Street art et art textile
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 27/05/2016
- Dans opinions
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Depuis quelques années se dessine une tendance à investir la rue avec des oeuvres d'art textile : tricotées, crochetées ou même parfois peintes, témoin une artiste qui reproduit sur un trottoir un motif de dentelle géant.
J'ai moi-même participé en Belgique à deux manifestations de cet ordre, où on m'avait aimablement conviée . Et j'ai beaucoup apprécié !
La grande lessive en 2013
Je le précise pour que ce qui suit ne soit pas pris pour un refus figé et conservateur psycho-rigide. Je trouve que c'est une excellente chose de montrer l'art textile ailleurs que dans le cadre domestique, le temps d'une prise de conscience qu'il existe, tout simplement.
Cela me réjouit donc et en même temps je m'interroge.
Ce qui est montré doit se plier aux exigences, précisément de la rue et du plein air, ce qui évidemment réduit un peu le champ des matériaux utilisables.C'est une contrainte à laquelle j'ai aimé me plier, pour sortir justement de mes habitudes, sans les renier pour autant.
Ensuite dans les oeuvres que je vois il y a souvent des sortes de poncifs géants en couleurs primaires, sans doute parce que la situation en extérieur ne permet pas la délicatesse et le fragile.Les matériaux qu'on peut utiliser doivent tenir le coup au vent, à la pluie, aux pollutions . Eventuellement au "tripotage". Voire aux déprédations.
Et justement c'est là que pour moi le bât blesse : c'est que censée mettre en valeurs nos arts, l'expérience en relègue toujours une bonne partie dans les tiroirs : tout ce qui n'est pas assez solide (voire fait grossièrement) , tout ce qui n'est pas de grande taille, tout ce qui n'est pas exposé en milieu citadin, bref on suit toujours peu ou prou les valeurs en vigueur imposées par l'époque. Le regard ira-t-il de l'extérieur vers l'intérieur (les oeuvres non exposables de cette façon ) ? Rien n'est moins sûr.
Bref on est toujours dans l'optique arts majeurs-arts mineurs d'autant plus la définition même des arts dits mineurs touche toujours à la position par rapport à cette problématique : extérieur (c'est grand-noble et si longtemps réservé aux hommes) et intérieur : c'est petit, sans autre valeur que "décorative" . Je me suis toujours étonnée qu'on refuse de considérer que même dans le choix de motifs décoratifs, il puisse y avoir une expression personnelle et authentique. Tout motif déjà peut se lire comme une écriture ...
A partir de là montrer en extérieur des travaux d'art textile adaptés c'est éminemment louable, mais ça ne résout aucunement ce problème de relégation, le regard absent vers ces oeuvres en version intérieure,qu'on n'essaiera pas forcément davantage de connaître vraiment. J'y adhérerai sans rserve si cette tentative louable, je le répète, amène à mettre aussi des oeuvres textiles à côté des tableaux dans les musées Beaux-arts ...Je doute que ce soit le cas !
Je songeais regardant le motif de dentelle peint devant lequel posait fièrement une jeune artiste, à une merveille vue en 2004 au musée de Bayeux , fait par une créatrice dont je n'ai retenu que le prénom : Brigitte . Il s'agissait bien d'une création d'une grande subtilité, pas d'un poncif simplement exécuté,et qui évidemment ne pouvait être exposée aux intempéries et chronophage ( il faut aller vite , aussi ) . Et je me disais que la seconde avait beaucoup plus de chances d'être oubliée de la postérité que la première artiste et que pourtant la subtilité de son oeuvre et le travail requis -qui n 'était pas que de la seule virtuosité fabricatrice, mais une technique difficile mise au service d'une expression remarquable, aurait mérité qu'on s'y arrête et qu'hélas toujours pas de livres qui recense artiste par artiste ce qui se fait puisqu'on l'a classé abusivement "artisanat" d'art sans mouvements, sans démarche voire sans imagination . Ce n'est pas non plus du contemporain conceptuel et le moindre ramassis de fil informe adorné d'un beau discours philosophique aurait, lui aussi, plus de chances d'être remarqué et gardé .. On me dira on ne doit pas comparer, la visée n'est pas la même . Soit, mais ça me chiffonne quand même ; non pas toutes ces tentatives pour faire du street art plus ou moins textile, mais le fait que ça ne rend pas pour autant plus visibles et plus appréciées les merveilles délicates des artistes sans nom ...
