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Série Triangulations
- Le 16/08/2019
- Dans présentation
Comme l'index de mes oeuvres et ouvrages montre mon travail de façon alphabétique , ce qui en accentue le côté on va dire "éclectique" (il faut bien de temps à autre être indulgent envers soi-même !) , j'ai décidé de présenter ici soit des oeuvres qui peuvent se regrouper par thèmes , soit des séries , soit des regroupements par techniques
Triangulations , c'est une idée qui m'est venue à partir d'images numériques personnelles (il y a donc tout un travail préalable de composition de ladite image qui n'est pas une photographie altérée ) à laquelle j'ai appliqué un effet de triangles (qui se règle lui aussi ! rien n'est automatique, ce n'est pas fait en deux clics.) Et précisément, il me fallait obtenir un équilibre entre la géométrie et le dessin abstrait au centre de la composition .
Ensuite certaines images m'ont semblé adaptables en art textile et numérique donc , moyen pour moi d'utiliser des échantillons assez épais puisque j'ai travaillé sur un fond. Le plus grand plaisir c'est toujours de choisir les étoffes pour "dire" .
Le plus difficile fut d'obtenir une impression corecte et à échelle de l'image numérique, j'ai dû passer par le scanner après impression sur papier et "bidouillé" pas mal pour arriver à un résultat qui me satisfasse.
J'aimais bien cette alliance entre le côté structuré dépouillé des triangles et celui plus évasif des impressions sur soie du centre et l'ide de maruer eux arts si éloignés dans l'esprit du public : mon cher patchwork rangé côté couvertures, tradition, ouvrages de dame et les images numériques (qui restent mal connues), deux arts donc sur lesquels au fond le public non spécialitse ne sait pas grand chose côté culture générale partageable .
Le tout a été placé sous un tulle fixé par un point machine large et serré, j'ai rajouté parfois des détails en tissu plié ou broderies main pour rendre tel ou tel aspect .
La série comporte 10 tableaux format A4 la plupart sont dans les tiroirs ou exposés en salle des machines.
Petits formats donc mais grand plaisir . Il est évident que je pourrais en faire des centaines d'autres sur ce principe, exploiter le "filon" mais je suis ainsi faite que je préfère découvrir d'autres voies- il en est tant ! .Quand l'envie disparaît, je m'arrête et je passe à autre chose !
Voir les tableaux sur la page suivante.
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Valeurs
- Le 04/08/2019
- Dans opinions
Histoire de valeurs
C’est en étudiant l’histoire de l’art textile que cette idée m’est venue.
Tout le monde l’a constaté et des plus savants que moi un art qui émane essentiellement des femmes –et parfois du peuple (les deux c’est une double peine !) - ne peut être prestigieux,, réellement reconnu. On lui concède cependant des qualités ; lesquelles sont liées toujours à une vision de la féminité bien rangée à la place qu’on lui attribue : soin , patience, jolie décoration, manifestation d’amour envers les siens, souci d’économie (ne rien gaspiller).
Toutes vertus qui sous la déferlante du féminisme ont été contestées. Justement, s’il s’agit d’y enfermer les femmes et de borner leur rôle dans la société à ces seules valences. Injustement s’il s’agit de dévaloriser ce qui aurait dû rester des valeurs et ce, détachées du genre de qui crée ou conçoit .
Donc dans cet art textile tel que je l’ai vécu et le vis encore , je vois les hommages et les plus grandes reconnaissances à aller soit aux hommes qui sanctifiant automatiquement ce qu’ils touchent (grands brodeurs, grands couturiers )ont plus d’aval que la créatrice restée anonyme ou oeuvrant à faire des « modèles pour les autres » en petit en somme, soit aux femmes qui imitent les hommes et ont l'honneur d'être aux Beaux-arts. C'est à dire dans un système hiérarchique patriarcal accepté dont le reste est exclu ou toléré avec condescendance, sauf retour d'une mode .
Or si on considère les œuvres en les détachant du genre de la personne –en les regardant pour ce qu’elles sont et non selon qui les a créées- on s’apercevrait à quel point c’est injuste.
Mon site comporte maints articles qui le démontrent (et ce n'est pas fini !)
