imparfaites. J'ai tout de même réalisé dans les années 1990 quelques broderies d'oiseaux "passables" d'après photographies ,sans formation aucune avec maître diplômé, ni livres spécialisés, ni tutoriels sur internet, comme aujour'dhui .. ..Je ne le renie pas, même si aujourd'hui je m'y prendrais sans doute autrement pour le faire.
J'admire la perfection hyperréaliste , je sais combien de travail il faut pour tenter seulement de s'en approcher, j'admire aussi la liberté qu'on prend dans sa propre vision de ladite réalité ou de la forme dont on part .
Pour m' y être un peu essayé, je n'ignore pas le difficultés techniques d'une peinture à l'aiguille au passé empiétant sans défaut, mais c'est précisément le côté sans défaut qui ne me va pas ... Je pars en tirant la langue et avec l'idée de faire quelque chose selon les normes -que je connais- et invariablement, j'introduis des irrégularités . Ainsi cet exercice sur un dessin personnel "à l'ancienne" la fleur bleue était prévue en passé empiétant droit avec dégradé de couleurs (le silk shading) et puis tout à coup j'ai fait ce qu'on recommande de ne pas faire ... j'ai changé brusquement la direction des points ..évidemment comme le motif est censé n'être que "décoratif" je n'y ai pas droit, aux yeux des censeurs, c'est semble une erreur un "poor craftmanship", un niveau pas correct (à y perdre dix points de vie, au moins!) . Et pourtant ! Est-elle plus laide, moins vivante ainsi ?Je ne parle pas des fleurs oranges pour lesquelles j'ai choisi une de mes manières préférées de remplir une surface ; le point de tige en juxtaposition de rangs. Le tout avec un fil de soie floche de la finesse d'un cheveu ...
Quand je vais dans un musée côté peinture je m'aperçois que le peintre, lui a le droit de montrer sa personnalité dans la manière dont il use de ses pinceaux et que la recherche de la perfection réaliste n'est pas toute la peinture.... et que si on jugeait des grands peintres comme on en juge des grands brodeurs : pas un blanc surface lisse bien remplie sans anicroches ..il faudrait vider les salles de beaucoup de musées et qu'on ne me dise surtout pas "ah mais eux, ils ont droit car Beaux-arts" ! Sinon je hurle au préjugé nobiliaire dans la minute qui suit . Si eux ont le droit au nom de leur expression et originalité, nous, brodeuses aussi et même en brodant une volute "traditionnelle". Car dans des portraits, nus ou paysages figuratifs on reconnaîtt l'artiste aussi à sa manière de peindre ..Et même dans toutes les formes qu'il choisit de reproduire , et je repose ici la question du motif-poncif ...n'est(-il que cela ? brodé tissé imprimé c'est poncif peint ça deviendrait de 'art ? Comment pourrais-je le croire ?
Un motif d'étoffe peint par Klimt et par Matisse est-ce tout à fait pareil ? Et par un impressionniste ?Alors rendu par un brodeur ce même motif serait tenu au perfectionnisme rigoureux sans bavures ? C'est un point sur lequel je n'ai guère vu d'interrogation puisque la broderie à partir de motifs traditionnels est classée artisanat et non art, et c'est là tout le problème . Pourquoi donc les brodeurs eux-mêmes tiennent absolument à ce degré de perfection et de maîtrise dans les formes dites décoratives alors que le seul moyen de les faire s'échapper vers une expression personnelle, et de les sortir du "joli-décoratif- poncif" c'est précisiment de permettre à l'aiguille comme au pinceau d'y apposer sa marque ? Donc forcément l'irrégularité , si elle est voulue, ou marque d'un tempérament ... ...La régularité c'est précisément le contraire : des points qui vont ressembler à s'y tromper à la fois à ceux d'une machine , et à ceux d'une autre personne maîtrisant le geste de façon quasi mécanique . Le résultat certes est époustouflant ... on peut aller jusqu'à dire que c 'est le summum d'une conception de l'art que de s'effacer ainsi derrière la réalisation parfaite pour rendre le "vivant" . Je l'accepte : pour les autres, si c'est leur choix ! On peut avoir d'autres approches .
Lorsque je brode à partir de mes propres dessins ou photos j'aime, par exemple qu'il y ait de la texture du relief de la "pâte" , de la "patte" aussi le tout lisse de la peinture à l'aiguille à un fil de coton ou de soie n'est pas mon choix , forcément. Tout simplement parce que pour moi l'art textile n'est pas fait que pour le regard , mais aussi pour le toucher. J'y reviens toujours .
