40 ans d'art textile : L'oeuvre cachée, la part de rêves.

Il  y a quarante ans quand j'ai commencé mon premier  patchwork-qui n'était pas un quilt -  je n'avais pas idée de la place que cette activité prendrait dans ma vie. comme beaucoup je l'ai pratiquée tout au début,  comme un simple loisir  et avec un but utilitaire. J'espérais pouvoir adopter mon premier enfant (ce qui fut fait en 1983 )  et la rencontre avec le coussin et ce fameux : "je veux assembler des tissus" si impérieux  laissaient pourtant présager que ce deviendrait pour moi, très vite,tout autre chose. Pas de l'occupe doigts donc , mais un appel impérieux vers une activité qui me semblait passionnante et apte à "dire" ce que j'avais à exprimer avec cela. Un medium, des couleurs des motifs , des formes. Il est à noter que ces premières couvertures faites sans aucun modèle étaient donc stricto sensu des créations .  De l'art sans doute pas encore il est un début à tout. Et très vite, j'ai senti que ce n'était plus seulement  faire de jolies couvertures dans mes moments de loisir, mais quelque chose d'aussi important pour moi que l'écriture. Et même pendant une période de multiples occupations et préoccupations professionnelles et familiales, cet art, où la géométrie m'a d'emblée attirée dès que j'en ai  eu connaissance , me permettait de créer par fragments (ce que du reste j'ai toujours fait aussi pour mes récits longs . écrivant sur des post it les phrases, pensées, idées qui me venaient à l'esprit .)

Dans ma vie d'être humain, née  de sexe féminin , je ne me suis pas une fois  sentie inférieure au seul fait d'être une femme, Je me sens inférieure en compétence, parfois- souvent !  quand je le suis, dans un domaine précis, mais en tant que femme , jamais.Ni supérieure ni destinée à tel art plutôt que tel autre . J'entends par là que j'ai choisi librement , même si  j'ai le sentiment d'avoir plutôt été choisie (je crois à la vocation, à l'appel vers une activité) . Les images numériques ou la poésie ne sont pas non plus des arts connotés "féminins".  Je n'ai jamais considéré non plus que l'acte de  création quand il est surtout exercé  majoritairement dans un domaine par des femmes  était , donc, inférieur de ce fait . . D'exercer un art classé d'office féminin mais où le moindre artiste homme est forcément distingué(et avec l'aval d'une majorité féminine!) , ne m'a pas dès l'abord préoccupée. Pour moi c'était un moyen d'expression personnelle qui m'appelait , et j'y entrevoyais d'infinies possibilités . Je n'ai donc pas eu envie d'en faire quelque chose où je devrais "faire comme les hommes" pour avoir l'illusion d'exercer un  vrai art . Et comme je ne savais pas grand chose de la hierarchie entre les arts avec les Beaux-arts au sommet, je l'ai abordé , d'entrée ou presque comme si c'était un art classé Beaux-arts mais sans le faire ressembler à ce que pour moi, il n'est pas.  et je n'ai pas eu conscience tout e suite du préjugé dont il était victime .

Je n'ai donc pas percu le patchwork comme une sorte de sous-genre  dont le nom, qui plus est,  fait toujours ricaner, L'exercer ainsi ne me serait même pas venu à l'idée j'étais déjà très attirée par l'abstraction en peinture (j'étais aussi bien avant ma découverte  des quilts , fascinée par l'op art ) mais je sentais dans les abstractions géométriques du patchwork quelque chose de tout différent qui me convenait, qui correspondait à quelque chpse de fort en moi . L'amour des tissus , particulièrement des imprimés,  créés par d'autres humains et  leur mise en relation , donc.  Je suis partie directement des tissus et de ce que j'apprenais d'un art en ce qu'il me semblait justement différent des autres. Si j'avais voulu peindre sur les étoffes, Je serais devenue peintre,, pas assembleuse d'étoffes.  Mais des tissus découpés et rassemblés qui donc mettaient en oeuvre une composition des formes et des couleurs. comme la peinture ? Non pas tout à fait . L'art n'est pas le même du tout, du moins, comme j'aime à l'exercer. 

Mes carnets de travail ne ressemblent pas donc à ce qu'on voit dans les livres sites et revues "branchées"de magnifiques carnets d'esquisses aquarellées qui débouchent sur des oeuvres txtiles .  J'ai toujours souri devant les conseils de découper du papier ou partir d'une photo qui serait plus  "artistique" que de partir des tissus.  J'ai aussi dessiné mes plans de quilts à la main , mais j'ai dit  combien l'usage et la maîtrise (pas si facile à acquérir) des logiciels de patchwork m'avait libérée Cf l'article composer ou dessiner .

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On peut y ajouter les cahiers d'élaboration dits "de la femme aiguille" qui eux sont élaborés après coup, quand l'ouvrage est terminé Mais eux concernent l'oeuvre achevée pas cette oeuvre secrète., intérieure, sous jacente ou en cours..... d'inachèvement !