Le même phénomène existe aussi en peinture, mais moins accentué car la peinture reste le plus souvent connotée Beaux-arts et non domestique , sauf si le peintre homme ou femme a le malheur de pas user d’un support « noble » comme toile et châssis. La même chose sur une porte d’armoire pfft c’est dévalué .et là la valeur ne tient pas à l’œuvre mais au support et à l’usage (on voit bien que c’est aussi absurde que ridicule, mais c’est)
Soit en imitant les arts définis comme majeurs sculpture et non surface, usage de matériaux comme fil de fer etc qui masculinisent la divine souplesse du tissu (à laquelle moi j’ai la faiblesse de tenir : roseau contre chêne et même contre chaînes , horizontalité souple et non forcément molle et faible contre érection ) ou plus exactement :" à côté de", n’étant ni plus, ni moins mais questionnant ces critères d'évaluation admis.
Au-delà, j’ai réfléchi aussi à cette phrase de la sociologue Evelyne Sullerot : “quand une tâche se féminise elle se dévalorise ,quand elle se dévalorise elle se féminise »
Qui reste malheureusement encore vraie trop souvent.
Et pour que cela change, il faudrait sinon inverser un système de valeurs du moins déplacer la valeur vers l’acte, le fait, la réalisation et non vers l’origine de cette même réalisation. L’essence pas l'emballage, la présentation, le milieu social, le sexe, l'âge qui sont à l’oeuvre et l’acte critères secondaires passant pour primordiaux .
J’en suis venue à l’idée qu’on prenait les choses à l’envers et qu’ayant échoué à revaloriser les subalternes, les obscurs et les sans grades, si on essayait de valoriser la tâche en elle-même, de la regarder autrement que comme négligeable, inférieure, méprisable parce qu’exercée par des subalternes, des catégories jugées inférieures en tout cas.
C’est une logique de castes et nous avons nos « intouchables", partout.
Prenez les fonctions de nettoyage et d’hygiène pourtant éminemment utiles à tous. Et quand je dis utile, on pourrait comptabiliser combien de vies sauvées …Eh bien le mépris qui les entoure rejaillit sur ceux et surtout celles qui les exercent soupçonnés de ne « pas savoir faire autre chose » que ces choses que tout le monde saurait faire, alors .
Ce qui est faux, parfaitement, faux . Il existe pour tout activité une compétence à la réaliser et même une excellence
Qu’on me comprenne bien : je ne suis pas relativiste extrémiste et j‘entends bien qu’un chercheur qui fait des études difficiles que très peu sont capables de faire et comprend ce que jamais malgré mes efforts désespérés je ne saurais comprendre ne soit pas à mettre sur le même plan qu’un génie du passage de la serpillière.(que je ne suis pas non plus !)
N’empêche que les deux ont leur utilité, les deux ont droit au respect de leur compétence (et sinon le monde serait un cloaque !) .Entre une démagogie qui consiste à dire que tout se vaut et un juste regard sur le : « toute compétence en quelque domaine que ce soit, utile aux hommes, est à valoriser », il me semble qu’il y a voie à réflexion.Or, on en est très loin, très loin .On pourrait au moins ne pas mépriser les tâches , peut-être lors le regard sur les personnes qui les exerce changerait .ça on ne l’a pas vraiment essayé . Un : “OK c’est chiant ,OK on n’aurait pas envie de le faire mais aussi un “ OK bravo à ceux et celles qui le font bien” (avant que des robots le fassent partout – ce qui reste à discuter aussi coût, pollution de ces machines ? )Juste mes petites idées de Madame Toutlemonde comme ça.(article publié sur Facebook) -
tapisserie à l'aiguille : sampler et métrique
- Le 30/07/2019
La tapisserie à l'aiguille m'intéresse de plus en plus.
Il existe diverses raisons à cela . J'ai fait comme beaucoup de femmes de ma génération du canevas et même un alphabet en rouge sur un canevas, à l'école primaire (sans beaucoup d'enthousiasme).
Ensuite cette tapisserie était assez en vogue dans les années 70 où plusieurs amis (il y avait un homme inclus!) brodaient de grandes réalisations pré -imprimées style Lurçat ou encore scènes de genre dans la tradition des tapisseries dites de Berlin. Au demi-point quasi exclusivement.
ça ne me tentait guère, comme tout ce qui est remplissage "automatique"de quelque chose que je n'ai ni voulu, ni imaginé mais j'ai réalisé sur cartons dessinés par d'autres (une amie et mon mari) deux canevas au demi-point , l'un en laine et l'autre au coton retors. Ils sont encore quelque part, dans la maison
Le coton retors , c'est pour moi tout un souvenir de lycée. C'était le seul fil qu'on nous donnait pour broder sur de la grosse toile de jute pour des raisons d'économies et comme je détestais le professeur (qui nous terrorisait !) , j'ai fait une sorte de fixation négative sur ce malheureux fil.
