Anonymous was a woman

Anonymous was a woman

Auteur : Mirra Banks

1979

 en anglais

éditeur :  St Martin Press , inc.(livre épuisé acheté d'occasion)

  Ce livre est cité dans l'ouvrage Stitching resistance dont j'ai déjà fait le compte rendu

 Lien vers Stiching Resistance

Bien avant qu'on en prenne conscience en France (et encore de manière clivante, le plus souvent !), l'auteur s'est intéressée  aux travaux artistiques des femmes américaines dans deux domaines : peinture et travaux textiles  (broderies essentiellement tapisserie à l'aiguille et quilts , avec souvent un mélange  textile, broderie et peinture notamment (donc on n'innove pas au XXI siècle, en le faisant). Le livre est constitué de témoignages  relevés dans les journaux intimes de l'époque ou des ouvrages littéraires autobiographiques  et d'illustrations desdites oeuvres . Il est rare bien sûr qu'oeuvre et texte coïncident puisque si les artistes ne sont pas toutes anonymes,  elles sont restées inconnues, pour la plupart .

De ces femmes  oubliées Mirra Banks écrit en présentation : (je traduis pour la commodité de la lecture )

" Rarement conscientes d'être des artistes, ces femmes essentiellement occupées à élever des enfants, assurer l'organisation des fermes et des maisons, ces femmes ont cependant embelli chaque phase de leur expérience, depuis l'enfance jusqu'à la  vieillesse et exprimé tout ce qu'elles ont appris de la vie et de l'art  dans un travail  décoratif d'une étonnante beauté " .(à noter que décoratif ne signifie pas ici juste pour faire joli, comme chez nous!)

 Le livre suit effectivement les époques de la vie de ces femmes d'autrefois .

La première partie évoque l'époque de l'école et l'apprentissage des samplers de broderies, mais également de l'apprentissage du patchwork -qui faisait partie de l'éducation scolaire- si on en juge par cet extrait d'un livre de Lucy Larcom  A NewEngland girlhood  : "Nous avons appris à coudre un  patchwork à l'école dans le même temps que nous apprenions l'alphabet ; et presque chaque fille grande ou petite a un   couvre lit quilté de son cru commencé avec en vue le trousseau de sa future maison . Je ne suis pas vraiment passsionnée par la couture, mais j'ai pensé qu'il valait mieux commencer le mien de bonne heure. Aussi ai-je réuni quelques carrés de calicot, et entrepris de les assembler, à ma manière habituelle qui est indépendante, sans solliciter une direction.J'aime assortir ces petits bouts de cotons imprimés , parce qu'ils sont les restes de robes que j'ai vu  porter et elles m'ont rappelé les personnes qui les portaient ."

A noter que je pourrais signer aujourd'hui encore les deux dernières phrases et qu'elles me confirment dans l'idée qu'il y avait beaucoup plus de libre  création dans ces surfaces que de nos jours quand on copie ou interprète de très près un modèle avec un pas à pas qui vous mâche tout le travail.

 La deuxième partie concerne le mariage, et la troisième la vie quotidienne . C'est de celle-ci que j'extrais ce témoignage touchant issu d'une lettre d'une certaine Marguerite Ickins à sa grand-mère  :

" Ce travail m'a pris plus de 20 ans, presque 25 (...)Toute ma vie est dans ce quilt (...)Toutes mes joies et tous mes chagrins sont cousus dans ces petits morceaux; Quand j'étais fière de nos garçons et quand j'étais en colère contre eux. quand les filles m'ennuyaient ou m'inspiraient un chaud sentiment de tendresse. Et John aussi .Il est cousu dans ce quilt et aussi nos trente ans de mariage. Parfois je l'aimais et parfois j'étais assise auprès de lui, le détestant, et j'assemblais les morceaux ensemble. Aussi y a -t-il tout dans ce quilt, l'amour et les craintes,mes joies et chagrins, mes amours et mes haines. Je tremble par fois en pensant à ce que ce quilt sait de moi ".

