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Faux semblants
- Le 02/05/2020
Faux semblants : de vrais -faux objets textiles. (article publié sur le site darts-up récemment suppprimé )
Au départ sont des ouvrages textiles parce que c’est en matière de création ce que je nomme ma « valence » première .
Ensuite, une photographie souvent de détail de ces ouvrages textiles . Ces photos ont été prises soit pour illustrer mon livre Jeux d’étoffes, soit pour la parution en revue ou en album d’images.
Ces clichés ne se veulent pas photos d’art, mais généralement ils obéissent quand même à une esthétique de composition et à des impératifs de netteté.
L’objet représenté est primordial pour l’étape suivante, j’entends par là que sa qualité de réalisation influe aussi sur le résultat final. La disposition des points en broderie notamment, tous les choix de couleurs, textures, motifs et formes qui ont présidé à la réalisation de l’objet « premier » sont importants. Si je le souligne c’est parce que cet objet premier dans un art premier (parfois au sens primitif du terme) va être très vite « oublié » et aura du mal à être perçu, lui, comme une oeuvre d’art.
Sans cette filiation (sans jeu de mots !) aucune de ces images n’existerait comme telle . Ce travail manuel et réel préalable du fil et du tissu est pour moi fondamental, au sens propre du terme.
J’ai eu l’idée de retravailler ces clichés avec le filtre d’un logiciel de retouche de photos,
Le travail numérique consiste à régler des paramètres et à faire des choix ,pour un détail donné il existe des centaines, voire des milliers de métamorphoses possibles .C’est à ranger techniquement dans la catégorie photo altérée.
C’est comme une photo de quelque chose qui n’existe pas, mais qui pourrait exister.
d’où le titre de faux-semblant.
Images de nouveaux possibles ou de nouveaux impossibles .
Certaines semblent vraies c’est à dire qu’on pourrait faire croire qu’il s’agit de la photo d’un vrai objet existant vraiment (et l’image en contient une part) et ce n’est que partiellement faux puisque le point de départ est réel -mais différent, D’autres s’éloignent davantage vers des effets graphiques où l’ouvrage de départ disparaît quasiment. Les deux possibilités sont intéressantes. puisqu’on joue sur l’écart entre la proximité et l’éloignement, entre réel et illusion comme avec les fonctions focales des filtres.
Comme à chaque fois dans un travail d’image numérique, existe l’ouverture vers ce qu’on pourrait en faire d’autre : il n’est pas interdit (et je l’envisage pour certaines) de les imprimer sur étoffe et de les réintégrer à un nouvel ouvrage qui mêlerait alors le faux semblant et le vrai textile et ainsi de suite., créant une composition potentiellement en abyme.
C’est aussi une réflexion sur le temps d’exécution d’une oeuvre qui ici réside dans la distorsion entre la lenteur du travail manuel de la brodeuse ou de la quilteuse, et la rapidité du travail numérique peut-être même parfois entre une conception calculée, travaillée voire contrôlée et le jeu avec un certain heureux hasard.(même si le travail sur l’image numérique ne saurait être réduit à cela).C’est très différent de mes autres images numériques où le plus souvent je crée tout à partir d’un écran blanc et des différents outils à ma disposition. de manière souvent beaucoup plus complexe. Ici je ne cache pas que le travail numérique à proprement parler est basique .
Ce sont des oeuvres de passage. Des oeuvre hybrides, totalement entre deux arts qui n’ont guère de lien dans l’esprit des spectateurs éventuels . On peut même dire qu’elles ne s’adressent pas au même public, elles ne provoquent pas du tout les même réactions, les mêmes regards en milieu artistique.
Hybride aussi en ce qu’elles relient un art ancestral, un matériau : le tissu fondé dans sa structure sur le numérique, et des techniques récentes sinon nouvelles.
Passage entre le réel et le virtuel qui se voudrait aussi conciliation et réduction de l’exclusion que je persiste à trouver injuste des ouvrages faits selon les normes de l’artisanat d’art, entre la « belle ouvrage » et l’absence de manipulation (c’est à dire au fond entre deux reniements des activités que j’exerce : l’une étant parfois rejetée comme superficielle et purement décorative, et la seconde parce qu’elle céderait à la facilité du « tout en deux clics .. ».
C’est donc une invitation, aussi, à regarder autrement. A interroger la notion de vrai et de faux, d’artificiel ou de factice. A réfléchir sur le rapport entre le temps mis à un ouvrage, le travail et la « valeur »., sur l’importance de la lenteur de l’élaboration et le plaisir quasi enfantin de l’immédiateté .
Travail d’illusionniste où la tricherie est honnête, le trucage avoué. Il ne s’agit pas de « faire illusion. »
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Jacqueline Fischer septembre 201
(1) Voir les écrits et travaux de Patrice Hugues qui ont guidé mes réflexions.
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Qui a peur du mot patchwork -2009
- Le 28/04/2020
NB article publié en 2009 sur site d'arts-up qui semble avoir disparu (il était en deshérence depuis plusieurs années, je reproduis donc ici les articles que ce site avait publiés et qui me semblent importants- ).
On va partir d’un constat simple : la difficulté qu’il y a pour un (e) artiste textile à dire en France et en ce début de XXI siècle : « Je fais du patchwork ».
Il est conseillé faisant cet aveu de baisser les yeux et d’adopter un profil bas .
Et d’ajouter aussitôt pour se dédouaner :
« Oui, mais je fais aussi de l’art textile », comme si le patchwork ne pouvait absolument pas en être.
J’imagine mal un peintre avoir peur d’admettre qu’il pratique surtout la gouache ou l’aquarelle ou un écrivain reconnaître avec réticence qu’il écrit surtout des romans.
Pour la raison évidente que roman et aquarelle ne sont pas perçus (ou plus perçus) comme des genres mineurs dans leur « art » de référence.
Mais le patchwork, oui.