Une amie me donna quelques écheveaux et je m'en servis ça et là , en fils à coucher notamment en bords d'appliqué -il est impeccable pour cet usage, notre coton retors.
Puis l'an dernier, une autre amie -qui se reconnaîtra!- me propose de m'envoyer un gros stock de ce retors à broder et comme j'avais plusieurs tentatives de samplers , à des stades divers d'achèvement (ou d'inachèvement , plutôt!) je me dis que c'est sans doute une occasion de m'y remettre !
Mais me voilà au lieu de les terminer, selon ma mauvaise habitude, à en mettre un nouveau en route. Entre temps j'avais découvert comme raconté précédemment les points dits fantaisie . Lesquels sont illimités : on peut combiner des points droits par exemple différemment et je compte bien explorer en ce sens .
ces petits carrés délimités (j'aime aussi les samplers irréguliers improvisés , j'en ai un en gestation !) m'évoquent à la fois les jardins à la française mais surtout le rythme et l'orientation des points qui rappellent le tissage, me semble lié à la métrique, et la mesure du vers ou de la phrase , élément de prosodie aussi points longs points courts comme les voyelles en poésie.
Quelque chose de très formel contre laquelle mon âme rêveuse et fantaisiste se révolte parfois un peu mais qui étrangement l'attire dans le même temps, et si j'y réfléchis un quilt géométrique demande un peu cette rigueur mais lui parle aussi par les impressions sur les étoffes ... à cet égard .
J'ai donc ouvert cette série dite "métrique ".. certes exercices d'entraînement mais également ouvertures vers d'autres "possibles" Et il demeure le jeu des couleurs , l'équilibre des lignes (je choisis les points partie par envie (et si j'essayais celui-là), partie en fonction de l'effet final .et par derrière, je l'espère quelque chose qui se dit .
J'ai écrit ailleurs que, si on ne reproduit pas intégralement un modèle, un sampler personnel c'est une création et une mini-aventure . Certains en points comptés sur toiles qui nous ont été transmis sont de purs chefs d'oeuvre. Cela se compose , s'harmonise , là encore sur différences et ressemblances . Du fil qui cherche à ressembler à du tissu.
Les boutons c'est pour le plaisir , parce que je les aime et qu'ils se trouvent bien là, à mon avis . plaisir aussi de trouver pour la bordure et doublure juste l'étoffe qui se mariera avec le tout (pas si facile, si on exclut l'uni ).
Un deuxième est presque achevé, depuis le début de la rédaction de cet article . Histoire à suivre, donc ...
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Touches : le livre
- Le 25/07/2019
- Dans présentation
Touches, c'est d'abord un objet textes-textiles qu'on peut voir ici
et à la salle des machines, si on passe par là !
C'est aussi un livre que j'avais d'abord prévu artisanal , mais j'ai dû y renoncer car les photos des tissus n'étaient pas de bonne qualité avec ma petite imprimante domestique.
Donc j'ai opté pour une impression professionnelle .
Si on désire se le procurer m'écrire sur chiffondart@aol.com ou via Facebook pour ceux qui sont inscrits sur ma messagerie personnelle..
On peut lire aussi cette chronique .
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Le premier livre
- Le 30/06/2019
Il ya toujours une première fois ... et les histoires de débuts sont souvent plus plaisantes que celles des fins, c'est évident .
Je voudrais montrer ici mon premier livre, non pas le premier que j'ai écrit (mais je n'ai jamais songé à l'époque à chercher un éditeur pour mes poésies dites de jeunesse).
Nous étions au milieu des années 80, j'avais donc la trentaine,vers son mitan, et à l'époque , je faisais des rêves que je pourrais nommer de "signifiants" ; j'entends par là, bien que rêves , ils avaient une certaine cohérence narrative et surtout au réveil, ils me laissaient une forte impression. Je prenais des notes pour en fixer les temps forts , et puis j'allais travailler . Je n'avais alors qu'un enfant , et il était encore petit. Vie de femme, vie de professeur , vie de mère , mais l'envie d'écrire restait là . Et dès que je le pouvais j'écrivais , à la main dans un cahier que j'ai aussi conservé .
