Valeurs

Histoire de valeurs
C’est en étudiant l’histoire de l’art textile que cette idée m’est venue.
Tout le monde l’a constaté et des plus savants que moi un art qui émane essentiellement des femmes –et parfois du peuple (les deux c’est une double peine !) - ne peut être prestigieux,, réellement reconnu. On lui concède cependant des qualités ; lesquelles sont liées toujours à une vision de la féminité bien rangée à la place qu’on lui attribue : soin , patience, jolie décoration, manifestation d’amour envers les siens, souci d’économie (ne rien gaspiller).
Toutes vertus qui sous la déferlante du féminisme ont été contestées. Justement, s’il s’agit d’y enfermer les femmes et de borner leur rôle dans la société à ces seules valences. Injustement s’il s’agit de dévaloriser ce qui aurait dû rester des valeurs et ce, détachées du genre de qui crée ou conçoit .

Donc dans cet art textile tel que je l’ai vécu et le vis encore , je vois les hommages et les plus grandes reconnaissances à aller soit aux hommes qui sanctifiant automatiquement ce qu’ils touchent (grands brodeurs, grands couturiers )ont plus d’aval que la créatrice restée anonyme ou oeuvrant à faire des « modèles pour les autres » en petit en somme, soit aux femmes qui imitent les hommes et ont l'honneur d'être aux Beaux-arts. C'est à dire dans un système hiérarchique patriarcal accepté dont le reste est exclu ou toléré avec condescendance, sauf retour d'une mode .
Or si on considère les œuvres en les détachant du genre de la personne –en les regardant pour ce qu’elles sont et non selon qui les a créées- on s’apercevrait à quel point c’est injuste.
Mon site comporte maints articles qui le démontrent (et ce n'est pas fini !)
Le même phénomène existe aussi en peinture, mais moins accentué car la peinture reste le plus souvent connotée Beaux-arts et non domestique , sauf si le peintre homme ou femme a le malheur de pas user d’un support « noble » comme toile et châssis. La même chose sur une porte d’armoire pfft c’est dévalué .et là la valeur ne tient pas à l’œuvre mais au support et à l’usage (on voit bien que c’est aussi absurde que ridicule, mais c’est)
Soit en imitant les arts définis comme majeurs sculpture et non surface, usage de matériaux comme fil de fer etc qui masculinisent la divine souplesse du tissu (à laquelle moi j’ai la faiblesse de tenir : roseau contre chêne et même contre chaînes , horizontalité souple et non forcément molle et faible contre érection ) ou plus exactement :" à côté de", n’étant ni plus, ni moins mais questionnant ces critères d'évaluation admis.
Au-delà, j’ai réfléchi aussi à cette phrase de la sociologue Evelyne Sullerot : “quand une tâche se féminise elle se dévalorise ,quand elle se dévalorise elle se féminise »
Qui reste malheureusement encore vraie trop souvent.
Et pour que cela change, il faudrait sinon inverser un système de valeurs du moins déplacer la valeur vers l’acte, le fait, la réalisation et non vers l’origine de cette même réalisation. L’essence pas l'emballage, la présentation, le milieu social, le sexe, l'âge qui sont à l’oeuvre et l’acte critères secondaires passant pour primordiaux .


J’en suis venue à l’idée qu’on prenait les choses à l’envers et qu’ayant échoué à revaloriser les subalternes, les obscurs et les sans grades, si on essayait de valoriser la tâche en elle-même, de la regarder autrement que comme négligeable, inférieure, méprisable parce qu’exercée par des subalternes, des catégories jugées inférieures en tout cas.
C’est une logique de castes et nous avons nos « intouchables", partout.
Prenez les fonctions de nettoyage et d’hygiène pourtant éminemment utiles à tous. Et quand je dis utile, on pourrait comptabiliser combien de vies sauvées …Eh bien le mépris qui les entoure rejaillit sur ceux et surtout celles qui les exercent soupçonnés de ne « pas savoir faire autre chose » que ces choses que tout le monde saurait faire, alors .
Ce qui est faux, parfaitement, faux . Il existe pour tout activité une compétence à la réaliser et même une excellence
Qu’on me comprenne bien : je ne suis pas relativiste extrémiste et j‘entends bien qu’un chercheur qui fait des études difficiles que très peu sont capables de faire et comprend ce que jamais malgré mes efforts désespérés je ne saurais comprendre ne soit pas à mettre sur le même plan qu’un génie du passage de la serpillière.(que je ne suis pas non plus !)
N’empêche que les deux ont leur utilité, les deux ont droit au respect de leur compétence (et sinon le monde serait un cloaque !) .
Entre une démagogie qui consiste à dire que tout se vaut et un juste regard sur le : « toute compétence en quelque domaine que ce soit, utile aux hommes, est à valoriser », il me semble qu’il y a voie à réflexion.
Or, on en est très loin, très loin .
On pourrait au moins ne pas mépriser les tâches , peut-être lors le regard sur les personnes qui les exerce changerait .
ça on ne l’a pas vraiment essayé . Un : “OK c’est chiant ,OK on n’aurait pas envie de le faire mais aussi un “ OK bravo à ceux et celles qui le font bien” (avant que des robots le fassent partout – ce qui reste à discuter aussi coût, pollution de ces machines ? )
Juste mes petites idées de Madame Toutlemonde comme ça.
(article publié sur  Facebook)
 

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