Le grand public manifestera souvent son ignorance par un « tu fais du quoi ? » ou bien évoquera tout aussitôt ces couvertures en crochet qui florissaient dans les années 1970, ou bien encore des tissus moches avec un carré à pois, un autre à rayures et autre fleuri, prétendument « coordonnés ».
Les personnes qui ont voix au chapitre en matière d’art - sauf rares exceptions - oscilleront entre le mépris, la franche ironie ou la bienveillante commisération. Mais même dans ce dernier cas, on fera rarement l’effort d’aller voir de plus près ce que font ces créateurs - qui sont majoritairement des créatrices - de ces surfaces d’étoffes. A priori sans intérêt… On ne mélange pas les torchons avec les toiles de maître…Je me suis donc demandé ce qui produisait cet effet rédhibitoire et cette méconnaissance que je trouve injuste.
D’abord le mot patchwork n’est pas très harmonieux en lui-même et pour peu qu’on veuille évoquer sa qualité d’artiste en cette discipline on devra éviter le désastreux « patchworkeuse » pour le remplacer par « quilteuse », quoiqu’un quilt ne soit pas tout à fait un patchwork et que seuls les spécialistes connaissent le mot.
De plus dans la langue courante, il prend facilement des connotations péjoratives. Dès on évoque » un patchwork de... », c’est pour imaginer tout aussitôt un assemblage assez hétéroclite d’éléments qui dissonent.
Tout le contraire précisément de ce que cette activité a été dès ses origines : l’art d’harmoniser précisément ce qui n’avait pas été créé pour aller ensemble.
On dit aussi souvent qu’à la différence des pays anglo-saxons, et notamment des USA, la France n’a pas de culture du patchwork. On trouve pourtant dans certaines abbayes ou chez certains collectionneurs de magnifiques pièces exécutées à partir de morceaux, parfois superbement rebrodés. Car le patchwork a une histoire, y compris chez nous, et même si elle est beaucoup moins connue que celle d’autres arts mieux estimés, on s’y aperçoit de sa prodigieuse variété, voire complexité(1) et s’y initier amènerait à ne pas réduire ces surfaces d’étoffes à l’idée caricaturale qu’on s’en fait.
Quand on enseigne les arts plastiques, on n’a donc pas à se soucier de cette branche de l’art textile, perçue au mieux comme un artisanat d’art « appliqué » au pire comme de l’ouvrage de dame et on se tournera automatiquement vers les plasticiens en textile plus éloignés par leur pratique de quelque chose de « féminin », plus fait pour occuper les doigts que véritable création à valeur artistique.
Pas question de trouver mention de cet art dans une histoire de l’art. Sauf comme référent d’inspiration pour un mouvement comme le Pattern painting dans les années 70. Le patchwork ne deviendrait donc de l’art que lorsqu’il n’est plus exercé par des femmes qui en maîtrisent les finesses, mais que d’authentiques artistes reconnus comme tels s’en empareraient. Mécanique qui fonctionne aussi dans la corporation : plus facile de s’y faire reconnaître si on est déjà peintre plasticien et qu’on se penche sur les tissus, les valorisant avant même d’y toucher par sa pratique d’art noble, que si on y accède, plus humblement par le biais...de la couture. A moins que celle-ci ne soit Haute, bien entendu.C’est vrai qu’on a souvent créé des patchworks pour servir de couverture, mais on ne voit pas en quoi un objet utilitaire ne pourrait pas à notre époque et après le « ready made» trouver droit de cité dans une galerie ou un musée. C’est une surface exposable. Et même si on peut dormir dessous, ça n’empêche pas automatiquement d’y trouver ce qu’on analyse ailleurs : une composition, des couleurs, et même des jeux de motifs recomposés, du relief et des textures. Il suffirait de l’exposer à la verticale sur un mur dans un lieu consacré à l’art, le vrai, le grand pour –peut-être- s’en apercevoir.
« -Ah mais, me dira-t-on, à la rigueur au musée des arts décoratifs ». On sait assez bien combien le terme « décoratif » est senti comme une infériorité dans la hiérarchie imposée au regard. Comme si ce qualificatif ôtait tout droit à une signifiance, c'est-à-dire une capacité de l’œuvre à être lue et interprétée de différentes manières. Il suffirait de s’y essayer pour voir si c’est possible, plutôt que de coller des étiquettes qui dispensent de tout vrai regard.Cela dit, il faudrait que ce regard soit sûr que ce qu’il voit est bien une création et pas un décalque d’un modèle déjà existant, voire une copie pure et simple. Et là j’admets aisément que ce n’est pas facile.
Bien sûr il existe depuis les années 1980 et grâce notamment aux clubs indépendants de patchwork et à l’association France Patchwork de nombreuses expositions, attirant un public de plus en plus nombreux.
Mais ce public ne sait pas toujours faire la différence entre une œuvre copiée d’après un modèle existant et une création Le stade intermédiaire étant l’interprétation plus ou moins personnelle d’un modèle existant.Il serait extrêmement important que l’honnêteté règne et qu’on reconnaisse, dès qu’on expose, montre ou publie y compris sur internet, ses sources d’inspiration quand on en a et qu’elles sont aisément discernables. Ce le serait d’autant plus que les modèles abondent, et que les copies de ces modèles pullulent sans que mention de l’œuvre d’origine soit toujours faite. Il serait aussi important qu’on ne confonde plus celles qui composent à partir de ce vivier qu’est la tradition, au prétexte qu’elles n’inventent pas tout ( !) et celles qui copient les créations des premières.
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(1) On lira avec profit à ce sujet » le patchwork ou la désobéissance » de Claude Fauque et Marie-Noëlle Bayard Syros -alternatives 1993Or, si on se tait sur ses sources pour laisser croire qu’on a composé soi-même ce qui doit tant aux idées et à la conception de quelqu’un d’autre, c’est ce qui se produit. C’est de plus un facteur de dévalorisation de la créativité de celles qu’on imite, puisqu’on ne va établir aucune différence entre la composition authentique et sa « démarque ».
lI y faudrait aussi une ouverture d’esprit dans les jugements et sélection des critères de « bien cousu » « mal cousu » qui n’ont aucune signification dans une optique dite artistique. C’est à l’artiste de choisir s’il va se plier à une recherche de la perfection ou s’il va s’en éloigner pour exprimer autre chose. En cet art comme en beaucoup d’autres distinguer la prééminence de la forme sur le fond conduit jusqu’à la négation du second au profit exclusif de la première. C’est en quelque sorte le vider de son sens avant même qu’on ait pu se demander s’il en a un.