Donc je rédigeais ces nouvelles en 86 , si j'ai bonne mémoire , sur quelques mois . Je peaufinais pas mal . J'appelais mon recueil Mélodrames à l'eau de rêve, ce qui est au singulier le titre du premier texte .Signé de mon pseudo d'alors Lise Alexandre (oui c'est bien moi) , celui sous lequel mes poèmes avaient été publiés en revue.
Et puis une publicité dans un magazine me tenta, c'est fait à cet usage, du reste. Un éditeur parisien qui travaillait aussi, à côté , en saisie de textes , proposait ses services pour faire d'un manuscrit un livre. Pas du compte d'auteur, juste de la fabrication, comme on peut la trouver de nos jours sur les sites d'impression sauf que là je n'avais pas Internet, bien sûr . Ce n'était pas bon marché du tout, à l'époque, mais je décidai de m'offrir cette petite folie . Il ne m'était pas venu à l'esprit, là non plus, de chercher un éditeur. Du moins pas encore.
Mais je disposais déjà d'un traitement de textes-un des tout premiers, un Amstrad, qui me rendit de signalés services et que bien des années plus tard parce qu'il ne fonctionnait plus, j'ai échangé , contre ... une citrouille. On ne me croira pas, comme toujours, quand c'est vrai.
Cela n'a rien à voir avec notre histoire, mais ce détail me fait encore rire . Donc grâce à mon Amstrad , je fournis un beau manuscrit et l'éditeur-prestataire de service me renvoya les volumes (une mince plaquette) dans un nombre d'exemplaires que j'ai oubliés . (sûrement pas plus d'une vingtaine , vu le prix ). Celui qui me reste est un peu abîmé, la couverture a été tachée (j'ai dû renverser du café dessus ) .
Je n'ai pas oublié la joie, quand j'ai reçu le paquet de "mes " livres à moi, mêlée d'un peu de remords pour la dépense "inutile" que cela constituait.
Mes collègues et quelques amis (ça ,ça a peu changé!) me servirent de public. C'était un public exigeant , pas complaisant , qui ne me passait pas grand chose , et c'est très bien comme ça.
Seulement, il y eut plus, ce que j'ai déjà raconté ailleurs et de nombreuses fois, mais j'en suis si "fière comme un pou" que je recommence (on n'est jamais si bien servi que par soi-même) . L'éditeur avait joint une carte dont je sais encore les mots par coeur
"Nous tenons à vous dire que certaines de vos nouvelles sont des chefs d'oeuvre en miniature, et nous aimerions à vous lire en roman (souligné de deux traits) dans le cadre de notre département d'édition ." (scan disponible pour les sceptiques)
Là, vous pensez, j'ai marché toute la journée sur un petit nuage mais avec du soleil au fond des yeux .
J'y croyais, que voulez-vous ! On a beau se vouloir lucide, combattre sa vanité en souvenir d'une éducation stricte à cet égard , on est humain, tout de même.
Mais voilà le roman ce fut La Demeure Mentale , qui fut édité bien plus tard non par l'éditeur demandeur mais par la LGR . sous mon vrai nom.. ce fut d'ailleurs une autre hstire, pleine d'espoirs et de déceptions dont j'ai conté déjà les grandes lignes. Ce fut surtout une expérience d'écriture passionnante.
et là que je suis sinon au terme de ma vie, mais plus de 30 ans plus tard, avec depuis quelques écrits de plus dont tous ne sont pas des livres matérialisés , parce que faire ses livres soi-même , c'est un gros travail .. et que je vais plus lentement et que mes yeux se fatiguent plus vite.
Pourtant j'éprouve toujours cette première joie, quand je reçois mes petits tirages d'auteur obscur, à tenir un vrai livre voulu par moi dans mes mains . Mais cette joie si parfaite du premier livre est sur le rayon des si bons souvenirs. Le textes eux existent toujours à l'état de lecture possible et actuelle si on le veut . La plupart ont été publiés sur Facebook dans la partie Commentaires .
Et si je vous parle de tout ça, ce n'est pas par nostalgie seulement -je regrette du reste pas le passé et n'éprouve nulle envie de revenir en arrière- mais parce que j'ai eu l'idée aujourd'hui de quelque chose de textes et textiles autour . (à suivre donc, si le projet aboutit ) .
