Le rêve d 'Emile Zola : accompagnement textile
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 09/01/2025
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Lorsque sur Facebook dans le groupe Etoffes d'histoire créé par Marie-Claude Peyre, un projet fut lancé, celui de prendre un livre comme fondement d'un ouvrage textile, je me suis sentie concernée. Je me suis donc inscrite.
J'ai pensé tout de suite au Rêve d'Emile Zola, ce roman, écrit après la Terre. L'auteur affirme dans ses notes avoir voulu faire un livre "qu'on n'attendait pas de lui''. Souvent considéré comme une oeuvre mineure dans les Rougon Macquart, qualifié de "conte bleu" ...Je dirai plutôt de conte en blanc et or!
Ce texte, je l'avais découvert à 12 ans ; c'était le seul Zola qui nous fût permis; et à 12 ans j'aimais déjà broder. Je dois dire que j'ai été d'emblée fascinée par ce personnage de la jeune Angélique, enfant trouvée et brodeuse "inspirée" . Elle m'évoquait un peu la petite fille de neige d'un autre conte que j'avais aimé à sept ans qui, elle, s'évapore dans le feu de la saint Jean. et que j'illustrerai peut-être!
Zola décrit notamment sa virtuosité technique mais aussi la manière dont elle rend vivantes ses oeuvres (et ça c'est resté mon rêve à moi, non la virtuosité mais le fait d'animer ce qu'on crée d'un souffle vital !). Et je relisais et relisais les descriptions de l'or nué (empruntées à Saint-Aubin) . Je précise je n'ai jamais fait de vraie broderie d'or . Ici on décrit un artisanat d'art très exigeant exercé surtout dans le domaine religieux. Hubert le père adoptif d'Angélique est chasublier et sa maison est blottie dans l'ombre de la cathédrale . La foi d'Angélique nous dit Zola est celle c'une chrétienne primitive. La lecture de La légende dorée de Voragine n'y est pas pour rien.
Je n'ai pas essayé de faire des illustrations figuratives collant au texte ni de faire des broderies à la façon d'Angélique (j'en suis incapable) mais j'ai délégué aux tissus et aux fils le soin de rendre ce que je voulais souligner. J'ai sélectionné des moments textiles du roman. Je me suis laissé porter par les couleurs : le blanc de la neige, des tissus qu'affectionne Angélique celui de la lessive où Félicien fait son aveu , le blanc de la chambre qui la retient au moment de s'enfuir ...Cette "ombre blanche" qu'elle dit voir s'envoler le matin près d'elle à son éveil ...
L'or bien sûr omniprésent dans son travail et symbole du Rêve de noblesse et d'élévation sociale autant que spirituelle .S'y ajoutent le bleu du ciel, le vert du printemps les églantines de l'espoir ...
J'ai voulu aussi que le texte qui m'avait inspiré la page textile soit résent. Pour la beauté dudit texte, déjà . Mais ne pouvant le broder si fin je l'ai écrit à l'encre vieil or. Travail en double page donc. Un ruban sur la page de texte annonce le thème de la page "tableau".
Pour la première de couverture j'ai utilisé un velours d'époque et une broderie d'or authentique donc un peu ternie (l'or c'était du cuivre le plus souvent car le vrai or lui ne ternit pas ) . Je voulais un côté "livre ancien" un peu comme ce livre de la légende dorée qu' Angélique découvre .
La premiere double page concerne l'enfant tombée au portail d'une cathédrale fictive sous la protection des saintes (dont sainte Agnès dont la figure domine le récit) et vêtue de loques. J'ai rendu ce dénuement extrême des haillons par des filaments de chanvre auquel j'ai ajouté l'or des cheveux.
J'ai sélectionné ensuite le passage où Angélique plante un églantier Et ne doute pas que sans greffe il donnera des roses . Brodeuse débutante j'ai exécuté quelques d'églantines sur des napperons, et c'est un de ces dessins gardés des hebdomadaires des années 60 qui présidèrent à mon humble apprentissage "amateur" que j'ai élue, mais je l'ai brodée non en coton mais en soie (ce qui pour moi symbolise ce passage de l'apprentissage à celui où je fus créatrice pour une revue de broderie). Elle est présente sur la robe d'Angélique. Et pour son visage quoi de mieux qu'une rose (la même que celle qui symbolise quelques pages plus loin sa robe de mariée ).
La double page suivante est eminemment textile puisque c'est celle où Zola décrit ce monde de somptuosité des étoffes dans lesquelles Angélique vit et qu'elle brode , avec une explication des couleurs rituelles pour les chasubles .
La quatrième page s'inspire du passage où la jeune flle explique à Félicien son amour du blanc (par lassitude aussi du trop de couleurs )et son secret celui de se croire accompagnée de l'envolée blanche d'une sainte, à son réveil. Cet amour du blanc je le partage (mais je n'ai non plus été brodeuse pro de blanc !). Comme Angélique j'ai des tiroirs pleins de textiles blancs, mais pas que de la soie, beaucoup de mouchoirs, de fragments de dentelle de diverses broderie ajourées. ...
La double page suivante est consacrée à la broderie de la mitre consacrée à Sainte Agnès en or nué d'or . Evidemment pas question de tenter d'égaler ce talent hors du commun !!! J'ai joué sur la ressemblance notée par Zola entre Angélique et Agnès, voulue par Félicien auteur du "carton" de la broderie . Une dentelle dorée et quelques fils couchés (comme dans l'or nué, mais dee façon moins élaborée ) ont bâti ce profil de brodeuse. Car d'une brodeuse on ne voit que le profil , lorsqu'elle travaille .
J'ai un peu escamoté l'histoire d'amour, mais elle revient dans cette page où Angélique retrouve un instant force pour fuir avec Félicien et donc vivre dans le péché ... elle est retenue par la rose inachevée d'un bouquet qu'elle réalise dans sa chambre ... et qui la rappelle à son devoir.
La dernière page évoque le mariage et sa somptuosité là encore pas question de figurer réalistement. Pour moi ce sont les tissus qui disent tout . : l'apothéose d'un mariage, la cathédrale et les grandes orgues alors même qu'Angélique s'évapore dans la blancheur de sa robe.
La quatrième de couverture :
J'ai relié par des fils d'or recouverts d'un ruban résille d'or. Quoi de plus adéquat pour contenir un Rêve ?
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