Féminisme et écriture inclusive
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 02/12/2021
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Je voudrais aborder ici un sujet qui agite souvent les réseaux sociaux, où il n'est pas toujours facile de se faire comprendre.Et clarifier ma position.
Ce blog signale sur bien des pages l'injustice faite aux femmes dans leur reconnaissance artistique. Et pas seulement en art textile. Je rappelle cette citation de l'historien de l'art Roger Dunn dans le livre Stitching resistance , dont j'ai fait le compte rendu.
" "de tels arts utiles sont devenus connus comme "arts mineurs" "arts décoratifs" ou simplement "artisanat" avec le corollaire qu'ils valaient moins que la peinture, la sculpture ou l'architecture, les ouvrages en textiles sont rarement inclus dans une philosophie de l'esthétique ainsi que dans l'histoire et la critique d'art"
Les mots .sont aussi ma matière. je rappelle que j'ai fait des études de Lettres Classiques, certes je ne suis ni docteur, ni agrégée, mais j'ai choisi d'enseigner en collège à un niveau où la pensée se forme et où le langage -et sa maîtrise sont primordiaux. et je prétends connaître un peu ce que je nomme le système de langue. pas la linguistique absconse, non . La pragmatique, celle qui aide les élèves à s'exprimer clairement et sans trop d'erreurs. J'ai étudié le grec ancien, le latin, l'ancien français, leurs linguistiques. J'ai certes sans doute beaucoup oublié mais pas les fondements, pas ce qui structure. J'ai appris à user de l'étymologie pour goûter la saveur d'un mot.. par la racine. J'ai appris à mes élèves à le faire. Quand on écrit une phrase en sachant pourquoi on l'écrit ainsi, on est aux sources de sa langue maternelle (vous remarquerez qu'on ne dit pas langue paternelle si machiste que soit notre langue) J'ai écrit un livre poour aider à la maîtrise des difficultés du français en partant des erreurs non pour les fustiger mais pour comprendre pourquoi on se trompe, pourquoi on écrit ainsi . Car oui presque tout peut s'expliquer si l'enseignant possède lui-même des bases solides pour le faire. J'ai eu la chance d'étudier à une époque où c'était possible. J'ai complété par moi-même et je continue d'apprendre.
Je voudrais d'abord affirmer haut et fort qu'être contre le point médian et les pronoms personnels artificiellement inventés ce n'est pas être anti féministe, tout au contraire. Si on y réfléchit ce que les femmes ont gagné de droits depuis plus de 100 ans, n'en a pas été empêché par le machisme (parfois réel) de quelque langue que ce soit. Nous avons agi au niveau des droits et des lois, dans un état de langue qui serait redevenu machiste après l'avoir moins été (selon les thèses à la mode) . Et on se fait traiter de boomer (le mot ringard est ringard ) quand on refuse l'inclusive par des jeunes femmes qui tombent dans l'âgisme ce qui n'est guère mieux que le sexisme .
L'idée de modifier les mentalités par le langage est à proprement parler ubuesque; on pourra peut-être imposer un usage par matraquage intensif , mais on ne forcera personne à penser ce qu'il n'a pas envie de penser. Un macho forcé d'utiliser des points médians ou de les lire s'ils envahissent tout, consacrant un usage imposé, restera macho et peut-être encore plus par réaction Donc c'est défigurer la langue sans autre profit que le buzz autour de quelques excitées à qui j'ai envie de dire d'apprendre d'abord les régles de la morphologie et de la phonétique. Pour métamorphoser il faut connaître ce qu'on veut changer et ce n'est absolument pas le cas. On coupe les mots hors syllabes et hors radical, déjà , signe qu'oon ne sait pas comment un mot est formé (morphologie) . Or, c'est capital dans les apprentissages de base. Et la manière dont on lit, aussi.
