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Textes et textiles : le point sur quinze ans d'expériences variées
- Le 13/12/2019
NB : Le détail est sur le menu expériences textes et textiles, cet article c'est un peu le - ou plutôt les fils conducteurs . Les expériences plus .. monolithes -si je puis dire- où l'artiste développe pendant vingt ans la même approche sont plus faciles à saisir . Je vous offre donc ce fil d'Ariane , si le coeur vous dit de me suivre en ces labyrinthes .
Quinze ans -et même un peu plus- puisque mes premiers essais pour lier textes et textiles remontent au milieu des années 90 lorsque je faisais une couverture pour ma fille sur le thème du Petit Chaperon rouge, suivi ensuite de crazys quilts illustrant les contes de fées comme ce Peau d'âne
Il ya donc ce premier mode de liaison : celui de l'illustration d'un texte par le textile . Elle a culminé pour moi avec l'exposition Textes-iles en 2004 -illustrations sur des poèmes choisis et précis, d'autres poètes (de préférence) ou de moi-même )à La Librairie Galerie Racine ,rue Racine, à Paris. s'est poursuivie avec l'expérience des Coquelicots (illustration d'un thème) et je la poursuis encore puisque je suis en train d'illustrer cette fois un recueil dans son ensemble .
Avec de longues interruptions dues au fait que beaucoup de poètes n'aiment pas l' idée d'être illustrés-la thèse selon laquelle le texte se suffit à lui -même et que l'illustration plus facile à appréhender, lui ferait concurrence, en quelque sorte. Et moins encore en textiles (on préfère un vrai grand art estampillé Beaux-arts pour ce faire, le prestige le prestige toujours ! et l'idée qu'illustré par de "l'ouvrage de dames" le texte se dévaloriserait ipso facto .J'ai donc essuyé pas mal de refus .
Et aussi au fait que j'avais d'autres pistes à explorer .Et j'en ai encore. Pour dix vies au moins ou mille puisqu'une "envidée" en engendre une autre .
Je préfère l'idée d'ouvrir des pistes que d'exploiter toujours le même filon -du moins le temps qu'il plaît. J'ai mes exigences, je les suis .Mon côté Calamity Jane-plutôt que Dear Jane -le Dear Jane étant un quilt maintes fois copié ou interprété .!
A chaque fois un abord différent -ce qui me séduit- où l'image textile, dans mon idée se doit de dialoguer avec l'oeuvre poétique ; une idée que je développe dans tout un chapitre de mon Livre Jeux d'étoffes, paru fin 2010.
J'ajoute qu'à la différence de beaucoup d'artistes je ne relie pas souvent le texte et le textile en écrivant sur l'oeuvre elle-même . Disons que je ne le fais qu'en accord avec l'auteur du texte (quand il ne s'agit pas des miens) et pour les miens si je pense que c'est le bon moyen pour ce texte-là . Je n'aime pas quand un moyen devient un procédé.
Deux text-iles proposent cette méthode de liaison texte et écriture. Ci dessous : illustration du poème : la pierre sur la pierre .
En 2006 quand j'ai commencé le chant des Couleurs j'ai tenté tout autre chose, vraiment une concomitance des poèmes et du tableau comme deux manières de chanter les couleurs en simultanéité mais par deux mediums différents, simultanéité un peu différée dans la réalisation par le fait qu'écrire prend moins de temps que de composer un tableau textile surtout à la main . Et là le choix de mon écriture manuscrite même si elle n'est calligraphique , ni très lisible est aussi un choix "pensé et voulu" en liaison avec la visée première : lier le geste d'écrire et celui de broder de la même main .
Tentative qu'on retrouve dans les triptyques des avatars où le point de départ est une image numérique (souvent développée en variantes par ailleurs), sur laquelle un texte s'est imposé -c'est donc l'inverse d'une illustration ; lequel texte a été brodé main sur toile régulière afin de permettre, cette fois, une bonne lisibilité .
Dans Le précis de botanique alternative c'est le nom créée de la plante qui a suscité la broderie et le texte en étroite complicité, en effet le nom a donné naissance au dessin puis à la broderie puis au texte avec des retours de l'un à l'autre et souvent des ajustements et des modifications. Oeuvre constituée d'un livre unique dit d'artiste et d'une matérialisation imprimée de quelques exemplaires .
J'ai usé de tissage sommaire pour Les livres tissés des poèmes tramatiques car les titres des recueils Trames et chaînes m'en avait donné l'idée . ça collait au propos si je puis dire .De même le tissage de l'objet textile Textimité a-t-il lui aussi un lien étroit avec la démarche , je n'ai jamais réussi à ne pas ancrer fortement les gestes entre textiles et les textes . Or ces gestes textiles ; filer, tisser, broder, assembler des étoffes ne sont pas pour moi signifiants à l'identique dans leur liens avec les textes , et une métaphore lointaine rattachée au thème "texte-textiles"ne me satisfait pas . Il faut que quelque part cela se cheville , aussi.