Je travaille sur énormément d'ouvrages à la fois et souvent le même ouvrage m'occupe un temps très long avec des reprises et des abandons lesquels peuvent durer des années.    Et pour ne pas m'y perdre je tiens des sortes de journaux  où je note aussi les idées qui me viennent des réflexions sur l'art textile , des démarches , des recensions de livres .... mes humeurs et mes états d'âme aussi mes espoirs et mes crises d'à quoibonite !

 

Carnet textile journal de bord j fischer

 

  Au début des années 2000 , j'ai commencé ce que j'appelais des "carnets de rêves" :

 

Carnet de reves javqueine fischer 1

 

 

Je décalquais et/Ou redessinais nombre de moifs, l'idée était de m'en servir pour refaire ensuite quelque chose de textile que ce soit une broderie ou un patchwork ou un mélange des deux .  .Les calques numérotés et amovibles sont ainsi rangés après utilisation éventuelle ) .Certains ont servi aussi pour des séries d'images numériques.

J'ai développé ensuite ces inspirations dans plusieurs autres recueils  tissus collés motifs retracés suggestion d'interprétation et je continue sur ces grands cahiers en papier kraft  où j'ai collé des fragments d'étoffes et des suggestions -qui à présent sont moins pour moi que pour une éventuelle descendance" qui aimerait à en user après moi . Et si ce travail reste oublié et inconnu (probable que celui qui est achevé aussi !)  il nourrit tout de même mon inspiration présente:  ce que je nomme mes "envidées."

Carnet e motifs 1 jf

 

 

Lesquelles peuvent jaillir de tout autre chose  et le plus souvent en revenant au fondamental numero 1 : l'envie de mettre ensemble tels tissus dans une surface .Les mêmes cahiers craft servent à réunir les dessins dcoupés ans les cahiers " journaux" où je les ai récemment regroupés , j'y adjoins ce que je retrouve ça et là sur des bouts de papier , et j'y griffonne parfois pour le plaisir des motifs trouvés un peu partout. mais la plupart sont des gribouillages personnels .  Parfois un dessin émerge  et aboutit à une création , la plupart n'ont pas été réalisés, mais j'ai besoin de ce vivier-là où parfois je me promène.

 

Carnet dessin 1j fischer

 

 

Cet attrait puissant pour tous les modes d'assemblages et aussi pour les motifs à la fois sur les étoffes mais aussi comme possibiltés d'interprétation en broderie, couplé à la recherche d'une variété toujours plus grande de textiles divers faisait que j'étais prise d'innombrables envies , et d'idées qui me traversaient . Influencées, certes aussi par la lecture des livres et les oeuvres des autres (j'ai aussi des carnets où je stocke des photos d'ouvrages qui m'ont attirée ), il ne s'agit pas là de les reproduire mais souvent tout cela s'infuse se mêle  donne envie d'essayer ... Mon imagination se nourrit aussi de l'admiration que j'ai pour ce que créent d'autres artistes. et si j'emprunte quelque chose de particulier , je le signale. Mais je ne me sens pas tenue à signaler le moindre usage d'une forme simple  .... 

J'avais  aussi cette particularité de mettre énormément de surfaces ou ouvrages en route , je devais (et dois encore davanatage aujourd'hui où le temps m'est furcément plus compté qu'à 32 ans) me freiner. J'ai bien essayé le système raisonnable qui consiste à ne mettre en route que deux ou trois ouvrages au plus, ou même un seul qu'on termine avant d'en entamer un autre. ça ne fonctionnait pas : j'étais à l'arrêt total.. Je mets douc en route à peu près tout ce qui me  tente . Mais quand on est beaucoup tentée et rraversée de dix idées à la journée, ça finit par faire forcément un stock de "débuts"   considérable. il fut un temps où j'en concevais comme un remords, une sorte de culpabilité (tout ça gâchait du tissu parfois de belles matières et ne servirait à rien, ni personne) . J'ai imaginé la série "les rogatons" et quelques livres comme "en vert et avec tout) pour tenter d'éponger le stock fou de sachets d'inachevés ou de restes de quilts finis (les blocs en surplus) .. périodiquement je retrie, parfois je défais, je note des suggestions de réutlisation ,   Il arrive aussi que j'en associe deux ou trois .. du patchwork d'ouvrages en quelque sorte. Composition en abyme.. Je me dis que somme toute ces inachèvements constituent une oeuvre parallèle certes plus encombrante que les carnets , mais qui sert de point de départ elle aussi à autre chose. Et ce qui ne sera pas utilisé de mon vivant, j'aimerais en faire don à quelque association qui saura en  faire des objets à vendre. Pour l'heure ils dorment là en attente .J'en réveille un de temps à autre.

 

 

 

Inachevements

 

 

 

et que si tout ça fnit dans une déchetterie le monde n'en sera ni meilleur, ni pire même si cette pensée m serre forcément le  coeur. . Chanceuse serai-je si un peu de ce qui est terminé échappe au retour aux chiffons . Reste la solution d'en faire des projets vagument "conceptuels" où j'expliquerai que l'inachevé c'est une manière innovante  de finir ou autre subtilité de discours adéquate à justifier tout et n'importe quoi . La capacité ne m'en manque pas, la conviction, si . Si je m'y résous un jour ce sera par jeu, avec un brin de provocation  et d'humour. Qui sait ?

 

 

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