Ces mouvements ne sont pas sans me rappeler le mouvement Pattern painting que j'ai souvent évoqué et qui s'appuyait sur les poncifs -motifs empruntés aux artisanats, dans une visée aussi de réhabilitation . Seulement, si les artistes ayant adhéré au mouvement sont dans les livres d'art, et les encyclopédies, tous ceux et celles qui ont créé en deça et au delà n'y figurent toujours pas, la réhabilitation on l'attend toujours ! Et le pire c'est que ça semble normal à tout le monde et que lorsqu'on évoque ce sujet on rencontre une indifférence phénoménale , une fausse attention polie (cause toujours c'est ton dada, mémère !) ou des sourires un peu ironiques. Alors une fois de plus, je demande qu'on aille y voir qu'on vide aussi les fonds de tiroirs de greniers et qu'on s'interroge . Pourquoi de l'art d'un côté et des chiffons négligeables de l'autre ?? Qu'on mette en regard les arts dits majeurs et les arts dit mineurs, ce que je fais parfois à la salle des machines.
Sur cette photo, un quilt abstrait du XIX siècle antérieur à l'oeuvre de Paul Klee. ebvidemment la première oeuvre, cataloguée "art mineur " ne figure pas dans les histoires de l'art général puisque ces oeuvres en sont exclues comme étant décoratives. Est-ce si différent ?
L'architecture est un des Beaux-arts mais l'architecture intérieure elle est reléguée au rang d'art mineur. Décoratif est devenu progressivement synonyme de superficiel, sans imagination, superflu même. Il y aurait aussi le Beau réservé à une sorte de caste et le juste "joli" -le mot qui tue- pour ce qui sort d'imagination différentes et non formatées , côté délicat et nuancé on est sûre d'être cataloguée "joli" le Beau c'est exclusivement le fort ce qui tape à la gueule (pardon à l'oeil !) . L'extérieur donc est le domaine des hommes, l'intérieur assigné aux femmes. . Mais déjà tout ce qui est fait et doit rester pour des raisons de conservation protégé (on ne met pas non plus une peinture dehors , encore moins une aquarelle sous la pluie !) , l'intérieur ne devient artistique si c'est un lieu consacré à (galerie- musée ) voir édifice religieux . On a l'impression d'un culte dont les vernissages sont les cérémonies ...Qui a besoin de grands pêtres : commissaures d'expositions, décideurs divers, critiques , ce donne drroit à être pris au sérieux ! .Tant pis pour qui n'a droit ni à l'un, ni à l'autre ou ne souhaite pas se soumettre au protocole admis .Tout ce qu'il ou elle pourra bien créer sera nul et non avenu et l'intérieur des maisons reste un lieu à reconsidérer à cet égard. Je ne parle pas d'une jolie décoration style "maison et jardin "mais des oeuvres qui sont par force ou par choix personnel assignées à résidence. C'est tout différent.
Et puis, rêvons un peu ...
J'ai eu envie à côté et de façon complémentaire de créer un mouvement intitulé cas'art , de casa la maison et de toutes ces choses qui sont créées pas forcément en objets "utiles" mais pourquoi pas aussi des objets utiles puisque le design est un art à part entière, que le ready made est déjà de la vieille histoire .. Un lieu de reconnaissance artistique et non seulement autre qu'historique et patrimoniale, pour ces créations qui qui sont beaucoup trop fragiles pour être exposées dehors dont la maison (pourquoi la maison est-elle à ce point un non-lieu artistique adéquat ?) Avoir un lieu au moins virtuel centralisant les artistes oeuvres , leurs parcours ...: qui a fait quoi et comment ? Renseignements à donner : avec quelles techniques quels matériaux, quand , avec quelle visée ... collecter aussi les recensions sur quand il y en a eu - c'est le cas de celles qui exposent mais on peut créer dans a maison des merveilles pas juste jolies, sans avoir le désir d'expositions officielles et mondaines ...- et en osant enfin combler ce fossé creusé absurdement et artificiellement entre le soi disant "traditionnel" et le soi disant "contemporain" . juste cela : des créations et des artistes présentées , au sein d'une oeuvre et non une série d'ouvrages qu'on explique pour l'imitation éventuelle.Il ya beaucoup de parcours individuels éclatés , des groupes qui fonctionnent un peu comme des chapelles, mais il n' y rien qui regroupe globalement ces arts cachés de fonds de tiroirs.
S'il y avait d'aventure des personnes intéressées qu'elles me le fassent savoir , nous pourrions en discuter, voir si c'est faisable . .Je précise une fois de plus : je parle de créations (ou d'interprétations libres et avec source reconnues- interpréter ce n'est pas mettre du rouge à la place du bleu ou changer une bordure c'est métamorphoser le point de départ - )non de modèles exécutés à la lettre ou de très près d'après revues ou en kit . Sauf si c'est la créatrice du kit ou du modèle qui se manifeste . .Et c'est là, je le crains que ça risque de coincer. Je connais bien les us et coutumes de nos milieux textiles .
Mais tant pis : je tente. Silence réponds-moi !
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