Trop de rigueur en ce domaine incite à une conception sclérosante et étroite de la création. Cela maintient notre art en esclavage, celui d’une norme de « couture » qui se justifie davantage pour un vêtement que pour une création libre. C’est le ramener précisément à sa valeur « décorative-utilitaire » sans échappatoire possible.
On observe aussi une fuite vers tout ce qui éloigne de l’art du patchwork dans sa particularité originelle. On a d’abord inventé le « contemporain », puis le quilt dit d’art –comme si tout ce qui se fait en appui sur la tradition, mais en la métamorphosant et la maintenant vivante, ne pouvait être ni contemporain, ni artistique- puis l’art textile catégorie un peu fourre-tout, où on a droit de cité, pourvu qu’on utilise un peu le tissu et le fil.
Et par voie de conséquence, l’évolution étudiée sur ces vingt dernières années montre qu’on a tendance à abandonner :-la structure géométrique répétitive et régulière qui assimile cet art à la mosaïque et la marqueterie. Il est même écrit à peu près partout qu’on devient artiste dès qu’on abandonne ces structures, en user serait un stade bon pour les débutantes, corollaire automatique d’un manque d’imagination. L’équation « géométrie régulière et/ou répétitive égale tradition, égale copie ou « resucée (sic) sans imagination » est inscrite un peu partout dans l’esprit des pratiquantes elles-mêmes.
On ne concède le droit de revenir à la géométrie que pour copier l’ancien, ou se reposer avec sa prétendue « facilité ».
A mon avis, outre que c’est d’un simplisme navrant, c’est encore mal connaître le pouvoir d’expression que recèlent les géométries plus ou moins régulières – un premier infini- croisé avec la variété des étoffes – un deuxième infini. Comment ces deux infinis conjugués pourraient-ils être épuisés ? Ce qui s’épuise, en revanche, c’est l’envie de les utiliser, parce qu’on sait qu’on va passer beaucoup d’heures sur quelque chose qui sera dévalué avant même d’être regardé. Ou jaugé à la seule régularité des points de couture. Ou encore confondu avec la copie d’un modèle.- l’usage de tissus faits dits « commerciaux » auquel s’oppose le tissu peint ou teint par l’artiste (et même la fuite du tissu tout court, utiliser le plastique, par exemple, matériau plus récent étant évidemment gage d’une innovation …en textile ?)
Au train où cet art évolue, certains artistes textiles sont déjà beaucoup plus des peintres et des plasticiens de techniques mixtes que des artistes du tissu. Ouverture intéressante, enrichissante, qui n’est pas en soi condamnable, bien entendu, mais là où le bât blesse c’est quand elle est présentée comme une supériorité. On est « plus artiste » en créant de l’art textile qu’un « banal » patchwork.
On peut se demander si on ne témoigne pas aussi de la crainte qu’on a d’utiliser du tissu assemblé pour s’exprimer et surtout de s’en servir d’une manière qui ferait « couverture décorative ».
Un art du tissu –et non pas forcément un art textile- reste sans cesse à refonder. Et à défendre. Le meilleur moyen, à mon sens est de l’illustrer par des œuvres ou des ouvrages personnels, encore faut-il qu’on leur permette d’être regardés en dehors des milieux fermés qui leur sont consacrés.
Il existe bien des musées pour le patchwork, des revues de patchwork, de temps à autre un article sur le patchwork dans une revue d’art, mais ce sont un peu des « ghettos » culturels. Une place réduite et assignée. Jusque là, mais surtout pas plus. Restez où vous êtes. Presque un préjugé nobiliaire.
Il existe bien des galeries d’art s’ouvrant à l’art textile, et c’est une excellente évolution ; mais on a l’impression que si on y entrait avec un quilt géométrique sous le bras -fût-il une création authentique-, on se sentirait là comme en fraude, en crime de lèse-art « véritable ».
Rares sont également les galeries virtuelles qui acceptent des patchworks comme des œuvres d’art.
Il faudrait donc une modification et de la pratique de certain(e)s
et de leur propre regard sur ce qu’elles/ils n’osent pas considérer comme autre chose que du « bricolage à vocation pratique » et du regard de beaucoup d’autres, critiques, galeristes ,enseignants, un effort vers une connaissance c'est-à-dire une absence de préjugés et d’a priori, qui est la base de toute reconnaissance, pour qu’on n’ait plus peur de se dire « artiste -en patchwork » comme on se dit « artiste-peintre ». Et ce, quel que soit le genre de surface qu’on choisit, dans cet art, de créer. -
Keepsake- livre de trésors
- Le 10/04/2020
- Dans présentation
Je voulais un livre textile où conserver quelques souvenirs et trésors de ma collection : dentelles boutons rubans pas forcément précieux, mais certains fort anciens(celui de la couverture est contemporain du Bonheur des Dames de Zola) . J'en ai glissé pas mal dans mes crazys quilts mais je voulais une présentation différente où chaque morceau puisse mieux se distinguer que dans une surface où il est parfois un peu noyé dans le reste .
M'est revenu en mémoire un livrelu dans mon enfance intitulé Keepsake des jeunes filles (éditions Gründ) . Ma soeur l'avait eu en prix et je l'ai lu des dizaines de fois dans mon enfance. Il comportait une cinquantaine de nouvelles ou d'extraits de récits très variés insolites parfois fatastiques (certaines m'effrayaient). J'y découvris aussi des auteurs de moi alors inconnus : André Maurois, Katherine Mansfield, Pearl Buck et pas mal d'autres dont certains ne sont pas passés à la postérité . J'ai racheté ce livre il ya quelques années (et égaré depuis !) textes et ilustrations m'ouvrirent à des domaines moins familiers que les contes que je lisais alors ou les extraits de récits d'aventures des livres scolaires . Et à une grande variété, cette variété que j'aime tant dans mon art d'assemblage d'étoffes.
