Le bonheur en lisière -Prologue
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 31/01/2021
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NB Je reproduis ici en plusieurs billets le long article que j'ai écrit sur mon parcours textile . Il dit l'essentiel de ce que j'ai vécu . J'ai commencé en 1982, ce n'est donc déjà pas pour moi un "loisir de retraitée " qui s'ennuie. Il complète l'index que j'ai achevé il ya quelques mois .
I-Prologue
. J'ai souvent eu l'impression que mon parcours en art textile était une suite de malentendus, voire de contretemps, signe d'une inadaptation foncière aussi à ce qu'il aurait fallu être et faire !
D'avoir vécu en lisière de la vie de ce qu'on nomme le "monde du patchwork et de l'art textile" où je ne suis ni inconnue, ni vraiment reconnue. Et très peu souvent comprise L'impression d'exercer le même art , mais avec un point de vue totalement marginal . Ce n'est pas volontaire; je ne peux absolument pas me contraindre à le vivre autrement .
Et c'est aussi en même temps, l'exercice d'un grand bonheur, d'une plénitude, parce que d'une grande liberté où précisément ce que je suis, ma nature, mon essence si on me permet ce mot, peuvent se développer . Je dirai même que ces malentendus, cet écart, ces hiatus ont été pour moi une chance, que je mesure : ils m'ont permis d'aller aussi loin que possible, dans ce que moi, je voulais créer. N'y voyez pas orgueil, ou alors, pas seulement, mais appel, vocation . Je n'ai jamais dit une seule fois que ce que je faisais était mieux que les travaux des autres, d'abord parce que je trouve cela stupide, ensuite parce que je n'y crois pas. Je crois en revanche, à la singularité de ce que je crée comme étant une œuvre particulière, témoignant de moi, et en ce qu'elle est aussi incluse dans une époque, un contexte inhérent aux arts qu'elle exerce , et soumise à des influences. Mais une influence n'est pas un formatage .
Une chance pour créer, mais un ostracisme pour être publiée et exposée . Là il vaut mieux nager dans le sens du courant et taire ses divergences . Je laisse le lecteur juge de voir si c'est justifié.
Parcours croisé forcément, avec le monde du patchwork, parfois au sens très étroit du terme et que je suis de très près, attentive à ses évolutions. et à la différence de beaucoup d'artistes traditionnelles , je ne me suis pas fermée à ses mutations, mais s'y ouvrir n'a jamais signifié pour moi faire autre chose que ce qu'un désir, une envie une force puissante m'incitait à Faire. Ainsi ai-je suivi mon évolution et non celle qu'il "fallait" suivre. On ne m'a pas vu abandonner la géométrie régulière sous la poussée de boutoir du destructuré dit contemporain, ni les tissus sous le bulldozer du mixed media déguisé en art textile, ni penser que la 3 D c'est mieux qu'une surface, plus " original" . Juste que tout cela est différent et que je n'avais rien à suivre qui ne s'intègre à mon propre parcours . Perméable mais pas influençable au point de perdre mon identité dans les tendances pour être sur un podium
Je livre mon expérience dans l'espoir de croiser des personnes dont le parcours est réellement proche. J'en sais quelques-unes et si les autres pouvaient sortir de l'anonymat et m'écrire je serais comblée. Non pas pour m'approuver forcément en tout ce que j'écris : mon expérience comme tout parcours est unique et comme tel subjectif. Je ne cherche pas des compliments , mais une réflexion sur notre art qui dépasse les querelles de personnes et de chapelles et surtout ne s'appuie pas sur les poncifs d'une pensée généreusement dispensée dans clubs, ateliers et revues. Les faits rapportés de l'histoire du patchwork, sont eux, incontournables. C'est bien comme cela que ça s'est passé et j'en ai les preuves dans les innombrables livres et revues que je lis, relis et médite. Et dans les relations que j'ai entretenues, parfois pendant de longues années et maintenant encore.
Aux yeux des pratiquantes, je "fais" du patchwork traditionnel et à côté de l'art textile contemporain . Le regard des spécialistes en art, quand d'aventure il se pose sur moi ce qui est déjà un bien grand honneur, est sensiblement différent, car ils n'ont pas été formatés revues, clubs de patchwork et n'ont pas grand chose à faire avec les clivages nés dans notre petite sphère. Et je peux vous dire: la plupart s'en moquent bien du "traditionnel", du "contemporain" et de "l'art textile " , ils regardent comme dans un autre art : la composition, la texture, ce qui en émane (ou pas). Certains entrent et d'autres restent à la porte. Certains hommes notamment, dès qu'ils voient des fils et des tissus, s'écartent de la couture comme s'ils risquaient rien qu'en la regardant, a fortiori en admirant , de perdre leur virilité, et certaines femmes féministes autrement que je ne le suis, tiennent l'aiguille pour un signe de servage ...Nobody is perfect.
A ne pas lire donc comme un xième récit des malheurs de l'auteur en patchwork ...je suis pas malheureuse dans mon art, mille fois non .Je suis souvent en colère, en révolte, en position militante , car j'aimerais tellement changer le "regard sur", d'autant que je sais que c'est possible, pour y être parvenue quelquefois.
Je suis bien dans mon œuvre , où je n'ai surtout pas voulu faire carrière parce qu'à travers elle, j'ai visité tant de "mondes" imaginaires et ce n'est pas terminé, jusqu'à mon dernier jour je rêverai la vie en tissus, en fils, et en formes de couleurs à toucher ...
L'histoire du patchwork-assemblage de tissus variés- tel qu'il s'est répandu -essentiellement comme loisir dit créatif en France à partir des années 80 mais tentant de devenir un art en éliminant ce qui avait fait jusqu'alors son essence , est inconnue de celles qui l'abordent aujourd'hui et plus encore du public et ne disons rien du monde de l'art officiel dont il est d'office exclu.
Je voudrais souligner en quoi je ne me suis pas sentie adhérer à pas mal d'opinions tellement répandues qu'elles vaudraient " vérité" et de pratiques . Et plus j'ai approfondi ma connaissance des arts textiles et du patchwork, et celles des arts tout court aussi, plus je me sentais dissidente par rapport à une attitude générale et un discours officiel véhiculé par les "grandes , entendons par là les "dominantes" officielles du moment. Jusqu'à me demander si nous parlions du même art , parfois ! ce n'est pas un réglement de compte mais une tentative de démythification et aussi de démystification : je sais trop comment certaines réputations se sont faites et se font.
Pour parler musique : je préfère être la tonique que la dominante, en cette mélodie parfois grinçante.
Je voudrais retracer ici ce double parcours, le mien et celui de ce que je nomme la "corporation" .Je le voudrais aussi parce que le patchwork reste largement ignoré en France, et que les personnes qui l'exercent en loisir de divertissement en donnent une image faussée. Majoritaire, mais faussée aux yeux du grand public.
On me reprochera la longueur, je le sais, mais on ne peut aborder un sujet complexe en quatre phrases et deux photos . Il ne s'agit pas ici non plus de séduire ou complaire, mais de témoigner d'une expérience. J'ai espoir qu'il existe au monde un lecteur capable de lire tout sans se lasser.
(à suivre)
Réflexion-débat-questionnement présentation ouvrages statut du patchwork en France-
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