Le geste de broder et la juxtaposition d'étoffes en une composition est un des points de rencontre favoris pour moi entre mes deux arts -ou deux de mes arts plus exactement ), alors que je le souligne, pour une majorité d'artistes travaillant sur le même créneau si je puis dire, c'est la métaphore du tissage qui en raison de l'étymologie domine . Le tissu pourtant y est chez moi partout mais comme les mots : venant d'ailleurs et tissés par d'autres, modelés par les âges et l'usage avant que je travaille en composition. Rien pour moi ne sera jamais plus proche d'un texte que pour d'autres ce soit autre chose me ravit , j'aimerais cependant parfois que ce que j'essaie de travailler et d'illustrer ait ...un peu plus de partage et de lumière, mais si oui je sais c'est compliqué (j'avais parlé de labyrinthe ).
Les autres expériences présentée dans la catégorie expériences textes et textiles sont toutes importantes , mais je veux pas alourdir l'article . Petit appel du pied surtout côté textiliennes l'expérience Touches, où les textes ont en quelque en sorte appelé des tissus correspondants (au sens baudelairien du terme) peut peut-être vous intéresser ....voire..vous toucher plutôt que de rester ..sur la touche .
Actuellement je développe une lecture des motifs-poncifs comme une forme d'écriture parallèle et je demande qu'on essaie de comprendre que mes quilts jugés purement "décoratifs" ont aussi pour moi cette valeur-là . N'espérant plus convaincre grand monde, mais le tentant toujours, toutefois . L'obstination est un de mes vices ou une de mes vertus c'est comme on le veut . Et j'explore aussi les figures de style et.. et .. j'ai toujours des "envidées" nouvelles.
et si vous êtes arrivés jusque là merci de votre attention .
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sites de broderie contemporaine et réflexions adjacentes
- Le 06/12/2019
J'aime observer en broderie comme en patchwork , comme dans toutes les valences de l'art textile actuel , les tendances de mes contemporaines , voir comment notre art évolue . Pas pour copier ou imiter, mais pour savoir, tout simplement . Parfois admirer parfois rester un peu plus critique ; je réfléchis beaucoup moi-même à ma pratique, même si -je le redis une fois de plus- n'étant ni professionnelle ni brodeuse de loisir , ni traditionnelle, ni contemporaine selon les critères imposés, je ne me situe nulle part dans le paysage. L'oeuvre des autres nourrit cependant mon imaginaire, j'ai ce besoin quoiqu'hors-jeu hors piste et bientôt hors service , d'être reliée au "ce qui se fait" .
J'ajoute je n'ai pas la prétention d'être exhaustive , et je centre ici sur ce qui est présenté comme broderie .
Je signale d'abord le blog le temps de broder qui en dehors de cette page de présentation de brodeuses, comporte maints articles très intéressants et parfaitements documentés (avec reconnaissance des sources -ce qui est à saluer !) .Malhutresement le site Le temps de brider a disparu celui qui xiste actuellement sous ce nom n'st pas le même. (ajout 2024)
Parmi les brodeuses présentées dans ces portraits , je salue au passage le tandem Beaney-Littlejohn , qui a tant appris aux contemporaines françaises du début des années 2000 à une époque où innover c'était surtout importer -sans toujours le dire- des techniques pas encore connues de celles qui n'avaient pas internet ou lisaient mal l'anglais. Leur travail m'a souvent fait rêver, leur sens des matières surtout et des couleurs et des textures pas encore mises à toutes les sauces , j'ai lu leurs livres avec intérêt, je les relis souvent pour le plaisir des yeux et de l'esprit , je leur dois sans doute beaucoup à cet égard , quoique je reste une brodeuse main . On pourrait y ajouter dans la même mouvance Maggie Grey et la regrettée Valérie Campbell-Harding . Elles ont contribué à faire connaître notamment le travail du "layering" qui consiste à travailler en superpositions . Sans oublier Gwen Hedley dont le livre effets de matières broderie créative a pas mal inspiré nos artistes il y a déjà presque 20 ans .
Ce site peut compléter ces tentatives de "sortir la broderie" de ses cadres et de ses liens et donne un aperçu de brodeuses qui sont artistes parce qu'elles ont une "démarche" -à la différence des indécrottables traditionnelles qui s'appuient sur ce que fut depuis tous les temps la broderie et même avant l'existence du tissu quand on brodait sur peaux de bêtes ou écorce par exemple . J'ironise un peu , certes, mais certaines démarches justement dont je veux bien saluer l'exploit, l'effort et le caractère d'innovation puisque c'est le maître mot ... à bien y regarder s'il y innovation sur le support ( pierre, bois parfois, grille de jardin seau percé etc .. pour le point compté, ou body art) en broderie , au niveau des points , des fils et autres matières , j'éprouve comme un manque . ça ne me comble pas .
Cette affaire de support qui donnerait une sorte de supériorité et de l'imagination me laisse un peu rêveuse . Je note qu'en point compté notamment que ce soit sur grille métallique ou seau percé, les motifs ne brillent pas par leur nouveauté, eux . On me dira que c'est voulu . Moi je crois que c'est la limite de ce type d'innovation et de ces choix : on se fait remarquer par l'insolite mais ensuite -on est souvent bloqué par les possibiltés limitées des points et des fils sur ce type ce support . L'art serait donc uniquement dans l'exploit technique ? ou le "je fais ce qui n'a jamais été fait avant moi " . On est toujours un peu dans l'optique de dénaturer un art (une brodeuse du premier site dit "déconstruire" mais elle ne déconstruit rien, elle change juste le support !) . En fait ce qu'on fuit c'est toujours la ressemblance avec un art domestique et dit "de loisir" qu'on veut éviter, comme la peste.