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Femmes de l'ombre
- Le 16/05/2019
- Dans opinions
Intimité et créativité dans les arts textiles de la fin du XIX° au milieu du XX °siècle
Auteur : Danièle Véron-Denise
Silvana Editoriale -cité internationale de la tapisserie d'Aubusson.
2018
en français
Livre en trois parties après diverses présentations, une partie éclaire avec beaucoup de photos les notions techniques de tapisserie à l'aiguille (ce qui n'est nullement inutile pour qui ne la pratique pas ou de manière dilettante !) et même les brodeuses confirmées apprendront par exemple l'existence du "point de Nantes",Il est à noter que les applications sur étoffes sont rangées-là ... alors que c 'est tout autant sinon davantage du patchwork (j'y reviendrai car ce point me titille!) .Il est vrai: patchwork et appliqué sont rattachés tantôt à la broderie, tantôt à la tapisserie . Et le mot "patchwork" continuant de susciter des ricanements absurdes, il est évident qu'il vaut mieux, pour l'aura de l'activité "appliqué" la rattacher à la noble "tapisserie" .
La seconde présente donc les artistes et leurs partenaires d'exécution textile et la genèse des oeuvres est developpée aussi -c'est sans doute à mes yeux, celle qui nous apprend le plus tant elle est fouillée et précise , parfaitement documentée - comme l'ensemble du livre du reste.
La dernière est le catalogue des oeuvres textiles exposées .
Les oeuvres présentées dans ce catalogue d'exposition sont donc souvent "duelles"...Il s'agit de rendre hommage aussi aux compagnes de grands artistes textiles (brodeurs et tapissiers surtout) et de montrer leur importance dans ce travail de l'ombre, si on peut dire, car elles n'ont évidemment pas souvent laissé trace dans l'histoire de l'art autre que fugitive et "au service" de leur mari, fils, d'amant ou de compagnon...ou en tout cas elles sont beaucoup moins connues -à part des spécialistes! Et, je souligne, ledit compagnon n'est pas non plus toujours très connu, non plus.
Chaque parcous est détaill , de manière extrêmement précise , avec détails sur les techniques utilisées , et aussi la mention d'oeuvres disparues.
Je ne peux résumer le parcours de tous ces artistes et de leurs "interprètes" et j'invite à lire le livre qui est passionnant sur le sujet . Je focalise(arbitrairement!) sur ceux qui ont retenu mon attention par une opinion ou une réflexion sur l'art textile en duo qui me porte à méditer et sur cet art , et sur le rôle et la place et...la reconnaissance surtout des femmes dans un art moins prestigieux que la peinture ou la sculpture notamment .
Emile Bernard selon les auteurs broda un peu lui-même réalisa un tableau intitulé les Bretonneries (en patchwork) IL fit broder ses oeuvres -à grands points drpits le plus souvent- par ses diverses compagnes : Maria dont le nom de famille est resté inconnu, Haneanah Saati et Andrée Fort soeur du poète Paul Fort . Oeuvre dont on nous dit qu'elle reste mal connue . L'article conclut "aucune pièce ne figure dans un musée français" ..Et à voir les oeuvres en question , c'est bien dommage !
Aristide Maillol (qui fut tapissier et céramiste avant d'être sculpteur ) écrivit : "J 'ai inventé un point très simple (le point lancé! ) de telle façon que je puis faire exécuter mes tapisseries par les femmes les moins intelligentes "-sic - ! mais il appréciait quand même que ses ouvrières aient été " très jolies". Il abandonna la tapisserie en raison de problèmes de vue et devint le sculpteur que l'on sait ; sa compagne Clotilde Narcis lui servit de brodeuse et de modèle et devint sa femme.
On connaît bien Jean Lurçat pour ses tapisseries tissées, on sait moins qu'il s'intéressa aussi la tapisserie à l'aiguille en créant des cartons pour "canevas" , sa mère fut l'exécutante de sa première broderie . Il est noté que la tapisserie à l'aiguille a des exigences propres et justement celle qui l'interprète n'est pas dans la simple exécution (il faut penser la surface en matières et en points sans parler des couleurs qui ne jouent pas de la même façon sur les points que sur de la peinture) Il semble notamment que Marthe Hennebert qui broda beaucoup des tapisseries à l'aiguille du maître et qui fut amie du poète Rilke, puis l'épouse de Lurçat ait été bien plus qu'une simple exécutante .Il s'agit bien de donner vie et une vie textile à un carton qui est un dessin essentiel certes mais il existe une part indéniable de création par points et fils dans le passage d'un art à un autre.
