oeuvre souterraine- 2 : l'écriture
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 23/11/2017
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NB : si ça paraît trop long pour être lu sur écran,et que vous êtes intéressés, imprimez-le, et sinon ce n'est pas la peine que je fasse plus court :-)
Les débuts
Il est difficile de se rappeler de ses tout premiers textes . Pour moi je suis quasi certaine que pour les poèmes, ce furent ceux que j'écrivais sur des feuilles reliées par un ruban de bolduc , et que je pense avoir jetées récemment , à moins que je ne les ai égarées dans mon "foutoir existentiel" .
Poèmes écrits par amour pour un copain de ma grande soeur à qui j'offrais des violettes, parce qu'il avait dit les aimer.:
Précisant toutefois "une femme (sic!) ne devrait pas faire ce que j'ai fait / mais pour toi qui les aime(sic) , je veux te les offrir.et puis plus loin : "je te les ai données alors pour ton sourire."
De fait, le sourire méritait sans doute d'être gardé en mémoire plus que les vers.
N'est pas Rimbaud qui veut ( on comprendra que j'ai jeté ! ).
Mais aussi déjà cet amour des fleurs ( je sais que c'est banal ) et de la nature qui m'entourait . Un goût déjà pour la synesthésie. De ce recueil un vers me revient :
"Je savourais le fruit en respirant la fleur , souvenir d'un jour chaud où je dégustais une pêche en contemplant une rose d'un rouge foncé du jardin de mon père.
Et puis vers mes dix-sept ans, il y a eu ce poème dont j'ai senti en l'écrivant qu'il n'était pas comme les autres. Je ne veux pas dire qu'il était meilleur (ce n'est pas à moi d'en juger) mais je sentais qu'il venait d'ailleurs, de ce que j'appelle mes "sources profondes". Ce qui souvent fait sourire. Pourtant c'est bien ainsi que je ressens ce qu'on pourrait appeler "inspiration".
J’aime
Les balbutiements des aurores enflammées
Le déchirement des firmaments ailés
Le souffle du vent qui alanguit la mer
Le vie qui s ‘agrippe à tout cet univers
Et le pardon déçu et l’amour qui revient
Le ciel trop pur des froides matinées
Le grondant tumulte de l’éclair jaillissant
Le trille de l’oiseau dans le vent parfumé
Le roseau qui se plie sous le lourd ciel plombé
Et l’amour qui surgit au cœur d’un noir sillon
Entre deux fleurs d’or qu’on nomme papillons
Le désir qui monte avec la fumée
Les écailles d’or du velours de minuit.
Ce n'est pourtant pas le premier du carnet vert, ce carnet que j'ai conservé et où j'ai recopié mes poèmes entre 1966 et 1972.
Le Carnet vert contient trois parties : les Aurores , Lignes Brisées et Les Vies parallèles qu'on peut lire en entier sur ce lien.
Il contient aussi un texte plus long intitulé L'anti-Pénélope et qui eut un petit succès dans la revue où je publiais alors. Les autres poèmes sont conservées sur des feuilles volantes, dans un classeur.
Faisons une parenthèse sur ces premières publications. Mes premiers textes ont paru dans la revue Les Coulisses des comédiens d'Aquitaine sous le pseudonyme de Lise Alexandre que j'aurais conservé, si je n'avais décidé dans les années 2000 de relier textes et textiles et dans l'art textile j'étais connue, même si ce n'est qu'un peu ... sous mon nom marital que j'ai donc conservé.
Ensuite à la fac dans les années 70, un ami me parla d'une revue intitulée Eurêka, une revue dirigée par Jean Laplace auteur Des guignes au vitriol (entre autres) et tirée sur une machine à alcool. Les personnes de mon âge ont sûrement en mémoire les caractères violets un peu empâtés qu'on obtenait par ce moyen et l'odeur ! J'aimais bien cette revue qui avait l'avantage de publier des "retours" de lecteurs. Je dois dire, je ne faisais pas partie de ce qu'on nomme les "auteurs -phare" , mais quelques personnes m'appréciaient et me suivaient (un avant goût de Facebook ). D'autres en revanche, déjà, me jugeaient "trop classique" , trop "banale". Reproche qui m'a collé aux basques ma vie durant et contre lequel, pourtant j'ai bâti mon oeuvre, à ma manière, ne m'en laissant imposer ni par les avant-gardes ni par les arrière-gardes et m'attirant d'emblée les critiques des deux.