Ce quilt nous ne savons pas à quoi il ressemble ... perdu dans la nuit des temps et c'est bien dommage. Et ce dans un pays qui a plus de considération pour cet art que nous (alors en  France, vous pensez bien !) .

Ce quilt n'est  donc pas de l'auteur de la lettre, mais  illustre la période "wedding quilts" ces ouvrages (ou osons le mot oeuvres )  , c'est un "sampler" aussi montrant différents "blocs" ces carrés qu'on assemble  :

 

 

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Evidemment l'éducation des filles, à cette époque , est religieuse et domestique, et obéit à  une morale qui ferait se dresser les cheveux sur la tête à beaucoup d'entre nous, mais on constate à lire ces extraits de journaux  et de lettres que ça ne les empêche ni d'imaginer, ni de rêver. Tout au contraire. On ne peut reprocher à quelqu'un d'une époque de se conformer au "bien" et à la morale admise de cette époque-là. Que dira-t-on de la nôtre plus tard si les moeurs changent, ce qui est probable ?  Et il est infiniment dommage qu'on n'ait conservé de ces oeuvres que l'idée qu'elles étaient signe de "servage et d'obédience" alors que précisément c'était la zone d'évasion et d'imaginatioon que la société d'alors permettait . Les images en attestent, à chaque page que je ne peux montrer toutes tableaux superbement composés et dont on peut penser qu'ils ont été dessinés par les brodeuses  (certains  mélangent aquarelle et broderie ) et aussi une maîtrise de ce qu'on nomme "peinture à l'aiguille".  Cette oeuvre de Mary Green, datée de 1804 propose une composition parfaite. Un journal atteste qu'à l'école " l'ouvrage d'aiguille ormental est enseigné " :

 

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Et justement cet acte créatif a été occulté , ce livre que j'ai eu du mal à trouver est un des rares qui évoquent ces travaux.

Et  à présent un voeu pieu, à l'égard des millions d'anonymes ou inconnues que nous sommes ... Soyons moins modestes  et si nous créons , faisons en sorte que nos oeuvres soient dignement conservées. On sait qu'on n'aura pas  droit -ou rarement - à une recension côté grands arts, (j'ai eu  ! merci je ne dis pas cela par dépit ou frustration!) mais alors débrouillons-nous nous mêmes : écrivons aussi sur ce qui a suscité nos  créations, ce n'est pas de l'outrecuidance, comme on me le dit, c'est une juste remise en place   d'oeuvres injustement exclues de la culture artistique dite contemporaine. Nous existons dans notre siècle et dans les diversités de nos créations. Faisons savoir que nos oeuvres existent, même si tout est fauit pour nous reléguer dans notre "ghetto culturel".

Et soyons aussi honnêtes, ce qui est pour moi la seule façon valable d'être réellement humbles et modestes : disons nos sources , si nous en avons,  et cessons de faire croire que nous sommes l'auteur du kit ou du modèle piqué à une revue , ou qu'empruntant le graphisme à un peintre abstrait du XX° siècle nous sommes des "novatrices" sublimes , plus artistes que celle qui part d'un poncif de son art. 

Et si nous avons pouvoir à le faire, insistons pour que nos oeuvres aient le droit à la conservation  au même titre que les grands arts, elles valent bien les tas de gravats et de bûches dont les musées  d'art contemporain sont parfois  encombrés .   Si  des capsules de yaourt assemblées sont du  plus grand art textile que nos compositions  (personnelles et signifiantes tout autant )    d'étoffes pourvu qu'on les assortisse du discours congruant le prouvant, écrivons les nôtres de "discours",  je peux aider qui n'y parviendrait pas ..... Faisons des index de nos oeuvres sur nos sites , expliquons, témoignons .... Signons nos oeuvres en indiquant qui a fait quoi : designer- réalisatrice- quilteuse  nous aiderons les historiens du textile futur ;  cessons de faire "profil bas", pour ne pas être (sauf si on le souhaite) des anonymous women du XXI siècle .

 

 

Dscf392red6On peut si on le souhaite et sur ce dernier point m'écrire sur chiffondart@aol.com

 

 

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