Me voilà donc à bâtir chaque page comme on le fait pour ces recueils -souvent richement illustrés- centrant sur deux, trois couleurs et après assemblage par technique de l'appliqué ; pas exactement du crazy où les embellissements font souvent disparaître les étoffes elles-mêmes sous une profusion de broderies , mais ce que je nommerai "ajouts' c'est à dire les boutons et les perles sont aussi des éléments à conserver et non mis là pour faire joli seulement . Avec l'idée refeuilleter pour m'y promener ...exactement comme je relirai avec plaisir le livrre quand j'aurai remis la main dessus . (c'est fait !)
Un plaisir aussi de composer chaque page , à ma façon .
Les broderies sont aussi juste du 'liant" j'ai privilégié les rubans de soie , précieux eux aussi .Le livre comporte 16 pages , on peut en voir quelques-unes ci-dessous et j'espère que chacune saura vous livrer son histoire !
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Coronavirus et masques en tissus
- Le 21/03/2020
En cette période de crise beaucoup d'entre nous bricolent des masques de tissus . J'ai trouvé hier sur Facebook relayé par quelqu'un d'autre cet article qui me semble faire le point intelligemment au vu des conaissances de la bloggeuse . Tant qu'à faire si nous devons contribuer faisons-le le plus efficacement possible : Lien ci dessous . il est important de TOUT LIRE.
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Texte, textile image et illustration
- Le 08/03/2020
Une idée est communément répandue, c'est qu'un bon texte n'a pas besoin d'image pour exister et on y voit souvent, seulement, une sorte de dorage de la pilule poétique, ou au contraire une concurrence déloyale (on regarde plus facilement une image qu'on ne lit un texte surtout sur écran).
Ce qui ne signifie nullement qu'une image soit plus facile à décrypter. Sur cet éternel débat -je fais fleurir les marronniers) je dirai nettement : pour moi si l'image n'apporte rien au texte, elle ne lui enlève rien non plus . Si elle lui nuit, c'est dû à la paresse des lecteurs-regardeurs , et non au fait que les deux rivalisent) . Le remède serait une vraie attention à ce qu'on lit et regarde, mais sur écran et en période de clic et de zapping ... il ne faut pas trop rêver .
Et, surtout, on confond souvent plusieurs manières d'établir ce duo texte-image. C'est un peu ce qui me gêne qu'on parle d'illustration dans tous les cas de figure alors que les démarches, à cet égard peuvent être très différentes . Les compétences pour ce faire, aussi !
Celui qui crée le texte peut avoir aussi créé l'image . C'est ce que j 'ai fait par exemple dans le recueil Noctu-ailes , ou le Chant des couleurs plus en coÏncidence encore. Ou dans la botanique alternative (cf liens ci contre , dans la rubrique textes et textiles)
Illustration de noctu-ailes (en numérique)
Dans le Chant des couleurs j'ai tenté un peu autre chose cette expérience concomitante entre deux inspirations textiles et textes semblant jallir d'une même source .
Celui qui crée l'image peut le faire à partir d'un texte (ce fut le cas de mes expériences sur les contes ou de l'exposition Text-iles) ou plus récemment sur un recueil de la poétesse Jeanne Maillet (article à venir) . Je précise : je ne le fais qu'avec l'accord de l'auteur . Et si du moins je le peux, quand on me sollicite car certains textes ne s'imagent pas en moi , même si je les aime extrêmement . Et en nuançant encore : illustrer l'ensemble d'un recueil , c'est différent d'ilustrer chaque poème d'un recueil par une image.
Image pour Eléments sur un poème de Jean-Marc Riquier (exposition Text-iles LGR 20004 -Paris)
Celui qui crée des images a parfois besoin d'un texte poétique en accord . Là encore c'est une autre expérience.
Je voudrais évoquer ici le double travail en accord et harmonie avec Josiane Hubert (éditions Vincent Rougier ) :
Dans Chambre d'échos Jo a écrit sur mes images ,à ma demande et dans Fondus au noir c'est moi qui ai écrit sur ses dessins . Oeuvres de sororité profonde, dans les deux cas qui donnent deux ouevres de tonalités très différentes.
J'ai écrit sur des tableaux -quand on me l'a demandé et que je pouvais.Ou des "corpus" d'illustrations comme dans le livre avec Nicole Pessin : Licornes et sortilèges (à paraître et article à venir).
Ces expériences m'ont beaucoup enrichie (quand je sens que je peux, je les tente toujours ) .
Déjà, il est très différent d'illustrer son propre texte (et moins risqué, je l'avoue !) que celui d'un autre poète , il faut alors essayer de saisir l'esprit du texte, adopter une lecture (et dans les textes vraiment riches et profonds, il y en a tant de possibles), éviter la tentation de rendre trop littéralement , ou la facilité de l'évasif , parfois on regarde l'image et le texte et on ne voit aucun lien, on se dit que la même image pourrait aussi bien s'accorder avec n'importe quoi d'autre, ce que je nomme l'évasif et le passe-partout .
Quand on écrit sur une image, ou un ensemble d'images il faut que les mots viennent de sa force intime d'émotion (celle de l'image) il ne s'agit pas de "décrire" bien entendu. Je me sens plus à l'aise, pour ma part, dans une approche poétique que narrative.
Pour moi c'est très différent de la démarche qui consiste à choisir une image et à la poser en face d'un texte, les deux n'étant pas de celui qui réalise le duo . Cela, je ne l'ai jamais fait, et sans doute il y faut un don d'harmonisation, que je ne me sens pas posséder vraiment, d'autres y excellent .
