Poésie -réflexion -1

Il est rare que je m'exprime au sujet de la poésie, pour la raison simple que la littérature croule depuis le début des temps sous gloses, commentaires et théories , histoires dignes de ce nom , études, chroniques ,  critiques , tandis que l'art textile tel que je le conçois  a certes au mieux des historiens, mais aucune analyse comparable en tant qu’objet d'art et de création. C'est pourquoi j'en parle davantage .         .
Cependant je publie ce texte pour les personnes qui, sait-on jamais tout comme moi , auraient un intérêt et des valences multiples . A voir le nombre de sites ou publications  reliant textes et textiles créés après le mien, je pense que je ne suis certainement pas seule à m'interroger sur ces sujets .
Pour mon parcours en écriture indépendamment de l'art textile je renvoie sur l'article bibliographie .

Bien sûr ce que j'écris  ici n'a d'autre autorité que celle de mon expérience  (j'ai quand même fait des études de Lettres  mais je n'ai pas arrêté de lire et de découvrir  une fois quittée l'Université ). Les livres - surtout de poésie- font partie  tout autant que les tissus de mon univers quotidien. donc à lire si vous le voulez  bien ... comme un témoignage .

 

Je n’ai pas l’âme à théoriser et encore moins à ériger ma pratique personnelle (mes expériences multiples !) au rang de dogmes à suivre. Même pas de « conseils » . Les conseils ne peuvent porter, à mon sens, que sur la partie technique de l’œuvre et une technique détachée de la vie intérieure a pour moi quelque  chose d’un peu desséché, momifié. Voire sclérosé.

L’émotion d’abord, au sens de ce qui met l’âme  en mouvement jusqu’à bouleverser dans le meilleur des cas, celle de celui qui crée, comme celle de celui qui regarde,écoute ou lit  .

J’ai fait l’école pour gagner ma vie en tant que professeur. J’ai dû bien évidemment transmettre  méthodes et savoir-faire, je m’efforçais toujours de ne pas en imposer une unique, la seule, la bonne, la vraie.

 Dans le domaine de la création, je n’ai aucun « dogme »  à transmettre, je ne veux pas « faire école ». Je rejette (à tort ou à raison)  les systèmes avec maîtres et disciples, du moins un maître unique qui formate parfois des clones ou des imitateurs qui le confortent dans l’idée qu’il détient la Vérité sur son art, non . Cela ne me va pas, même si je reconnais humblement tout ce que je dois aux créations des autres . Ils ne sont pas mes maîtres :  ils sont mes parents nourriciers ! Je choisis d’en "manger" ou pas . La différence est pour moi capitale ; je n’ai rien d’un mouton bêlant ni d’un esclave soumis ! Ma  responsabilité partout est dans mon pouvoir de choisir, de décider par moi-même et d’écarter ce qui ne va pas avec ce que  je sens d’impérieux et de nécessaire  en moi qui veut se dire et se faire selon mes modes pas  forcément celles des autres ; orgueil peut-être si on me comprend mal . Force contre laquelle moi-même je ne puis lutter . Celui qui a toujours  besoin des idées -béquilles des autres pour s’exprimer ne peut absolument  pas entrer dans ce que je dis :  j’ai besoin des idées et des œuvres  des autres pour m’en nourrir,  les digérer. Voir du côté de ce que les humanistes appelaient l’innutrition,  qui n’est pas l’imitation .

 Au point de ma vie où je suis, disons le tout net : je me fous des juges dogmatiques qui cherchent des thuriféraires pour leur ressembler  et les cloner -voir se faire de l‘argent avec ça- ça ne m’intéresse pas .  Avoir mille « followers » non plus . Quelques regards attentifs me suffisent . Ils ont bien plus de prix à mes yeux . Je serais embarrassée aussi des disciples béats souvent sincères il est vrai , mais l’admiration de cette sorte me gênerait  : je ne me sentirais  pas la mériter..  Ces petits jeux-là de vanité humaine, j’y suis définitivement réfractaire. A cela je préfère de beaucoup le partage entre deux êtres libres qui respectent chacun leurs propres cheminements, et s’enrichissent autant de ce qui les joint, que de ce qui les dissocie ; et ce partage-là, j’ai eu le bonheur de le trouver plusieurs fois dans ma vie , c’est une chance que je goûte . Il est, pour moi,  dans une relation duelle, pas dans le groupe .  Définitivement pas .

. Que ça choque, je le conçois , c’est que je ne  place pas l’humilité face à l’acte de création dans l’obédience aux reconnus par la société et les académismes divers . Ma liberté est là aussi . Celle de me tromper aussi, je l‘admets mais la plus grande erreur serait de me forcer à être autre que je ne suis . Un  « je » tout habité de milliers d’autres, je précise .Et toujours en accueil de ce qu’ils sont.

Le seul conseil valable que je pourrais donner : être toujours sincère c'est-à-dire authentique. Fidèle à cette émotion ou vision première, et sachant que cette fidélité n’est nullement stagnation car cette émotion fluctue, varie, vibre . Se méfier des procédés qui deviennent comme des outils de production, non de création .

 Cette émotion, cette vision que j’évoquais ,  il faut la saisir sans trop la figer faire de la vie avec l’inerte des mots et en ce qui me concerne des étoffes et aussi, via la création numérique des formes, des couleurs aussi, détachées de tout autre support que l’écran .

Pour moi j’ai conscience que tout ce que  je fais vient de là . De ces émotions , de ces visions. Quand je parle d’intérieur je ne veux surtout pas dire regarder son nombril. Ce  « je » qui s’exprime est un je imprégné chaque  jour et depuis des années de ce que font, sont, vivent  et créent beaucoup d’autres . C’est un  « je » creuset où mes émerveillements et mes rejets parfois,  aussi bouillonnent .  Je ne suis pas une tiède, mais une passionnée . Mes peurs, mes extases, mes colères , mes  apaisements . Mais aussi ceux que j’ai ressentis via l’œuvre (ou la vie) des autres.  Ce travail-là, d’observation en soi et hors de soi me semble primordial ; je regrette que l’introspection, la réflexion sur ce qui se déroule en nous soit assimilée à du nombrilisme, de l’autisme , narcissisme etc  et j’en passe . Si on s’est fait tamis c’est ayant recueilli auparavant tant d’êtres, d’histoires de vie , de spectacles, de moments, de petites « choses » et de plus grandes.

Un auteur de chanson écrit « c’est moi que j’aime à travers vous » moi je dirai « c’est de vous que je parle à travers moi » et même « c’est vous qui parlez à travers moi » . Ce que je crée, tout ce que je crée,  n’a d’intérêt qu’en ce qu’il vous rencontre, connu ou inconnu.

 

 

Poeme 2 le carnet vert où j'ai écrit de 1967 à 72 mes premières poésies .

 

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