Ainsi dans le tableau abstrait nommé Coulures j'ai usé de points qui évidemment peuvent paraître grossiers en considération de ces merveilles faites à la loupe et calculées au millimètre près ..pour une surface sans défaut, sans aspérité, sans rien qui accroche..
et le triptyque aux pavots qui a été publié par Brodere d'art , est aussi une autre manière de peindre à l'aiguille :
Et il faudrait que la broderie, comme le patchwork, accepte cette liberté-là du "coup d'aiguille" et même pour les motifs classiques sans hurler à la maladresse ou au niveau médiocre. La médiocrité est à mon sens aussi et tout autant dans la manière étriquée et conventionnelle des critères d'appréciation Lesquels motifs peuvent être vus comme des écritures, des symboles... ou des formes expressives qui précisément ne peuvent l'être qu'en s'évadant du "normé".
Je m'explique : , si je calligraphie un texte je choisis d'effacer la personnalité de mon écriture pour des pleins et des déliés normés aussi parfaits que possibles ressemblant à d'autres pleins et déliés . J'obtiendrai une écriture sans marque de ma pmersonnalité, normée, parfaite. C'est un art,et diffcile techniquement , certes le même que celui de la brodeuse qui réalise une volute en peinture à l'aiguiille avec points rendant pile point le mouvement et le volume .Ce texte s'il est de moi fait que je suis aussi écrivaine (mais ça n'influencera pas forcément la calligraphie normée qui est indépendante du sens, donc de l'expression). Je peux aussi l'écrire de ma propre écriture, celle qui révéle ma personnalité . Ainsi devrait-on faire avec les motifs de broderie qui non ne sont pas que jolis-décoratifs, mais ont porté souvent des symboles, à travers les siècles et ne pas obliger à la "calligaphie" obligatoire avec eux, qui a pour visée tout autre chose, sinon, ce serait une "incapacité " technique . Certaines brodeuses sont, métaphoriquement s'entend, callligraphes admirables , d'autres écrivaines à l'aide de motifs . Si on veut voir les motifs juste comme du parfait à "chiader" en les interprétant ou si on les considère comme un moyen de dire, de se dire : tout est là . On peut être les deux, calligraphe et écrivaine mais cela devrait demeurer un choix et pas une façon d'évaluer, d'exclure ...Une oeuvre s'apprécie ou devrait s'apprécier aussi à sa visée .. car exiger de la perfection technique de qui précisément veut y échapper, c'est condamner sans comprendre et surtout sans ressentir ... c 'est une fois de plus regarder une oeuvre comme on pense qu'elle doit être et non pas comme elle a été conçue..C'est sur ce point que j'invite à une réflexion ...
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question de regard- La salle des machines
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 12/10/2015
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A la salle des machines, on peut ouvrir, feuilleter et regarder nombre de livres d'art et d'art textile, posés côte à côte comme les oeuvres-hélas- ne seront jamais montrées dans les musées, ni dans les livres. et parfois je m'amuse à des mises en regard .
Ainsi cette photo qui montre en haut un crazy quilt de la fin du XIX siècle et un tableau de Paul Klee, postérieur à l'oeuvre textile. Laquelle créée par une anonyme- même signée, ce serait alors par une inconnue!- et évidemment personne ne la connaît sauf les personnes qui s'intéressent à l'art textile (et encore !). la question qui se pose : l'oeuvre textile est-elle à ce point inférieure artistiquement qu'elle mérite l'oubli total, elle qui était déjà de l'abstraction ?
La deuxième montre en haut une oeuvre textile se revendiquant comme "contemporaine" par rapport à ce qui existait avant, bien sûr, des années 1990 la grande époque où il fallait sinon copier les peintres, au moins faire "dans leur esprit" pour être considérée comme une vraie artiste, remplie d'imagination, . L'oeuvre de Klee mise en regard est évidemment bien antérieure à l'oeuvre textile. Bien sûr, c'est un hasard me dira-t-on et je veux bien le croire. Une "influence" tout à fait acceptable si à la même époque on n'avait pas commencé à considérer les abstractions issues de la tradition textile comme inférieures ....(voir l'article le bonheur en lisière pour le détail de l'histoire)
Pourquoi ces parallèles ? mais parce qu'ils montrent mieux encore que l'argumentation le problème de la place de l'art textile dans l'art tout court et du patchwork à source plus ancienne -et pas forcément "traditionnelle" dans l'art textile.