Ainsi quand on tient dans la main un recueil illustré quand on regarde sur un réseau social un texte illustré, j'aimerais qu'on sache à quel type de lien entre texte et images on a affaire . Car ce n'est pas du tout la même élaboration et si on fait toujours comme si c'était juste posé là pour embellir - on rend l'image superficielle . Or illustrer est un travail rigoureux, écrire sur une image préalablement créée en est un autre. Je ne lis pas tout, mais je vois pas souvent cette différence soulignée, ni même signalée. Songer que dans un cas l'image n'existerait pas sans le texte, dans l'autre cas c'est le contraire : le texte n'existerait pas sans l'image (dans les deux cas, que j'ai expérimentés, je me sens dette à l'égard du "créateur premier ") , dans le troisième cas celui qui harmonise crée l'association , qui n'existerait pas non plus sans les deux oeuvres préalablement existantes.
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Figures de style : l'oxymore ou la punition jouissive
- Le 13/02/2020
Cf pour autre figure de style l'article Dorica castra sur le blog
La deuxième figure de style que j'ai décidé d'illustrer en textile est l'oxymore . Elle consiste à allier dans une même expression deux termes contradictoires, voire inconciliables, différente de l'antithèse qui n'est que juxtaposition des contraires, elle implique que justement les deux inconciliables existent l'un dans l'autre, voire l'un par l'autre. L'oxymore c'est "cette obscure clarté qui tombe des étoiles" et la clarté est à la fois claire et obscure et non pas de l'ombre et de la lumière juxtaposées.
L'oxymore est un domaine qui me sied puisqu'il me permet justemet d'harmoniser ce qui se heurte en moi sans que ça tiraille trop. L'harmonisation suprême, en quelque sorte.
J'ai pensé à cette punition dite "stupide" qu'on nous donnait quand nous étions enfants : "vous me ferez cent lignes" et que ceux qui aimaient écrire pour le geste d'écrire affectionnaient (j'étais de ceux-là même si je n'ai pas le souvenir d'avoir été punie de la sorte-oui proablement !) . Impossible aussi de me souvenir si comme professeur j'ai pratiqué cette mesure de rétorsion critiquée par les éducateurs progressistes -je ne crois pas maisje n'en jurerais pas !
Donc j'ai adapté en broderie ce pensum que je voulais jouissif, pour un plaisir mêlé à l'obligation, peut-être venant d'elle. Obéir en désobéissant est à mes yeux merveilleusement subversif.
Les lignes sont devenues des frises de motifs répétitifs, le plus souvent, mais aussi de rubans, dentelles, boutons . Histoire de rappeler que pour moi les motifs sont langage où qu'ils se trouvent et non pas seulement décors pour enjoliver. Il s'agit donc bien de lignes d'écriture textile.
Avec la part de la contrainte du nombre : cent lignes de broderie ou travail textile
Et l'usage du point de croix compté -que je n'aime pas trop réaliser (j'y ai pris goût ce faisant; ce qui fera sourire les vraies "crucifilistes" mais il fatigue vite ma vue malgré l'usage de loupe ), mais pas exclusivement .
Joie presque enfantine aussi à choisir pour chaque page fils, rubans, boutons de ma collection à jouer aussi avec les fils de coloris nuancés , à harmoniser chaque page avec un tissu de fond puis les doubles pages en vis à vis.
Les motifs de frise sont empruntés un peu partout et ce fut aussi une joie d'organiser chaque page, sous forme de petit "sampler " vu que j'affectionne ces recueils de motifs et de points que réalisaient les brodeuses d'autrefois, qui sont souvent bien davantage que de simples répertoires et témoignent d'un choix et de la personnalité de qui les a composés.
Autre désobéissance jouissive : ne pas normer mes points en broderie dite "libre" et accepter quelques menues erreurs dans la réalisation des diagrammes (qui ont produit donc des variantes de motifs.)Travail d'écriture personnelle donc et non calligraphique -je tiens à cette différence .que mes amies soucieuses de perfection normée le comprennent ! Merci.
On peut voir les photos des pages et des cent lignes sur la la suite du billet.
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Art textile ou l'ambiguïté structurelle
- Le 09/02/2020
Art textile ou l’ambiguïté structurelle
par Jacqueline Fischer(article paru sur les site arts-up vers2010 que je reproduis ici pour le rendre plus accessible que par lien)
Si on se fie au dictionnaire, qui dit textile dit tissu et qui dit tissu implique une technique particulière de construction de fils par entrecroisement sur un métier plus ou moins élaboré de fils de trame et de chaîne.
Or si on compare cette simple référence lexicographique à ce qui est nommé en France actuellement « art textile » on s’aperçoit que c’est un des arts où le medium de base -le textile- est le plus fluctuant dans sa définition, dans la manière aussi dont les artistes le perçoivent et l’utilisent.
Si on observe la simple fabrication, on assimile au tissu des surfaces obtenues par d’autres moyens d’entremêler les fils ou fibres : tricot par exemple. Le jersey est un assez bon exemple de tissu non tissé au sens littéral du terme mais tricoté.
Les tissus obtenus par le crochet y sont apparentés.
Le tissu à l’origine se place à côté du feutre obtenu par tassement des fibres. Le feutre était utilisé pour ses qualités de solidité, isolation et imperméabilité relative, tandis que le tissu permettait du fait de son articulation structurelle beaucoup plus de souplesse. Il semble qu’on rattache aux tissus les surfaces qui s’y apparentent soit par la souplesse, soit par la texture. Ainsi ce que les anglo-saxons appellent le Fiber Art inclut-il par exemple, la vannerie.
De même un textile, même à usage vestimentaire ou d’accessoire, n’est pas forcément souple : la paille de riz par exemple dont on fait certains chapeaux produit un textile rigide.