A cette époque aussi , je fus membre de ce qu'on appelait la BOND la bibliothèque des auteurs non diffusés où on pouvait déposer ses manuscrits (elle était sise à Nantes ).
Il faut expliquer que la mode était alors en littérature, à tout autre chose on déconstruisait le langage à la dynamite, on explorait, on jargonnait aussi pas mal, et si ce travail dit d'avant -garde m'intéressait ntellectuellement, ce n'était pas ma manière, à moi. Il à noter que je me suis heurtée au même problème quelques décennies plus tard, en art textile tant les novateurs aiment hélas dévaloriser et exclure tout ce qui ne se laisse pas imposer de nouvelles lois esthétiques. .Et comme les très conservateurs, eux, écrivaient souvent en versification classique des poésies de circonstance, je n'avais une fois de plus ma place nulle part. Sauf celle que je me faisais, à l'écart. Mes petites mélodies douces n'intéressaient personne ou très peu de monde, on n'y voyait que du sentimental féminin rebattu. C'est possible que cela en fût. Mais comme toujours je suivais mes voix-voies. Je n'écris pas pour plaire ni pour suivre des mouvements littéraires. J'écris pour exprimer ce qui chante en moi, de cette façon-là .
J'ajoute que je n'ai à cette époque jamais proposé mes textes à un éditeur, mais j'ai participé, vers mes vingt ans , à un prix de poésie dont le but essentiel était l'arnaque au compte d'auteur abusif : il y avait un lauréat, mais tous les autres recevaient la lettre disant qu'on avait remarqué la qualité de leur style et on leur proposait de les publier moyennant finances et sans diffusion réelle. Il est à noter que si jeune que je fusse, j'étais peu encline à la vanité d'auteur ( du moins pas celle-là ! ) et cela m'épargna bien des déboires.
Ce fut à la fin de cette période que j'écrivis les poèmes courts de Trames et les poèmes longs de Chaînes, avec lesquels j'ai construit ensuite les poèmes tissés Tramatiques qu'on peut voir sur ce lien
Et puis en 1974 le départ dans le Nord, le métier - qui était dur, en banlieue de Denain - l'amour, le mariage. J'ai écrit un dernier recueil Décadences en 1975-76 . J'avais dans mon collège alors quelques relations avec une ou deux collègues qui écrivaient aussi, nous échangions beaucoup.
J'avais écrit aussi pas mal de dialogues de théâtre il faut dire pendant toute une période de ma vie, poésie et théâtre m'intéressaient beaucoup plus que ce qu'on nomme roman. Donc j'avais écrit un certain nombre de dialogues (dont cet anti Pénélope évoqué ci-dessus ) et un autre texte intitulé Monologue à deux voix qui est sans doute un de ceux que j'ai eu raison de conserver. Le reste est parti à la poubelle . A cette époque j'ai suivi un cours de théâtre à l'université et par l'intermédiaire d'une amie, vu travailler à Bordeaux une troupe d'avant-garde. Je vis aussi à cette époque, l'Electre de Sophocle jouée, en grec ancien, par le théâtre de la Mama (troupe new yorkaise). J'en ai toujours un très mauvais enregistrement quelque part, je ne sais s'il est audible encore. Je rédigeais un mémoire (quasi une thèse me dirent mes professeurs d'alors!) sur les personnages de vieillards dans l'oeuvre du dramaturge.
C'est à cette époque que j'ai rédigé Oléis le premier texte des Mythologies intérieures sous forme de dialogue, une de mes collègues et lectrice m'a conseillé d'en faire un récit . Il en fut de même pour ce texte intitulé Dymion qui a été classé ensuite à part. Oléis peut se lire comme un manifeste féministe mais aussi humaniste . L'humain pour moi prime le sexe ou le genre et je me conduis en humaine avant de penser que je suis une femme. C'est parce que je ne crois pas qu'on puisse avancer sur des fossés qu'on creuse entre sexes, des guéguerres , une agressivité permanente. Cela dit on sait combien je me bats pour que les activités attribuées -à tort- aux femmes et où elles excellent soient vues d'un autre oeil plutôt que d'imiter les hommes et souvent dans leur idée de la force (d'où une revalorisation de ce que je nomme "la force" des femmes : fermeté, douceur, endurance et dont les hommes estimables ne sont pas exempts! ). Tout est déjà dans ce premier texte. Dymion lui a été écrit d'abord en réaction à mon voyage dans la Grèce des colonels en 1971 .
Mais ce n'est que bien plus tard au début des années 2000 que je reprendrai tout cela.
(à suivre, si on le veut bien )
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