Impressions , motifs, langage : une autre lecture des patchworks-quilts
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 27/08/2019
- Dans opinions
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Etant classés objets décoratifs -utilitaires les patchworks ou quilts géométriques à base de motifs réguliers sont rarement analysés pour ce qu'ils sont d'autre ! C'est à dire des surfaces dans un art particulier, qui pourrait s'étudier -si toutefois l'art d'assortir les étoffes imprimées n'était pas, précisément évincé des recensions de la sorte puique non-art aux yeux de la plupart (occupe doigts, loisir, hobby etc .).
Je voudrais évoquer ici une élaboration qui n'est pas de "couture" ni de divertissement pour passer le temps. Mais un travail spécifique à un art.
Au départ donc une composition
Cette composition je l'ai souvent préférée géométrique, justement pour permettre d'autres lectures. Un foisonnement dans un foisonnement ça se remarque mal tandis qu'un foisonnement dans une structure stricte parle tout autrement. C'est donc un choix d'expression personnelle, non un choix "pour faire du traditionnel" .
Il y a un premier jeu de lignes et de bâti . J'aimerais qu'on le regarde comme un plan d'architecte ; par exemple le carré de base nommé "bloc" peut se modifier par ajout ou suppression de lignes , se déformer, être utilisé avec des tailles différentes , être associé à un ou plusieurs autres, étiré, inclus dans un cercle, un cadre , disposé sur la pointe ... Par exemple je peux partir de ce "bloc" qui ,on l'accordera est simplissime , c'est juste un point de départ :
Avec ce bloc j'ai construit ce plan -ce qui est déjà, j'espère qu'on me l'accordera, un travail personnel, non négligeable et d'autant moins qu' à ce stade on le pense déjà parfois et en couleurs et en textile et en faisabilité "couturière" :car tout cela devra être mis en oeuvre pour obtenir ce qu'on appelle un patchwork ou un quilt (si c'est matelassé )
Mais très exactement avec le même point de départ , j'aurais pu tout aussi composer ainsi et je vous épargne les dizaines d'autres possibilités .
Ce plan en lui-même n'est évidemment qu'un guide, une structure, une armature .Ce n'est pas un art textile en lui même on pourrait très bien le peindre ou faire une mosaïque un vitrail ou une marqueterie. Ou du papier collé. Cela reste toutefois un travail personnel.
Il va falloir ensuite le faire vivre en'étoffes. Je dis faire vivre pas colorier.C'est vraiment tout autre chose.
Revenons donc à ce qu'est le patchwork depuis ses origines quand il est textile . Il est assemblage de tissus différents.Il a toujours eu ces deux valences quasi contradictoires : celle de récupérer des étoffes pour les réutiliser à une époque où le tissu coûtait très cher =, l'autre étant au contraire de montrer la richesse ( "je suis riche puisque je peux m'offrir plusieurs étoffes souvent précieuses pour faire mon vêtement.) .
Ambivalence sur laquelle déjà on n'a guère réfléchi , le côté récupération étant tendance actuellement pour faire à la fois "arte povera" et ecolo . En réalité une grande majorité de quilts est aujourd'hui faite avec des tissus spécifiques spécialement "créés pour l'usage", l'aspect commercial par derrière n'est pas négligeable, mais c'est surtout l'idée de "lavabalité" et de facilité à ajuster les montages délicats de cet art . Il existe maints designers qui créent des gammes en fonction des kits ou modèles qu'ils vendront et qui seront imités à x exemplaires ce qui n'aide evidemment pas à un regard sur la création originale de celles qui ne font pas ainsi et ont des tissus assemblés un tout autre abord. Ce qui est mon cas .
On peut user de tissus unis et dans ce cas , cette architecture simple et les couleurs qui vont parler- . J'ai une grande admiration pour les quilts gallois, Amish et ceux des Modern quilts unis, simples sans tomber dans le simplisme ou le procédé.