Outre le feutre, on a vu se poser à côté du tissu et se recommandant de la valence « textile » : l’intissé qui est proche du feutre puisque les fibres sont tassées non entrecroisées, le plastique qui est assimilé par sa relative souplesse, le papier au vu qu’il est formé de fibres et parfois même de textile récupérés, et toutes sortes de matériaux empruntés à d’autres usages certains détournés , d’autres créés à cet usage.
De même toute matière tissée devient textile .
Dans sa composition, le tissu lui-même même si on s’en tient à son acception stricte de tissage n’est pas matière mais matières , les fibres qui le constituent empruntant au végétal, animal , mais aussi au chimique. Les plus récentes inventions produisant des étoffes dites « intelligentes » censées nous soigner,ou parfumées par micro-encapsulation.
Dans ses emplois sémantiques, le terme désigne aussi la matière vivante : nos tissus organiques qui ne sont pas sans relation de structure avec les étoffes1.
Le premier geste qu’on fait envers un nouveau-né est de le vêtir, et la coutume d’envelopper les morts dans un linceul n’est pas partout dans le monde obsolète.
Tout le monde connaît les légendaires Parques qui de la naissance à la mort filent le fil de nos existences. Elles ne le tissent pas cependant...et le lexique abonde de métaphores textiles liées à notre existence.
Lié à notre vie, à notre histoire, à la guerre des sexes aussi (voir comment les féministes ont renié et rejeté certains arts textiles jugés par trop symboliques de l’aliénation de la femme à son foyer, rejet dont notre discipline porte encore trace2 . Le tissu ne peut pas être un matériau neutre et malléable pour l’artiste qui le travaille. Le tissu des vêtements comme celui de la décoration ont toujours eu des vocations multiples : utilitaires, décoratives, et symboliques par les codes transmis, civils ou religieux. (qu’on songe aux livrées des laquais pour ne prendre qu’un exemple),Si on veut classer ce qui ressort de l’art textile actuellement, on peut distinguer de façon non exhaustive et encore très schématique :
- Les arts textiles par manipulation du fil : soit pour en créer entièrement la surface (tapisserie ) soit pour la recouvrir (broderie sur support plus ou moins couvert ),à mi-chemin des deux la broderie sur canevas improprement appelée tapisserie ( tapisserie elle-même n’étant nullement monolithique dans ses techniques), le support est parfois détruit après le travail ou inexistant comme dans la dentelle(là encore il existe une pléthore de techniques)
- Les arts textiles par assemblages d’étoffes patchwork -si on n’a plus peur du mot ! - dans tous ses types d’assemblages, domaine encore très mal connu quoique très ancien lui aussi. Et dont j’ai expliqué ailleurs combien il pouvait être décrié.
- L’art textile par création de vêtements (encore que la Haute-Couture ne se présente pas toujours comme un art textile) ,.
A ces arts d’assemblages des fibres, fils ou étoffes s’adjoignent :
- Les arts textiles où le tissu semble être plus non un medium mais un support qu’on teint, peint ou imprime et où l’artiste est plus artiste graphique qu’artiste utilisant un tissu avec ses particularités (couleur,motif, brillance, texture) comme medium ; il crée le tissu avec lequel il travaille comme le peintre peint sa toile. Il est même parfois assez difficile de discerner la limite entre l’art textile et la peinture tout court quand le travail de peinture prévaut sur celui du textile, qui peut n’être là que comme ajout , à ce point que dans certaines expositions d’art textile, les règlements spécifient le pourcentage de textile exigé , tandis que dans d’autres on a pu voir récemment le mélange de matières imposé pour éviter- je cite- « le carcan de la fibre », alors que ce mélange peut s’obtenir par les tissus eux-mêmes. On s’interroge donc sur ce besoin d’ajout « non-textile », tandis que certains peintres eux, ouvrent leur discipline par ajout de matières à la peinture (sable, terre et même ...tissus !
- Des arts dits de mixed media où on procède par ce que les anglo-saxons appellent layering c’est à dire travail d’une surface en différentes couches, art apparenté aux précédents, puisque les diverses épaisseurs incluent peinture, colle, matériaux divers dits innovants , d’où la dénomination de « texture » qui rapproche ces démarches des Beaux-Arts avec le désir avoué souvent de les démarquer de ce qui risquerait de paraître de l’artisanat domestique voire de l’ouvrage de dame..
- Au delà on voit souvent nommer art textile tout ce qui tient à un fil : des poupées cousues en étoffe, expressives peut-être par le medium choisi, mais surtout en tant que sculpture tri-dimensionnelles sont ainsi classées parfois « art textile » , alors qu’elles pourraient l’ être aussi sous l’étiquette sculpture. De même trouve-t-on dans les revues d’art de la broderie, outre-Manche et outre- Atlantique des oeuvres dont le seul rapport avec l’art « premier » est le fait de piquer des objets divers sur un support.
- Les installations en vêtements ou morceaux de vêtements, et fils auxquels les créateurs attachent peu ou prou des valeurs symboliques, ou des pouvoirs de réminiscence, de suggestion, d’émotion. Là le textile est moins utilisé pour sa fonction esthétique ou sensuelle -ou pas seulement - mais aussi pour la charge affective et émotionnelle symbolique qu’il transmet.
En tant qu’artiste textile, on se rend vite compte qu’on ne sera pas considéré également selon qu’on exercera dans tel ou tel domaine cité ci-dessus.Le résultat -l’oeuvre- sera par exemple proposable ou non en galerie d’art selon qu’il appartiendra ou non à une pratique prisée et reconnue prestigieuse, du moins dans le moment.
Quand par hasard une revue d’art traite de broderie ou de patchwork, elle gomme tout ce qui pourrait rappeler l’art « premier » et ce côté « ouvrage de dame » dont on se défend. comme étant dévalorisant tandis que, comme ajout « culturel », les revues de patchwork ou de broderie consacrent moult pages à des plasticiennes textiles qui sont souvent des artistes de mixed media., j’entends par là que le textile dans leurs oeuvres est très loin d’occuper toujours une place prédominante.