Il serait plus oppportun de défendre les droits réels gagnés par nos anciennes et nous-mêmes, parce que, comme l'a souligné Simone de Beauvoir, il suffit d'une crise , d'un gouvernement (réellement) réactionnaire voire autoritaire ou totalitaire pour que ceux-ci soient en danger. et régressent c'est le principe même de la "réaction" . On le voit à l'oeuvre dans nombre d'autres pays. Et ce n'est pas en "déconstruisant" notre langue qu'on va améliorer cet état de choses. Ni en tirant les faits dans le sens de ce qu'on veut imposer, ce qui semble aussi une tendance de certains neo-historiens. Certes ce qu'ils disent est vrai, mais partiellement et surtout partialement .Et ce sont parfois les mêmes qui accusent l'histoire "officielle" de propagande. Qu'on balaie donc d'abord devant sa porte .
Ce qui m'amène au livre Madame Eliane Viennot beaucoup cité dans cette polémique, ouvrage qui démontrait qu'il y aurait eu une "masculinisation' de la langue au XVII° siècle , notamment , s'appuyant sur les noms de métiers au féminin qui auraient disparu et ce qui serait la preuve qu'à des époques antérieures on respectait mieux les femmes puisque ces noms de métier au féminin existaient (ce qui reste à établir plus complètement, parce que pour la condition de la paysanne analphabète j'en doute très fort !) .
Ce fameux masculin qui l'emporterait ensuite et qui donc aurait fait régresser sous la poussée de méchants académiciens et grammairiens . Je schématise mais c'est ce que la plupart en ont retenu. Il fallait donc partir en croisade pour venger ces pauvres femmes que la langue, en regression supposée, "invisibilise" sic ! Il existe sur internet beaucoup plus d'articles pour prendre ce livre comme catéchisme et vérité "indiscutable", le titre universitaire de l'auteur faisant autorité que d'articles examinant ce qui y est affirmé, en recoupant avec d'autres faits de langue et historiques et la linguistique comparée. .Et qui suis-je donc moi qui ai moins de diplômes pour oser contester cette nouvelle Bible féministe ?
S'il faut un titre universitaire pour être crédible qu'on lise alors cet article, qui reprend tout point par point, triant ce qui reste fondé de ce qui été "forcé" ou biaisé . Et ce qui l'a été n'est pas négligeable. .
Lien vers l'article d'Hélène Merlin-Kajman sur le livre d'Eliane Viennot.
A lire absolument pour éviter le célèbre "biais cognitif".
J'ajouterai encore : acceptons que le le livre de Madame Viennot soit entièrement fondé et objectif , pas du tout militant ni orienté cela ne voudrait pas dire qu'il faille approuver le point médian et la création de pronoms personnels bricolés encore moins à tenter de l'enseigner ou de l'imposer dans certaines instances universitaires . Le savoir comme la langue n'a pas à être confisqué par un groupe militant . c'est une étude, et il en existe d'autres , contradictoires. Comme expliqué ici dans une interview par le regretté linguiste Alain Rey qu'on ne peut accuser de conservatisme et qui connaissait l'histoire de la langue frnçaise tout de même un peu ! Si mon savoir est contestable le sien ne l'est pas.
Lien, vers l'opinion d'Alain Rey sur la question
Je nuancerai son propos : ça dure depuis plus de six mois et ça gagne du terrain pour la raison simple que cette évolution fait son lit dans l'ignorance même des bases du français et de la manière dont il s'est formé. Et c'est un mouvement plus vaste et international . Ne pas se tromper la culture dite "woke" à laquelle ce courant s'apparente est une vraie machine de guerre qui utilise internet comme arme. On sait que l'usage repose sur le nombre, mais là il s'agit d'un nombre apparent qui vient non de la quantité réelle de personnes convaincues du bien fondé de ces changements., mais du nombre de publications abondant dans ce sens. L'idée c'est que les gens passant leurs vies sur les écrans c'est là qu'il faut imposer ces transformations catapultées d'un groupe vers l'ensemble et non venu de l'ensemble , sous l'effet d' un besoin collectif réel quant à la langue, d'un "manque". Ce n'est pas l'usage de l'ensemble des usagers mais d'un fraction militante et .. sur écran . Or une langue se PARLE aussi . Vouloir modifier un usage, juste à l'écrit et accepter que l'oral soit différent, donc, ne me semble pas logique et complique inutilement un "état de langue".