La compagne de Roger Bissière dite Mousse -les tapisseries de Roger Bissière sont des patchworks d'appliqués -mais on dit tapisseries puisque le mot patchwork reste, hélas dépréciatif- elle, créait carrément ... en composant avec des étoffes choisies par son partenaire. j'avoue avoir un coup de coeur pour ces tableaux-là. Et ce sont même les rares patchworks que les musées accueillent , -(il suffit de ne pas dire que ça en est et surtout qu'il y ait un grand art exercé comme caution artistique du travail d'étoffes. Le travail d'étoffes seul lui, surtout si c'est du patchwork, s'avouant tel, n'est pas considéré de la même façon , surtout s'il est hors courant et intelligentsias.
Pourtant Bissière lui-même écrivit :" Le tableau qu'il soit à l'huile, à l'eau ou qu'il soit fait d'étoffes, de ciment ou de la boue des chemins n'a qu'une signification la qualité de celui qui l'a créé".
J'ajouterai : ou de celles et que les celles en question ont été à travers les siècles étellement plus nombreuses à créer avec fils et étoffes pas seulement à reproduire ou interpréter des modèles ... qu'on aille y voir , bon sang qu'on aille y voir !
Dans cette partie Jeanne Kosnick Kloss Freundlich est la seule a être présentée comme créatrice "à part entière" encouragée toutefois par son mari l'artiste Otto Freunlich qui périt en camp de concentration . On la connaît surtout comme peintre , mais elle a créé dans d'autres disciplines avec bonheur et réussite y compris celui du chant lyrique. Son Apthéose des couleurs est une tapisserie brodée magniqfique.
il faudrait citer aussi :
Paul Eliee Ranson et France Rousseau, Laure Lacombe.
Fernand Maillot et Fernande Sévry
Paul Deltombe et Yvonne Berthault
Georges Braque et Octavie Eugénie dite Marcelle Lapré
Henry de Waroqiuier et Marie Joséphine Louise "Suzanne" Plassard
Bernard Pomey et Madelene Biardot dite Manon et un dernier chapitre intitulé : et quelques autres (prmmi lesquels Blanche Ory Robin (qui créait seule
et Sophie Tauer-Arp dont il est dit qu'elle créait tellementet en symbiose avec Jean Arp qu'il est impossible de savoir qui a créée quoi (et sans doute inutile !)
Et j'en ai sûrement oublié !
Et on conclut par un chapitre sur le rôle de ces femmes insistant sur leur qualité d'interprètes et la part active prise à l'exécution de l'oeuvre.
Ce livre est magnifique et il nous apprend énormément sur une partie peu connue de l'art textile..Les photographies sont également de grande qualité.
Je suis pour ma part dans une position plus militante ... on le sait.J'aimerais qu'un travail soit fait sur les artistes femmes qui créent seules leurs surfaces textiles, en commençant par une étude des oeuvres qui ne soit plus uniquement histirique ou de technique, mais s'interroge et interroge sur l'expression artistique qui s'en dégage. Il est vrai : très peu de personnes en France semblent juger que c'est nécessaire et même simplement pertinent ("c'est comme ça depuis des siècles et donc si c'était vraiment un art,ça se saurait"et autres arguments aussi peu fondés .) Et dans ses parties les plus ignorées (comme le patchwork, la tapisserie à l'aiguille ou la broderie de création- création en broderie pas forcément en dessin ! )on en est très loin.
On est toujours dans l'optique pour être artiste en art textile il faut à côté avoir exercé un grand art ( ou l'execer en imitant les grands arts), ou encore être la compagne de quelqu'un qui exerce un grand art . Seule dans son coin notre "anonymous woman" reste niée et dans sa création et dans son expression personnelle, on lui concèdera toujours un bel ouvrage et :"ah quel travail !" qu'on sert aussi à celle qui ne crée pas . Au pire on lui préferera la parfaite exécutrice virtuose d'un kit difficile.
Ce livre fait la part belle au travail des interprètes (et dans ce type de passage d'un art à un autre il y a effectivement ue grande part de création pas uniquement technique L'auteur fait une comparaison avec l'artiste interprète en musique .Et sur ce point la comparaison est juste : il s'agit de donner une vie textile au carton d'origine.. Il ya création donc dans le passage d'un art à un autre et création à part entière, surtout quand l'interprète y introduit des modifications qui viennent d'elle, de ses décisions propres.