Le summum du support qui vous sort du lot c'est peut-être la démarche de l'artiste Eliza Bennett. qui brode sur les épaisseurs superficielles de sa peau (sans se faire saigner) J'ai noté d'autres démarches analogues,parfois un tantinet plus gores, je ne saurais dire qui a commencé et est "la première" . Certes je salue la démarche, l'exploit, le courage , mais là encore cela met un tantinet mal à l'aise . Je ne condamne rien - qu'on me comprenne l'art est libre- mais mon opinion l'est aussi. J'attends la brodeuse qui saura broder sur des nuages ! ) . -et je rappelle qu'on brode déjà sur des oeufs depuis fort longtemps -ou plus récemment sur des feuilles.
Que cela ne rejette pas comme inférieures toutes celles et ceux qui restent fidèles aux supports "classiques" et aux fils habituels : il y a tant encore à chercher avec eux !
J'ajouterai que changer un matériau ne demande pas une profondeur d'esprit ni des visions personnelles particulières , on a vu aussi ce phénomène au niveau de l'art du fil où tout a été testé dans ces courants novateurs sauf le fil de gruyère (et encore je n'en jurerai pas!).
Si on veut : j'aurais pu broder mes archives du Nord en perçant des boulets de charbon et en passant des fils au travers, je présume que cela aurait paru plus génial que ce que j'ai fait . Malheureusement pour moi j'ai des compétences en broderie pas en maniement d'une perceuse sur matériaux autres. "Il y fallait un calculateur ce dut un danseur qui l'obtint" dit Beaumarchais.
Ce qui m'amène à des recherches toutes aussi actuelles mais qui me ravissent et m'enrichissent les yeux et l'esprit bien davantage,
Je voudrais mettre en lumière une autre brodeuse Clémentine Brandibas, rencontrée sur Facebook , dont j'apprécie les surfaces, et qui restant fidèle à des matériaux jugés par d'autres obsolètes bâtit ses univers "organiques"qui dégagent pour moi une magie particulière, , et prouve qu'on peut créer de manière personnelle et authentique sans pour autant abandonner l'essence de son art . J'oserai dire : ça rassure la vieille dame que je suis que la relève soit si bellement assurée .
J'aime aussi beaucoup dans un tout autre genre les oeuvres de Karen Duane qui s'appuient très étroitement sur des savoirs anciens mais les renouvelle par une utilisation particulière .
Je signale aussi la plus connue Nadja Berruyer qui pratique la broderie de Lunéville avec un art consommé . LE DVD sur sa pratique est un moment de joie absolue et de passion partagée . (Brodeuse les monstres et la babayaga)
Je signale également le travail si délicat de Cécile Meraglia
Il en existe bien d'autres que j'ai déjà citées dans mes articles sur une technique particulière (peinture à l'aiguille, broderie en relief , tapisserie à l'aiguille ) .
Il faudrait parler aussi de la vogue dite du "slow stitch "qui est un retour au geste main avec improvisation "méditative" -si on médite c'est tout de suite une plus-value ... où ma foi on trouve un peu de tout ... avec une orgie de faux boros ou pseudo kanthas . La recette est simple vous prenez trois quatre bouts de tissus effrangés en préférant les tons neutres, vous superposez partiellement vous les fixez avec des points simples le point avant étant le favori toutes catégories confondues .Comme en toute technique la réussite dépend de la richesse des mondes intérieurs de qui crée pas des modes et des procédés .
Mais le faire saisir reste toujours difficile !
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Les rogatons
- Le 28/10/2019
Le patchwork est -mais pas seulement - un art d'accommoder les restes.
Les restes d'étoffes qu'on ne veut pas perdre , soit par souci d'économie, soit pour le souvenir , soit pour leur intérêt historique, et même osons le mot artistique. Soit tout simplement parce qu'on les aime ou qu'on quelque chose à dire avec ceux-là ainsi reliés assemblés. . Le Dorica castra de l'article précédent , ou bien les tableaux de la série les Beaux restes (cf l'index) en sont un bon exemple. Ou bien encore les séries : Petits accommodements avec la vie -ainsi appelés car plus appréciés que des élaborations plus...profondes (sourire) ou les tableaux de la série "entre-deux".
Même si les patchworks d'aujourd'hui sont plutôt faits de tissus neufs et souvent conçus pour un usage "pratique" . Lavables notamment .
Et puis nous avons toutes dans nos tiroirs des restes de quilts commencés dans un grand élan d'enthousiasme et abandonnés parce que le "jus" pour le faire n'était plus là -il ne s'agit pas de suivre un modèle mais de mener à bien un projet qu'on crée - ou bien qu'on était dans une autre période d'inspiration (-pour moi, cause la plus fréquente) .
Le merveilleux avec le patchwork c'est que ce n'est pas comme un pull inachevé (qui peut aussi finir, certes, en objet d'art textile ) ou une broderie abandonnée : on peut toujours en créer autre chose.
Il existe des solutions pratiques simples : on fait un coussin, un set de table , une manique, un sac., des pochettes.
