Jeux d'étoffes : Jardins et mondes végétaux

NB Suite des textes de présentation  du livre publié en 2010 . depuis il ya eu beaucoup d'ajouts côtés floraux dont la botanique alternative , et quelques autres jardins en surfaces textiles, broderies aussi . On peut voir dans l'index  notamment lettre J . Fleurs imprimées, fleurs brodées fleurs dessinées .  Et je suis toujours jardinière. Tant que je peux physiquement, je le serai.

Les tissus à motifs floraux ou végétaux sont presque toujours, dans une collection d’étoffes ou de papier peint, les plus nombreux. La mienne en comporte plusieurs centaines.

La fleur est par essence ce qui sert à décorer et à parer. Elle porte aussi nombre de symboles, dont je ne ferai pas ici le catalogue, tant ils sont connus de tous.

 Ces motifs laissent rarement indifférents, attirants invinciblement pour les unes, ils sont pour les autres la marque-même du banal, voire du  joli, de la mièvrerie à éviter.Les tissus à petites fleurs naïves notamment sont la bête noire de certaines artistes textiles contemporaines qui le plus souvent les jugent niais ou trop rustiques. Sans prestige. Marqués par leur usage dans des vêtements  démodés ou objets désuets. Ou bien encore liés aux classes populaires, à l’idée « bas de gamme », si on excepte les célèbres et coûteux  Libertys. Peut-être aussi à l’enfance et donc à une certaine immaturité.

« On en voit trop », me dit-on.  « Ils font trop patchwork » va-t-on jusqu’à affirmer. Eh  bien, mais : c’est justement ce que  je fais, du patchwork.

Pour moi, ils évoquent tout autant une sorte de grâce discrète et sans prétention  et les simples de nos campagnes qui ont le pouvoir de guérir.

Surtout je ne vois  pas en quoi un motif plutôt qu’un autre serait ou non entaché de naïveté excessive ou de mièvrerie ailleurs que dans le préjugé dont on arme son regard. Ainsi est fait le jugement de la mode qui brûle ce qu’il a adoré et rejette au fond du panier ce qui, quelques années plus tard, reviendra sur le dessus, lors d’une résurgence d’un « flower power ».

Je travaille plutôt dans la constance. Ce qui a valeur à mes yeux  ne se déprécie  pas au gré des tendances, et je continue à l’utiliser si je le juge nécessaire. Être libre, ce n’est pas « suivre ». L’innovation qu’on décrit comme tellement incontournable, sera alors davantage dans la recherche de façons  personnelles d’utiliser ces motifs « usés » et d’esquisser des pas inédits sur les sentiers dits rebattus, plutôt que d’avancer au rythme des autres sur des pistes prétendument inexplorées.

Aimant la terre j’aime aussi les fleurs, et les faire pousser, mais la région que j’habite ne permet  pas de profiter de son jardin aussi longtemps qu’on le souhaiterait et je crois que c’est une des raisons pour lesquelles j’ai aimé créer ces quilts que j’appelle mes jardins d’intérieur et aussi intérieurs.

Car dans ces constructions florales, il peut y avoir comme dans tout jardin l’expression d’une poésie, voire d’une spiritualité. Pas pour rien qu’aux fleurs sont attachés toutes sortes de symboles qui recoupent les sentiments de l’âme humaine, et que  ceux-ci varient selon les époques et les pays. Je pense notamment aux codes qui correspondaient aux  broderies florales dans les crazys quilts[1] de l’époque victorienne et qui permettaient aux femmes  d’exprimer leurs émotions et sentiments silencieusement, mais combien subtilement.Et même si je ne  m’en suis pas, « à la lettre » inspirée, il est certain que je n’utilise pas les fleurs uniquement pour leur valeur décorative.

Comme à chaque fois je suis partie d’une observation attentive des étoffes et c’est déjà assez pour se rendre compte qu’outre les classements d’échelle, de couleurs et de valeurs etc.  expliqués précédemment, on pouvait aussi s’attacher à la manière dont les fleurs étaient représentées, et notamment à l’existence de deux grandes catégories de motifs floraux : les réalistes et les stylisés auxquels on pourrait adjoindre ceux que j’appelle les « tachistes et les impressionnistes ».  Il apparaît tout de suite que cette catégorie de tissus présente une prodigieuse variété, tant dans les coloris que dans les graphismes (...)

Le passage supprimé montrait la diversité des étoffes à fleurs .

Généralement ces motifs sont utilisés dans leur style :  c'est-à-dire que dans un quilt donné si la quilteuse  a décidé d’user de tissus stylisés anciens, elle ne va mettre que ceux-là, tandis qu’une autre qui voudra faire ce qu’on nomme un « watercolor » utilisera en coopération des tissus  réalistes et impressionnistes, une vingtaine suffira à produire un jardin dans un style « naturel » .Ou bien alors, on les assemblera en oubliant qu’elles représentent des fleurs, pour l’impression graphique d’ensemble qui de loin se dégage du fragment d’étoffe  et qui n’est pas très différent d’un autre géométrique, par exemple.

On classe mes jardins dans les watercolors et je pourrai démontrer assez vite qu’ils ne le sont que par l’utilisation de dégradés de couleurs dans certaines zones. Je dois beaucoup dans mon étude des étoffes au travail de l’artiste anglaise Deirdre Amsden; bien que celle-ci marie toutes sortes de motifs  et pas seulement des tissus floraux dans ses quilts dits « colourwash ». C’est d’elle que je tiens la passion d’étudier les tissus  dans leur impact visuel global, mais aussi dans le détail de leurs motifs et coloris et l’art de glisser subtilement de l’un à l’autre. Je n’essaie  jamais de recréer un jardin pseudo- impressionniste avec du ciel, des fleurs et du sol. Ce que la peinture peut faire mieux, ne me semble pas nécessaire à imiter en étoffes.

        Et là encore la géométrie joue un rôle dans ces « clos fleuris ».
         Je pars souvent  comme dans mes autres créations purement géométriques d’une forme simple. Soit je l’utilise par répétition comme dans le Jardin de L’abeille soit je subdivise la forme de manière à en avoir des dimensions différentes. Ainsi ont été construits les quilts : Florilège, Plate- Bandes, le Jardin d’Arlequin ou Simplement un jardin.

        J’aime qu’il y ait plusieurs façons de regarder mes surfaces. Cet ensemble de possibilités constitue pour moi presque une structure « narrative », je dirai « anecdotique » si le mot n’était pas péjoratif. 

Sur les fleurs et les jardins on peut lire aussi  cet article

 

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