Je soulignerai toutefois que si une composition musicale a besoin d'interpètes pour être entendue, un carton a besoin d'interprètes textiles pour exister en tant que pièce unique, on donne vie à quelque chose qui n'existait pas , une oeuvre en kit ou en modèle style "pas à pas" à suivre, non : on refait ce qui existe déjà . C'est rappelé aussi dans ce livre et c'est bien.Le livre souligne aussi que, pour beaucoup d'oeuvres, on ne sait pas on où elles se trouvent et en quel état .Alors pour des complètemet anonymes vous pensez !
Les oeuvres textiles, il est vrai, exigent une manutention coûteuse et dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres on ne fait d'efforts que pour ce qui est ancien ( ou au contraire dans la dernière mouvance au goût du jour ) . On conserve mieux les échantillons d'étoffes du patrimoine industriel -et on a raison- que les oeuvres créées avec des tissus et des fils. Il faudrait un travail d'indexation et un travail honnête , reconnaissant sources, emprunts. Et des analyses côté art à visée expressive et esthétique pas seulement technique ou historique. Seul moyen que ça glisse un jour côté culture générale et non oeuvres qui n'auraient d'intérêt que pour les spécialistes .. Comment savoir si on refuse d'aller vraiment y voir ?
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Les crazy quilts
- Le 11/03/2019
J'ai découvert ce qu'on nomme crazy quilt dans les années 80 , grâce à un article de la revue Cent idées rédigé, par l'artiste Cosabeth Parriaud, artiste renommée dans notre "corporation".
NB Pour les termes techniques je renvoie à l'article Questions de vocabulaire 2
Pour le profane je rappelle qu'on désigne ainsi les quilts , constitués de pièces très irrégulières. Enfin en principe ! Car on trouve aussi des "blocs" ces carrés fondés sur des géométries régulières notamment éventails et roues , et d'autres formes : le point commun coutures rebrodées et les embellissements divers . A noter qu'en France on a toute une tradition ignorée de patchworks faits de pièces irrégulières, souvent brodés de manière différente, on peut en voir dans le livre de MIchel Perrier Mosaïques d'étoffes.
Pour l'origine , on trouve deux théories : certains en font remonter les débuts à l'exposition de Philadelphie en 1876 où furent exposés des vases japonais craquelés; cela aurait donné idée de faire pareil en tissus dans un pays où l'art du quilt s'est implanté mieux que chez nous. Pourtant il existe des surfaces en pièces irrégulières antérieures -et ailleurs qu'aux USA- et d'autres historiens du quilt pensent que c'est le nom qui date de cette exposition et non la pratique vu que des crazy quilts tout à fait "victoriens" ont été créés des décennies avant cette exposition . Les québécoises les appellent "pointes folles". Il ya ces deux valences souvent retrouvées dans cet art du patchwork : soit l'économie qui conduit à utiliser les pièces dans leur forme récupérée, soit la richesse et la somptuosité qui conduit à choisir des étoffes, et à broder abondamment de fils et rubans de soie .Avec un mélange des deux : on peut utiliser les dits tissus précieux en les découpant à sa guise ou en les gardant tels quels pour ne rien en perdre , retrouvant par là un désir d'éviter tout gaspillage.
Il y a aussi des couvertures de pièces irrégulières sans broderies, des abstractions dont les bords seulement sont rebrodés, mais les crazys quilts évoquent souvent les tissus luxueux de l'époque dite victorienne : soies velours, dentelles où l'embellissement : broderies notamment est primordial et d'une absolue fantaisie et variété : peintures, photos, images tissées (venues des bagues de cigare jadis) appliquées, pompons , franges, boutons , boucles de ceintures, objets trouvés, restes de bijoux ,extraits de poèmes, de prières,rébus brodés, monogrammes . On peut trouver de tout et un crazy révèle beaucoup de la personnalité et de la biographie de qui l'a créé. Car s'il a existé assez vite des "patrons" on trouve aussi beaucoup de surfaces élaborées librement avec la fantaisie des chutes.
Assimilés aux crazy quilts, des quilts à motifs réguliers (souvent mêlés à des fragments eux, irréguliers) : notamment les éventails, les roues, les étoiles , certains kaléidoscopes , sont ornés à la manière des crazys et usant des mêmes matéraux ; ils leur sont donc assimilés ainsi que les très classiques cubes (baby blocks) et log cabin en soie .