Seulement ça fonctionne si on reste dans une optique pratique-décorative et objet d'usage (et pourquoi pas) .Quoique je sois persuadée qu'un objet d'usage, s'il est unique et bien de soi , puisse être aussi une oeuvre d'art expressive et personnelle(et ce pas seulement si signé d'un grand nom qui sanctifie le moindre carré d'étoffe touché!) . Mais qui dit objet d'usage dit usure et donc disparition à plus ou moins brève échéance ou bien objet abîmé par lessives etc . On n'a pas toujours envie que cela le soit .
On peut tout simplement rester dans l'optique tableau exprimant quelque chose, mais en diminuant juste la surface. On avait prévu un plaid, on se retrouve avec un petit panneau 4 blocs au lieu de 12 ... Mais pour certaines surfaces où il y avait un placement des couleurs et des valeurs bien particuliers, ce n'est pas possible il faut,reconstruire autre chose, autrement .
J'ai tendance pour ma part à partir sur des bases 1 mètre 50 sur 1 mètre 50 ... et à me retrouver avec trois à cinq blocs traînant comme ça en deshérence pendant des années. Autre source, chez moi abondante , les blocs restant d'ouvrages finis, j'en couds toujours plus pour éliminer au moment de la construction finale . Il faut vraiment s'habituer à les reconsidérer, les regarder autrement que l'idée qu'on avait de la surface initiale et ce n'est pas si facile .
Un livre m'a aidée à considérer mes blocs d'un autre oeil c'est le livre de Mary Kerr intitulé A quilt block challenge vintage revisited , un challenge entre artistes à qui on donne le même bloc le plus souvent trés traditionnel , avec tous les droits sur le bloc y compris de le déconstruire , de peindre ou écrire dessus .. Liberté totale.
Les résultats sont assez époustouflants et c'est plein non de modèles à copier, mais de pistes à adapter (ce que je préfère) .
Ce peut d'ailleurs être une solution pour celles qui travaillent en groupes mais je suppose qu'elles ne m'ont pas attendu pour y songer toutes seules et si d'aventure une passant par ici peut me faire part de sa propre expérience (je suis très intéressée par ce genre de "challenge" mais ..pour les autres )
Il ya deux ans j'ai donc commencé à vider mes innombrables sachets d'ouvrages en souffrance , et à les reconsidérer d'un oeil neuf en n'excluant aucune possibilité de la housse de coussins classique au tableau recomposé .
Je pose au préalable que les modèles de départ quand ils sont montrés étaient les miens, pas ceux de revues. Pour moi la différence est capitale , même si on peut finalement se servir de cette façon de terminer les "leftovers" et autres UFOS de cette manière pour un ouvrage non créé .Justement : là on échappera au modèle, pour construire quelque chose de personnel .
C'est ainsi qu'est née la série les Rogatons .
Travaux d'impatience plutôt que de patience et volonté de construire même sur un échec .
Pour le moment quatre ouvrages . Mais bien plus de prévus. Le premier est issu de l'abandon d'un quilt en médaillon . L'abandon est venu pour diverses raisons : c'était long et assez monotone à faire ; les couleurs en harmonie arc-en ciel étaient très tendance et je me sentais trop "sous influence" pas assez dans mes propres harmonies . Enfin le bloc dit noeud de l'amitié est difficile à monter -du moins pour moi . .
J'ai donc sélectionné les trois blocs noeuds de l'amitié terminés et je les ai montés verticalement, rebrodés sur les bords en dissimulant les imperfections . Un matelassage main très simple et quelques boutons et voilà comment on a un petit panneau qui certes ne se veut pas la Joconde du patchwork, mais est regardable .
Le deuxième petit panneau est parti d'un reste de blocs d'un ouvrage intitulé Strelitzia , retracé à ma façon début des années 90 d'après un quilt contemporain du festival de San Diego . Avec evidemment mes tissus , mes couleurs. L'abandon est venu du fait que justement je n'accrochais ni aux formes, ni aux couleurs . Là le plus gros travail a été de trouver le bon tissu de fond (ici un orangé faux uni), et en ce cas je conseille "d'auditionner" beaucoup de tissus différents . Et aussi de placer les blocs restants de manière équilibrée . J'ai choisi de pas matelasser pour moi il n'y a aucune obligation, ce n'est pas une couverture ! - J'aurais pu, pour lui donner un aspect très Modern quilt mais les modes et moi ...
Le panneau 3 est issu d'un travail en courbes en chemin de l'ivrogne modifié , et là c'est de coudre des courbes qui m'a bloquée . Pas les couleurs une harmonie de bruns et de turquoise avec laquelle je me sens encore en accord, alors que ce quilt a été conçu au début des années 90 .J'ai redistribué les blocs à ma façon en incluant des tissus en harmonie , et une bordure beige et bleu avec un imprimé discret .
Le quatrième c'était un des projets conçus parès 98 quand j'ai acquis le logiciel quilt- pro , dans un grand élan d'enthousiasme , j'ai crée des dizaines de quilts virtuels et parfois je faisais quelques blocs pour voir ... ce quilt se nommait Galaxie titre qu'il a gardé et si j'aimais beaucoup le fond clair et les quarts de cercles de couleurs, je l'ai assez vite abandonné pour d'autres surfaces sans doute plus porteuses . J'avais acheté déjà un tissu destiné à sa bordure , que j'ai réutilisé pour le fond . Tel quel et en petites dimensions il me plaît bien :
Au delà de l'idée de sauver un inachevé , de faire avec ce que d'aucunes nommeront "un petit objet sympa", je me suis aperçue que ce travail de reconsidérer une surface en tenant compte de sa propre évolution était une sorte d'exercice d'introspection textile . Pourquoi ai-je aimé ces formes-là à ce moment-là, mais pas assez pour aller au bout, pourquoi aujourd'hui certaines sont accord en harmonie avec ce que je suis, d'autres non ? Comment soit respecter la vision de départ , soit métamorphoser ? Voire totalement "défigurer" -ce que je n'ai pas encore tenté .