On retrouvera cette même ambivalence dans l’art du fil qui va du fil de soie au fil de fer en passant par le fil de colle, ce qui rend parfois pour l’observateur d’une exposition dite textile le fil conducteur difficile à trouver...
Si on s’en tenait à l’observation, d’ailleurs tout irait bien, mais comme le plus souvent de telles manifestations sont associées à des sélections, concours, prix et récompenses on se demande quels critères sérieux peuvent présider à un classement d’oeuvres aussi disparates. Et quel membre du jury est assez instruit des diverses valences de l’art dit textile pour en juger équitablement.
Depuis bientôt quinze ans voit-on appelés « textiles » des œuvres où le tissu , ça peut être tout autre chose. Et même parfois tout et n’importe quoi, et cela ne serait nullement dommageable - somme toute l’art importe beaucoup plus que le medium utilisé pour s’exprimer, si ce que je nomme des « hiérarchies insidieuses » ne se glissaient pas dans les regards portés sur les créations .
Cette attitude porte à s’interroger surtout quand elle est corrélée par le mépris total envers les arts « premiers » du tissu et du fil . Ainsi ai-je trouvé dans la présentation d’un groupe d’art textile novateur, les clubs de brodeuses, dentellières et quilteuses qualifiés d’ouvroirs -sic-, tandis qu’on revendique haut et fort en opposition, le droit d’être muséable ou exposable en galerie d’art pour tout ce qui n’en est pas. Pour les autres, leurs expositions internes suffisent, c’est posé comme indiscutable. En clair : « Restez dans votre ghetto et laissez les vrais artistes entre eux ». Qu’il puisse aussi exister en broderie, dentelle et patchwork des artistes créant librement et de façon indépendante, hors-ouvroirs en quelque sorte, n’est même pas envisagé. Seule la tapisserie est épargnée - sans doute parce que c’est l’art premier entre les premiers. Il est vrai ce ne fut jamais -sauf sous forme de canevas brodé également décrié- un art vraiment domestique et féminisé.
On sent assez le mépris sourdre, même si on concède admiration pour la réalisation ou la virtuosité. Pour la création, non, puisqu’elle est niée. On parle d’ouverture en laissant à la porte celles qui continuent de faire évoluer des arts plus anciens et plus modestes On en parle comme si elles faisaient toujours la même chose, ce qui atteste d’une grande ignorance des dites oeuvres.
Il me semble qu’on serait beaucoup plus novateur ou révolutionnaire en proposant dans les lieux consacrés aux « grands arts » ce qui a en toujours été injustement exclu, et donc broderies, dentelles et quilts qui sont des arts éminemment textiles dans l’acception première du terme.. Même s’il est tout à fait souhaitable d’ouvrir à d’autres manières de s’exprimer avec tissus et fils.
On rêve donc d’un art textile, dans toutes ses valences, qui n’évoluerait pas en considérant comme inférieur artistiquement ce que la société et ses intelligentsias rejettent, mais qui les accepte et les assimile sans préjugés. Un ouvrage émanant d’une source ancienne avec des matériaux et techniques millénaires peut innover par ce que l’oeuvre propose et signifie tout aussi bien que les créations qui s’appuient sur des sources d’inspiration plus récentes.
On aimerait un domaine où les Beaux-Arts et l’artisanat d’art pourraient enfin voir leur frontières s’abolir précisément en raison de la polyvalence du matériau utilisé et de l’extraordinaire variété de cet art composite. Or, c’est le contraire qui se produit le plus souvent puisque les clivages se reproduisent à l’intérieur-même de la corporation et semblent admis par tous. C’est infiniment dommage, quoique dommageable seulement aux plus humbles et à ceux et celles qui ne pensent pas et ne créent pas « dans le droit fil ».
1. Voir sur notamment l’article Biologie de Charles Auffray in le Dictionnaire culturel du tissu coordonné par Régis Debray et Patrick Hugues - Babylone/ Fayard 20052.On peut lire à ce sujet The Subversive Stitch de Rozsika Parker . Academic Librairy book review 1990
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Le bien écrit , le bien brodé, le bien cousu
- Le 04/01/2020
Pour moi , qui manie le stylo et même la plume (les célèbres sergent-major!) (-aujourd'hui le clavier) et l'aiguille depuis mon plus jeune âge ... je me suis heurtée souvent à ces jugements : bien-mal écrit bien-mal cousu ou brodé ....
Le "bien écrit" visait autrefois, à l'école l'aptitude à maîtriser une écriture cursive - calligraphique- les modèles de mon institutrice en attestent : pleins et déliés parfaits . Pour moi enfant qui apprenait, l'image même de la perfection normée . Avec déjà cette tentation d'y tendre, cette certitude de ne jamais y parvenir et une tendance exactement contraire qui me poussait à écrire selon mon tempérament.
J'en ai écrit aussi dans mon premier récit long La Demeure Mentale :
" Dans le cahier, le domaine des majuscules demeura longtemps inexploré. Une main experte -celle de l'instituteur de Pierre, sans doute- les avait calligraphiées. Mes essais maladroits ne pourraient jamais, j'en étais pathétiquement certaine, atteindre l'admirable perfection des pleins et des déliés magistraux. Pendant plusieurs semaines, accomplir cet exploit devint mon unique but. J'étais persuadée que leur achèvement m'était interdit ; il représentait cependant pour moi le summum de la beauté. Cette distance leur conféra le prestige et les grâces des princesses lointaines, inaccessibles et emmêlées dans les souples méandres de leurs boucles sobrement nouées."
J'ai manuellement une écriture difficile à lire-sauf si je ralentis mon rythme et m'applique- cela vient du fait que ma pensée va très vite et que si je ne suis pas sa vitesse je perds des idées en route . Je tape trop vite (je parle trop vite aussi) aussi ce qui provoque des fautes de frappe nombreuses -dont je vous prie de m'excuser d'autant que fixer les écrans m'étant difficile, je les vois de moins en moins. Je corrige chaque fois que je repasse ici.