J'ajoute je n'ai rien contre la féminisation actuelle des noms de métier exercés par des femmes, si ce n'est que je n'ai pas constaté que cette féminisation influait en quoi que ce soit sur le regard social envers les femmes qui exercent ce métier, sauf àfaire remarquer ingénument qu'elles aussi le peuvent, ce qui devrait devenir une évidence. .Il y a des hommes "sage-femme" . Je ne sais s'ils ont revendiqué qu'on masculinise leur nom de métier .
Sur ce masculin et sur les genres et la langue maints articles ont paru et les conséquences plus que fâcheuses de l'écriture inclusive .Je ne cite que celui-ci qui signé par trente -deux linguistes . Il résume clairement ce que j'en pense. Je ne ferai pas mieux .
lien vers l'article du Journal Marianne
Et on peut lire une contre argumentation-là (qui ne me convainc nullement) lien vers la contre argumentation
On s'est moqué de L'Académie Française qui parlait du danger pour le français ( évidemment avec l'âgisme habituel) , ses arguments sont pourtant plus pertinents que les quelquues-uns ci-dessus. On peut lire sa position ici
Le danger signalé par l''Académie n'est pas le seul et non il n'est pas exagéré. Quoi tout ce foin pour un point médian ? Pour un néologisme (sauf que jusqu'alors les néologismes concernent les mots lexicaux comme noms verbes et adjectifs) et non les mots grammaticaux comme les pronoms personnels. les accords de genre font partie de la syntaxe, non du lexique.
Admettez et ce n'est pas si surréaliste, en l'état de mentalité présent, que demain chaque groupe disposant d'une particularité qu'il juge "invisibilisée" (être femme en est une mais à être vieux ou handicapé ou de telle ou telle couleur de peau, religion, région, parti poltique en sont d'autres tout aussi importantes . Est important pour un individu donné ce qu'il vit comme important dans cette fameuse sensibilité qu'il faut sans cesse ménager (celle des animaux aussi à présent puisque des groupes de véganes extrémistes ont voulu interdire les insultes style "face de rat" si si je n'invente pas ! Vous comprenez les rats qui sont d'une utililité manifeste surtout comme vecteurs de maladies on ne sait pas si ces pauvres bêtes en souffraient dans leur ego bafoué !Et un porc auquel on ose comparer un homme un peu grivois sans doute en a sa sexualité de suidé bouleversée ?
Quelle époque vit-on donc où on peut accorder crédit à des revendications aussi ridicules que radicales alors que des enfants meurent encore partout et que la pollution détruit la Nature et que les vraies épidémies sévissent ?
On aurait alors des mots à rallonges avec une kyrielle de points médians ? de mots bricolés? De mots supprimés parce qu'ils offensent tel ou tel groupuscule en mal de visibilité sur le web ? Et dans la vie n'ont-ils pas de moyen de se rendre visibles, utiles, actifs ? Il ne manque pas de causes qui manquent soit de bras, soit de fonds . Y compris les centres d'accueil de femmes battues ...
Soyons sérieux certes le français a des variantes il n'est pas monolithe, on ne parle pas tout à fait à Marseille comme à Bordeaux ou à Lille ni à 70 ans comme à 18. Ni comme au XVI° siècle mais il existe moins de différences grammaticales et lexicales entre un texte littéraire du début du XIX° siècle et du milieu du XX° qu'entre ce que j'écris ici et ce qui s'écrit sur certains blogs ou sites rédigés par des personnes nées au début de ce millénaire. Ce n'est plus une évolution, c'est une autre langue Où est notre langue commune -et non figée - , celle dans laquelle notre littérature reste écrite ? Celle que les étrangers apprennent (encore, pour le moment )Et si elle a été fixée tard (argument qu'on avance pour tout changement artificiel) c'est je le rappelle pour qu'on n'ait pas besoin d'un interprète pour se comprendre, pour unifier les habitants d'un territoire reconnu comme commun d'où qu'ils viennent, quel que soit leur milieu social et.. leur âge, leurs opinions, leur sexe . La langue est un outil de pensée pour tous, pas un territoire à conquérir pour quelque"bonne cause" que ce soit.
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