Une autre solution sera peut-être de mixer pluseurs restes ouvrages dans un quilt dit d'orphelins plus "classique" si tant est que de tels ouvrages le soient. Il ya deux surfaces de la sorte en cours leur défaut c'est d'être d'assez grands formats et j'ai moins d'énergie que jadis pour mener à bien de tels projets .
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Figures de style et textiles - Le dorica castra
- Le 11/10/2019
Il y a quelque temps déjà, j'ai eu envie dans mon exploration des innombrables relations qu'il peut y avoir entre le texte et les textiles, -que je ne veux surtout pas borner à écrire ou broder sur du tissu, même si j'aime aussi à le faire - d'illustrer certaines figures de style, tropes ou éléments linguistiques en me posant cette question simple : comme rendre cela dans le langage des tissus ?
Pas toujours aisé -et je suis pas sûre d'y parvenir pour tout ce que j'envisage (mais l'idée pourra servir à d'autres !) .Il
Nous avons tous fredonné au moins une fois la comptine chansonnette trois petits chats chats chats -chapeau de paille etc ......En termes savants cela s'appelle un dorica castra , qui est une forme d'une figurede style dite anadiplose (source Wikipidia) .
Dorica castra désigne en latin un camp militaire dorique mais le rapport avec notre histoire c'est que le la fin du mot dorica est le début du mot castra ; comme chat -chapeau de paille . L'anadiplose elle reprend le mot entier (ce qui est parfois aussi le cas dans la chanson citée)
La partie la plus connue est marabout bout de ficelle- selle de cheval -cheval de course etc.
Avec des à peu-près ,donc, on le constate (que j'ai respecté dans le choix des tissus, disparates s'il en fut ! )
Dans un de mes innombrables brassages-classement d'étoffes, j'ai mis de côté les petits bouts de ce que je nomme "mes plus aimés" , soit parce que dessins et couleurs me plaisent particulièrement, sans explication rationnelle, comme ça, soit parce que j'en ai très peu qui me reste (et que je les aime !) soit parce qu'ils me viennent d'un ou d'une amie .
S'est greffée une deuxième envie, à la lecture de livres sur des objets textiles dits "de mémoire", celle de faire une sorte de déroulement cousu de la manière la plus simple qui soit ; à points avant sur une bande de fond .Recto verso donc réversible .
Fini ça donne cela :
Le rapport avec la chansonnette ?
Eh bien, mais là c'était tout simple : chaque zone de tissu comporte une couleur qui sera reprise dans la zone suivante . On part avec des tissus vert et orange (ou dont un au moins contient un élément orange) et la znoe suivante est orange avec un élément appelant la couleur suivante. Et ainsi de suite . Sur l' image suivante c'est d'autres couleurs, mais le principe, simplissime est le même
Ensuite j'ai finalisé par une bande noire et imprimée de multicolore et j'ai replié sous forme de livret fermé par bride et bouton -un de mes "plus aimés" aussi. la couverrure commence avec un tissu de cravate à motif de petits chats comme il se doit (il y en a plus de trois mais c 'est qu'il y en a au moins trois!) .
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Au passage je signale c'est très ludique retativement vite fait et quand on a fini comme dans la chanson on n'a plus qu'une envie : recommencer un autre. On peut aussi si on se veut dans la performance faire le plus long dorica castra textile du monde (c'est pas mon truc , mais pour celles et ceux que ça tenterait ...) ou bien faire un collectif qui reprendrait la bande où la précédente l'a laissée.
Et si on aime les objets utiles on peut faire une écharpe tout bêtement . Voyez : je ne suis pas qu'une intello qui aime les "grands mots " et le latin et se la pète avec ça (sourire). Ci -dessous, l'envers de l'objet replié .
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Rions un peu
- Le 02/09/2019
Ecrit hier sur Facebook dans une discussion pour expliquer une fois de plus que non je suis pas malheureuse dans ce que je crée, mais côté compréhension et regard sur voilà ce que parfois, souvent , trop souvent ça donne :
Petits sketchs :
- Ah vous écrivez ?
-Oui .
- Vous publiez chez qui ?
-Euh, suis auto-éditée .
Gros silence :-)
ou bien:
- T' as publié un livre ?
-Oui, même plusieurs .
- Tu en as as vendu combien ?
- Ben euh, 20 .
-Ah bon (sourire gêné, comme si on venait de déclarer une maladie grave !) ) .
Note pour plus tard toujours répondre : " quand on aime on ne compte pas " . Un truisme reste encore une bonne panade euh pardon parade !
- Vous êtes artiste textile , comme c'est intéressant , vous faites quoi?
- Du patchwork
- Euh ?
- Des tapisseries en tissus assemblés .
- Ah oui c'est comme du tricot, quoi ... .