Mais pour moi dans ces quilts si le graphisme du plan et couleurs et valeurs parlent, le tissu se tait ou presque ; en papier on aurait quasi exactement le même effet . On en voit tout juste le tissage souvent discret comme dans tous les calicots fins "spécifiques" ou les lainages fins. Sur ces quilts qui en sont à proprement parler (quilter veut dire matelasser) c'est les motifs de matelassage qui jouent le rôle de seconde lecture graphique .
J'ai rarement travaillé avec des unis seuls, sauf quand ils comportaient une texture particulière dentelles par exemple la texture offrant des touchers différents , et des dessins visibles comme par exemple dans ce patchwork dentelles décalées où la variété des textures a remplacé celle des motifs. La lecture de ces 'signes" tissés reste cependant plus tactile et moins visuelle que dans l'usage des imprimés .
Quand y ajoute les motifs sur les étoffes on choisit ses étoffes comme une sorte de vocabulaire . Les motifs m'ont toujpurs fascinée , quels qu'ils soient. Sans me soucier des règles du bon goût ni de l'esthétique souvent enseignée justement dans un but décoratif, je les ai toujours élus par rapport à que moi je voyais et voulais signifier avec eux . Sans me soucier du reproche de 'trop chargé" qui évidemment n'a pas manqué de m'être fait . Mais une forêt n'a jamais trop d'arbres, un jardin trop de plantes et un texte trop de mots .Donc mes surfaces n'ont pas pour moi "trop de tissus, tropd de motifs trop de couleurs".
De plus j'aurais trouvé ennuyeux d'assembler vingt fois le même carré avec le même tissu au même endroit ou un tissu analogue, ce que je voulais c'était justement que ces motifs contruisent quelquee chose,de particulier qui corresponde à une vision en moi . En plus des couleurs et valeurs (on me dit bonne coloriste cependant) mais la couleur pure sans cette forêt de signes, ça ne m'allait guère.
Pour montrer qu'on pourrait lire les quilts ainsi aussi j'ai donc passé certains détails en image numérique façon "sketch" . On voit bien que le plan initial seul ne parle pas , et que même en l'absence des couleurs les motifs eux tracent tout un réseau de codes, de correspondance sans eux mes quilts seraient des quilts mais ce ne serait pas ma voix ni ma voie c'est eux qui la portent et c'est aussi ce qui différencie le plus mon art le patchwork des autres arts de mosaïque et evidemment de la peinture . Il faut que ce soit lisible de près et de loin il faut que chaque découpe puisse se lire comme une page. C'est ce que je veux, c'est ce vers quoi je tends. Pas vers un joli travail avec de jolies couleurs .
Ici le choix de Guillaume dont le plan a été tracé par mon second fils quand il avait huit ans , vu sous cet aspect(en couleurs il est dans l'index)
ou encore ce Feuilles en folies :
Là les motifs de feuilles et branches imprmées créent des motifs secondaires en écho aux feuilles "géométriques" et si on regarde attentivement on verra que les lignes de matelassage réalisé par Simone Struss ajoutent cet effet de tourbillon de vent que j'avais souhaité .
Il est donc pour moi ou plus exactement il serait important pour moi (et sans doute quelques autres) qu'on apprenne à regarder cet art méconnu pour ce qu'il est : un art où les tissus jouent de tous leurs atouts , l'impression des motifs en étant une et non négligeable ; surtout quand on essaie d'harmoniser une variété considérable de motifs en plus des couleurs et nuances . Avant de dire : c'est facile, essayez!
Car évidemment tout cela va jouer ensemble : le choix du plan initial , le choix des textures -s'il est signifiant, les couleurs, les valeurs (qui sont ce qu'on regarde le plus forcément) et mes chers motifs et leurs combinaisons, les oubliés de l'histoire.
statut du patchwork en France- Réflexion-débat-questionnement
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