Il ya ce "bien écrire" calligraphique et aussi ce "bien écrire" qui consiste à respecter la syntaxe et l'orthographe (ce qui n'est pas la même chose du tout) . Les fautes d'orthographe grammaticale entravent beaucoup plus la compréhension d'un texte que les lexicales. Je suis indulgente aux réels dyslexiques, je le suis moins aux je m'en foutistes et aux "j'écris pour ME comprendre, MOI" .Le langage n'a pas pour fonction essentielle de parler à son nombril ou entre ceux qui sont du club ou clan aux dépens de ceux qui n'en sont pas .Certes la fixation et la normalisation de l'orthographe est historiquement discutable à l'infini, elle a permis tout au moins d'avoir un code commun.
Le écrire bien "sans fautes" n'est du reste pas si aisé, même aux spécialistes et c'est pour quoi j'ai accepté quand l'éditeur Jacques Flament m'a demandé d'extenser ma chronique de langage en livre .
. Aucun écrivain ne confondrait ces arts de "bien écrire" celui qui touche à la calligraphie et celui qui touche à l'orthographe(toutes deux qualifiées parfois jadis de "sciences des imbéciles" avec l'intérêt littéraire d'un texte .
On m'a souvent dit , à cet égard , côté lecteurs et lecteurs de différents milieux et goûts, à cet égard, que "j'écrivais bien" , . Côté édition-quand c'était lu! - c'était plutôt considéré comme une qualité trpp "scolaire" trop "conformiste". (trop bien écrit" trop classique, quoi !) Qui croire alors ? Beauoup de personnes, ne se connaissant pas entre elles, ayant des goûts littéraires différents et même franchement antagonistes. Certaines tout à fait "autorisées" à en juger. Je ne sais pas ce que ce "bien" recouvre, mais j'ai eu le sentiment de la reconnaissance d'une maîtrise de mon outil d'expression pour faire coIncider au moins un peu la forme et le fond ce que j'appelle "exactitude", "justesse" . Et je comprends le recours aux autres langues, dialectes y compris quand la langue commune fait défaut ou aux inventions de mots .
Chose que je pratique aussi en art textile. car pour moi c'est un langage textile plus qu'un art textile que j'entends exercer . J'assemble et je brode les tissus comme un autre langage , poétique le plus souvent, je l'espère . Narratif parfois (l'un n'exclut pas l'autre) . Or ce langage n'est ni étudié comme tel, ni reconnu il passe par les sens mais aussi par les symboles il se "lit" il propose tout comme un texte écrit -ou une oeuvre graphique plusieurs niveaux de lecture ou d'appréhension, si on veut ... Et je me sens un peu seule, à cet égard, parmi ce que je nomme "la corporation" . Si on veut en savoir davantage lire le bonheur en lisière .
Mon premier art pratiqué fut la broderie , si proche du geste d'écrire . Il existe des milliers d'oeuvres associant lettres et textiles ; abécédaires, monogrammes, marquoirs -noms ou initiales brodés sur les vêtements pour les reconnaître , à une époque où on déléguait ce soin à une blanchisserie -Samplers , ces recueils de motifs que j'aime particulièrement car ils allient justement mes deux écritures : celles avec mots et lettres et celles symbolique des motifs .
Ce que je regrette, en broderie c'est précisément la perfection formelle érigée en dogme . En manière d'éliminer.J'en ai parlé dans cet article
qui consiste précisément à confondre l'écriture calligrahiée et l'expression personnelle par le motif brodé.
Pour les lettres ainsi on a le choix entre une écriture impersonnelle et parfaite comme celle que j'ai choisie pour la lisibilité des textes :
ou sa propre écriture personnelle très imparfaite pour la mienne mais qui montre caractère et tempérament ce qui fut mon choix pour le Chant des couleurs.
Dans les deux cas ce choix n'était pas d'obédience à une quelconque perfection technique "obligatoire" , mais de significatIon .
Pourquoi la broderie serait-elle juste un art de perfection formelle où s'effacerait l'âme le coeur les sensations de qui brode ? Une broderie parfaite ne reflète que cette peerfection certes difficile à atteindre , avec derrière un relent d'abnégation, d'effacement de soi, admirable certes, mais hélas, si souvent prôné aux femmes pour les maintenir dans leur rôle social d'inférieures aux hommes surtout côté Beaux-arts, et ne pouvant donc s'illustrerqu'en manifestant ces vertus . Ce qui, certes, n'est pas méprisable mais tend à enfermer dans l'admiration de la technique aux dépens de la vraie création. 'Un kit parfaitement réalisé ou un modèle copié intégralement, sur les réseaux sociaux est plus admiré qu'une création authentique où les points seront volontairement moins normés, et expressifs donc .
J'aimerais qu'on y réfléchisse, vraiment . Si on assimile, déjà , en valeur artistique, la copie d'un modèle à la création - on fausse le jeu.
C'est idem en patchwork , côté bien cousu ,surtout si on a un point de départ dit traditionnel (quand il n 'est qu'un choix esthétique je n'ai jamais eu le désir de perpétuer une tradition ! ! ) Ainsi j'ai découvert assez vite que si on use des "blocs" -ces carrés répertoriés on n'a pas droit à l'erreur, tandis qu' avec un dessin dit "personnel" là on a tous le droits, même si ce dessin est d'un simplisme volontaire .Or je fais les deux, Et je refuse qu'on m'assigne au seul "bien cousu" dans le premier cas .
Ce que je voulais aussi et veux toujours c'est cette écriture par les motifs réassemblés, les formes et les couleurs. éventuellement le matelassage -mais sans qu'il soit une obligation. Autant vous dire et je l'explique dans mon livre Jeux d'étoffes et aussi dans cet article., que si je suis entendue, j'ai toujours eu l'impression que c'était un peu façon "laissons-là causer c'est son dada ' . Ce n'est pas un dada mais un questionnement sur mes arts.
Ma vie ma passion. Pas un passe-temps. Et surtout pas de la patience!