Tu es peintre ?
-Non, je peins sur écran c'est de l’art numérique .
(grimace garantie)
-Ah oui c'est le logiciel qui fait tout , alors
Toute une vie comme ça , ou tout au moins plusieurs décennies, à entendre les mêmes choses, c'est vrai, mieux vaut en rire n'est ce pas ? .
Mais demander qu'on comprenne que ce n'est pas si facile à vvre n'est pas "se plaindre" , c'est juste rappeler une réalité . Qui ne le vit pas jour après jour sur tant d'années ne saisit pas combien ça peut être lourd, usant (et ce, dans les trois domaines où je crée ) même si je ne me décourage jamais.
MAIS le mais est de taille :
Le corollaire c'est peu de lecteurs peu de public pour les oeuvres d'art textile et numérique mais ..des personnes RARES rares à tous les sens du mot et que je voudrais une fois de plus remercier. Elles sont rares , mais je ne saurais les citer toutes. Elles se reconnaîtront avec mention spéciale à l'âme du philosophe Michel Henry dont les encouragements venus à mes débuts m'ont tant aidée .J'ai publié ici sa carte comme un viatique spirituel, et aussi, car je sentais un doute quand j'en parlais. Avec hésitation, ce n'est pas trop dans ma façon d'être de faire cela, moi il me suffisait de le savoir. Mais publier quoi que ce soit implique un public et le public, lui, a besoin semble-t-il de caution pour se faire une idée même de ce qu'il ne lira regardera jamais. Dit sans amertume. Je me borne à constater des faits et un fait c'est têtu. Moi aussi !
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Impressions , motifs, langage : une autre lecture des patchworks-quilts
- Le 27/08/2019
- Dans opinions
Etant classés objets décoratifs -utilitaires les patchworks ou quilts géométriques à base de motifs réguliers sont rarement analysés pour ce qu'ils sont d'autre ! C'est à dire des surfaces dans un art particulier, qui pourrait s'étudier -si toutefois l'art d'assortir les étoffes imprimées n'était pas, précisément évincé des recensions de la sorte puique non-art aux yeux de la plupart (occupe doigts, loisir, hobby etc .).
Je voudrais évoquer ici une élaboration qui n'est pas de "couture" ni de divertissement pour passer le temps. Mais un travail spécifique à un art.
Au départ donc une composition
Cette composition je l'ai souvent préférée géométrique, justement pour permettre d'autres lectures. Un foisonnement dans un foisonnement ça se remarque mal tandis qu'un foisonnement dans une structure stricte parle tout autrement. C'est donc un choix d'expression personnelle, non un choix "pour faire du traditionnel" .
Il y a un premier jeu de lignes et de bâti . J'aimerais qu'on le regarde comme un plan d'architecte ; par exemple le carré de base nommé "bloc" peut se modifier par ajout ou suppression de lignes , se déformer, être utilisé avec des tailles différentes , être associé à un ou plusieurs autres, étiré, inclus dans un cercle, un cadre , disposé sur la pointe ... Par exemple je peux partir de ce "bloc" qui ,on l'accordera est simplissime , c'est juste un point de départ :
Avec ce bloc j'ai construit ce plan -ce qui est déjà, j'espère qu'on me l'accordera, un travail personnel, non négligeable et d'autant moins qu' à ce stade on le pense déjà parfois et en couleurs et en textile et en faisabilité "couturière" :car tout cela devra être mis en oeuvre pour obtenir ce qu'on appelle un patchwork ou un quilt (si c'est matelassé )
Mais très exactement avec le même point de départ , j'aurais pu tout aussi composer ainsi et je vous épargne les dizaines d'autres possibilités .
Ce plan en lui-même n'est évidemment qu'un guide, une structure, une armature .Ce n'est pas un art textile en lui même on pourrait très bien le peindre ou faire une mosaïque un vitrail ou une marqueterie. Ou du papier collé. Cela reste toutefois un travail personnel.
Il va falloir ensuite le faire vivre en'étoffes. Je dis faire vivre pas colorier.C'est vraiment tout autre chose.Revenons donc à ce qu'est le patchwork depuis ses origines quand il est textile . Il est assemblage de tissus différents.Il a toujours eu ces deux valences quasi contradictoires : celle de récupérer des étoffes pour les réutiliser à une époque où le tissu coûtait très cher =, l'autre étant au contraire de montrer la richesse ( "je suis riche puisque je peux m'offrir plusieurs étoffes souvent précieuses pour faire mon vêtement.) .
Ambivalence sur laquelle déjà on n'a guère réfléchi , le côté récupération étant tendance actuellement pour faire à la fois "arte povera" et ecolo . En réalité une grande majorité de quilts est aujourd'hui faite avec des tissus spécifiques spécialement "créés pour l'usage", l'aspect commercial par derrière n'est pas négligeable, mais c'est surtout l'idée de "lavabalité" et de facilité à ajuster les montages délicats de cet art . Il existe maints designers qui créent des gammes en fonction des kits ou modèles qu'ils vendront et qui seront imités à x exemplaires ce qui n'aide evidemment pas à un regard sur la création originale de celles qui ne font pas ainsi et ont des tissus assemblés un tout autre abord. Ce qui est mon cas .
On peut user de tissus unis et dans ce cas , cette architecture simple et les couleurs qui vont parler- . J'ai une grande admiration pour les quilts gallois, Amish et ceux des Modern quilts unis, simples sans tomber dans le simplisme ou le procédé.
Mais pour moi dans ces quilts si le graphisme du plan et couleurs et valeurs parlent, le tissu se tait ou presque ; en papier on aurait quasi exactement le même effet . On en voit tout juste le tissage souvent discret comme dans tous les calicots fins "spécifiques" ou les lainages fins. Sur ces quilts qui en sont à proprement parler (quilter veut dire matelasser) c'est les motifs de matelassage qui jouent le rôle de seconde lecture graphique .
J'ai rarement travaillé avec des unis seuls, sauf quand ils comportaient une texture particulière dentelles par exemple la texture offrant des touchers différents , et des dessins visibles comme par exemple dans ce patchwork dentelles décalées où la variété des textures a remplacé celle des motifs. La lecture de ces 'signes" tissés reste cependant plus tactile et moins visuelle que dans l'usage des imprimés .
Quand y ajoute les motifs sur les étoffes on choisit ses étoffes comme une sorte de vocabulaire . Les motifs m'ont toujpurs fascinée , quels qu'ils soient. Sans me soucier des règles du bon goût ni de l'esthétique souvent enseignée justement dans un but décoratif, je les ai toujours élus par rapport à que moi je voyais et voulais signifier avec eux . Sans me soucier du reproche de 'trop chargé" qui évidemment n'a pas manqué de m'être fait . Mais une forêt n'a jamais trop d'arbres, un jardin trop de plantes et un texte trop de mots .Donc mes surfaces n'ont pas pour moi "trop de tissus, tropd de motifs trop de couleurs".
De plus j'aurais trouvé ennuyeux d'assembler vingt fois le même carré avec le même tissu au même endroit ou un tissu analogue, ce que je voulais c'était justement que ces motifs contruisent quelquee chose,de particulier qui corresponde à une vision en moi . En plus des couleurs et valeurs (on me dit bonne coloriste cependant) mais la couleur pure sans cette forêt de signes, ça ne m'allait guère.
Pour montrer qu'on pourrait lire les quilts ainsi aussi j'ai donc passé certains détails en image numérique façon "sketch" . On voit bien que le plan initial seul ne parle pas , et que même en l'absence des couleurs les motifs eux tracent tout un réseau de codes, de correspondance sans eux mes quilts seraient des quilts mais ce ne serait pas ma voix ni ma voie c'est eux qui la portent et c'est aussi ce qui différencie le plus mon art le patchwork des autres arts de mosaïque et evidemment de la peinture . Il faut que ce soit lisible de près et de loin il faut que chaque découpe puisse se lire comme une page. C'est ce que je veux, c'est ce vers quoi je tends. Pas vers un joli travail avec de jolies couleurs .
Ici le choix de Guillaume dont le plan a été tracé par mon second fils quand il avait huit ans , vu sous cet aspect(en couleurs il est dans l'index)
ou encore ce Feuilles en folies :
Là les motifs de feuilles et branches imprmées créent des motifs secondaires en écho aux feuilles "géométriques" et si on regarde attentivement on verra que les lignes de matelassage réalisé par Simone Struss ajoutent cet effet de tourbillon de vent que j'avais souhaité .
Il est donc pour moi ou plus exactement il serait important pour moi (et sans doute quelques autres) qu'on apprenne à regarder cet art méconnu pour ce qu'il est : un art où les tissus jouent de tous leurs atouts , l'impression des motifs en étant une et non négligeable ; surtout quand on essaie d'harmoniser une variété considérable de motifs en plus des couleurs et nuances . Avant de dire : c'est facile, essayez!
Car évidemment tout cela va jouer ensemble : le choix du plan initial , le choix des textures -s'il est signifiant, les couleurs, les valeurs (qui sont ce qu'on regarde le plus forcément) et mes chers motifs et leurs combinaisons, les oubliés de l'histoire.
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Un blog à visiter absolument !
- Le 22/08/2019
J'ai souvent parlé des ouvrages de dames et de l'image péjorative qu'ils généraient côté Beaux-arts et grands arts, des ricanements aussi de l'idée que c'était incompatible avec l'imagination et la création, que c'était aussi le symbole d'une certaine aliénation de la femme au foyer.
Ce blog absolument remarquable prouve que ce n'est pas simple, ni simpliste. Outre qu'il est incomparablement documenté, écrit de manière limpide, il offre des articles passionnants illustrés par des photos de très grande qualité.
Il vous fera découvrir entre autres choses des cahiers de couture, des samplers, mais ce qui est plus important à mes yeux, il interroge remarquablement sur ce couple aliénation/ asservissement par la couture et les travaux d'aiguilles "imposés" et l'évasion, aussi , qu'ils représentent (ce que le patchwork a si bien montré puisque, que comme le souligne Claude Fauque, il "désobeissait" .)
Le blog allie le passé et le présent par les ouvrages actuels perpétuant et renouvelant la tradition qui sont d'une beauté souvent à couper le souffle. même pour moi qui ne suis pas une adepte de la perfection (j'ai expliqué pourquoi), ça ne m'empêche pas de l'admirer quand je la croise !
Si vous avez un moment allez lire même si comme on me dit souvent "je ne couds pas alors ça ne m'intéresse pas" -je ne peins pas et l'histoire de la peinture me passionne . Dépaysement garanti et rinçage essorage des idées reçues à ce sujet, aussi . Merci à l'auteur Sylvaine dont je ne connais que le prénom pour ce si beau partage.
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Série faux semblants
- Le 18/08/2019
La série faux semblants est venue d'une idée simple expliquée sur le site d'art-up galerie en ligne , du temps de son fonctionnement
Je reproduis le texte qui expliquet la démarche :
Faux semblants : de vrais -faux objets textiles.
Au départ sont des ouvrages textiles parce que c’est en matière de création ce que je nomme ma « valence » première .
Ensuite, une photographie souvent de détail de ces ouvrages textiles . Ces photos ont été prises soit pour illustrer mon livre Jeux d’étoffes, soit pour la parution en revue ou en album d’images.
Ces clichés ne se veulent pas photos d’art, mais généralement ils obéissent quand même à une esthétique de composition et à des impératifs de netteté.
L’objet représenté est primordial pour l’étape suivante, j’entends par là que sa qualité de réalisation influe aussi sur le résultat final. La disposition des points en broderie notamment, tous les choix de couleurs, textures, motifs et formes qui ont présidé à la réalisation de l’objet « premier » sont importants. Si je le souligne c’est parce que cet objet premier dans un art premier (parfois au sens primitif du terme) va être très vite « oublié » et aura du mal à être perçu, lui, comme une oeuvre d’art.
Sans cette filiation (sans jeu de mots !) aucune de ces images n’existerait comme telle. Ce travail manuel et réel préalable du fil et du tissu est pour moi fondamental, au sens propre du terme.J’ai eu l’idée de retravailler ces clichés avec le filtre d’un logiciel de retouche de photos,
Le travail numérique consiste à régler des paramètres et à faire des choix , pour un détail donné il existe des centaines, voire des milliers de métamorphoses possibles. C’est à ranger techniquement dans la catégorie photo altérée.
C’est comme une photo de quelque chose qui n’existe pas, mais qui pourrait exister.
D'où le titre de faux-semblant.
Images de nouveaux possibles ou de nouveaux impossibles .
Certaines semblent vraies c’est à dire qu’on pourrait faire croire qu’il s’agit de la photo d’un vrai objet existant vraiment (et l’image en contient une part) et ce n’est que partiellement faux puisque le point de départ est réel -mais différent, D’autres s’éloignent davantage vers des effets graphiques où l’ouvrage de départ disparaît quasiment. Les deux possibilités sont intéressantes. puisqu’on joue sur l’écart entre la proximité et l’éloignement, entre réel et illusion comme avec les fonctions focales des filtres.
Comme à chaque fois dans un travail d’image numérique, existe l’ouverture vers ce qu’on pourrait en faire d’autre. Il n’est pas interdit (et je l’envisage pour certaines) de les imprimer sur étoffe et de les réintégrer à un nouvel ouvrage qui mêlerait alors le faux-semblant et le vrai textile et ainsi de suite, créant une composition potentiellement en abyme.
C’est aussi une réflexion sur le temps d’exécution d’une oeuvre. Il existe en effet une distorsion entre la lenteur du travail manuel de la brodeuse ou de la quilteuse , et la rapidité du travail numérique, écart que l'on retrouve aussi entre une conception calculée, travaillée voire contrôlée et le jeu avec un certain heureux hasard.(même si le travail sur l’image numérique ne saurait être réduit à cela).
C’est très différent de mes autres images numériques où le plus souvent je crée tout à partir d’un écran blanc et des différents outils à ma disposition. de manière souvent beaucoup plus complexe. Ici je ne cache pas que le travail numérique à proprement parler est basique .
Ce sont des oeuvres de passage. Des oeuvres totalement hybrides entre deux arts qui n’ont guère de lien dans l’esprit des spectateurs éventuels. On peut même dire qu’elles ne s’adressent pas au même public, elles ne provoquent pas du tout les même réactions, les mêmes regards en milieu artistique.
Hybrides aussi en ce qu’elles relient un art ancestral, un matériau des plus anciens : le tissu fondé dans sa structure sur le numérique, et des techniques récentes sinon nouvelles.
Passage entre le réel et le virtuel qui se voudrait aussi conciliation , et réduction de l’exclusion que je persiste à trouver injuste des ouvrages faits selon les normes de l’artisanat d’art , entre la « belle ouvrage » et l’absence de manipulation (c’est à dire au fond entre deux reniements des activités que j’exerce : l’une étant parfois rejetée comme superficielle et purement décorative, et la seconde parce qu’elle céderait à la facilité du « tout en deux clics .. ».)
C’est donc une invitation, aussi, à regarder autrement .A interroger la notion de vrai et de faux, d’artificiel ou de factice. A réfléchir sur le rapport entre le temps mis à un ouvrage, le travail et la « valeur »., sur l’importance de la lenteur de l’élaboration et le plaisir quasi enfantin de l’immédiateté .
Travail d’illusionniste où la tricherie est honnête, le trucage avoué. Il ne s’agit pas de « faire illusion. »A l'heure qu'il est et quelque huit ans plus tard le impressions sur tissu n'étant pas satisfaisantes, j'ai donc laissé cette série à l'état virtuel sur écran, comme les autres elle peut être complétée à l'infini.
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