Adoré des unes , il est parfois détesté des autres. Moi, j'aime tout ce qui permet de s'exprimer de manière différente, avec des tissus assemblés.
Je les trouve fascinants . Ils se ressemblent et pourtant chacune a sa façon de s'exprimer avec tout cet attirail de tissus, de formes, de points, d'embellissements. Par sa liberté , il a permis à beaucoup d'entre nous d'aller vers ce qu'on nomme (improprement à mon gré!) art quilts (pour moi la géométrie régulière est tout autant une expressio artistique, mais différement ).
Je possède une bonne douzaine de livres sur le sujet et chaque artiste a sa manière -ou ses manières- d'aborder ce genre 'quiltique" . L'une donnera la priorité aux formes, l'autre aux étoffes, une autre encore aux embellissements -jusqu'à la surcharge, parfois - amoureux du minimalisme s'abstenir même si on peut trouver des crazys quilts très dépouillés -aussi-
J'avais déjà fait , dans le début des années 90, quelques ouvrages en coton et en géométrie et séduite par la beauté des étoffes et surtout la présence de la broderie -j'ajouterai la possibilité de pouvoir user de tous les tissus même ceux qui s'assemblent mal ,de trouvailles diverses ) m'a séduite .
J'avais alors très peu de tissus précieux et j'ai rassemblé ce qui restait encore dans la maison d'enfance (pas grand chose au vu que mes parents avaient eu leur maison pillée lors de l'évacuation ) . J'ai quémandé autour de moi et amis et connaissances m'ont donné mes premiers trésors .
C'est avec cette base textile que j'ai d'abord fait un coussin pour un ami et devant son enthousiasme, je me suis lancée" dans un projet plus vaste l'Arlequin fou . Mais déjà à ma façon. Je n'aimais pas trop dans les crazys anciens la forme basique des carrés sauf disposés sur la pointe et j'ai toujours eu des affintés avec le losange que je trouve plus élégant. J'ai commencé en 1991 , et je travaillais surtout aux vacances d'été deux blocs par ci trois par là.) Je me suis rendu compte que broder demandait beaucoup plus d'énergie que coudre ... J'achevais en 2001 et ce crazy me fut demandé pour la deuxième exposition du festival de la Bourboule . Le plan fut refait deux fois je voulais un dégradé de couleurs, des blocs monochromes, bichromes et trichromes pour passer d'une zone de couleurs à une autre, le but était de mettre en vedette les très belles dentelles blanches que j'avais récupérées au centre . Ce quit comporte toutes sortes d'étoffes toutes de récupération pas un seul tissu "américain" spécial pour patchwork dedans , des jerseys , des lainages ... des lamés or et j'adorais cette possibilité de tout mixer (je l'adore toujours) . En revanche je n'ai pas surchargé de broderies et d'ornements , je ne voulais pas noyer l'effet d'ensemble sous des fioritures et les détails sont souvent selon la tradition des crazys anciens des alllusions à ma vie d'alors et celle de mes proches. Les crazys c'est la partie la plus poétique et la plus autobiographique de mon expérience textile multiforme .La plus secrète aussi, malgré leur exubérance.
C'est un grand ouvrage et un travail conséquent , monté et brodé à la main . Je dis toujours que je veux mourir dessous !
Pour la même exposition de La Bourboule j'ai bâti sur le thème Continents un Pôle Position qui fut refusé pour vice de forme. Je laisse à juger s'il était si vicieux que cela :-)
pôle position-2002 détail
Puis j'illustrai Peau d'âne dans une liaison texte-textiles et la grue blanche légendes japonaise qu'on peut voir dans l'article sur les livres en tissus.
Puis un peu plus tard et sur commande de la revue pour laquelle je travaillais ce quit de cérémonie intitulé Célébration : (et je retrouvais le bleu et blanc)
Puis un peu plus tard, toujours pour la même revue , cette étoile des neiges comme quilt de Noël :
En 2011 je participais à une exposition avec tissus imposés : rouenneries et drap d'elboeuf avec ce Rébus ou l'heureux mariage . le qult contient deux rébus et le titre s'explique par la présence de tissus représentant un mariage villageois (et aussi par jeu de mots car assembler des étoffes si différentes d'épaisseur et de style n'est pas si aisé !) :
Puis ce fut l'aventure du quilt Parfum D'enfance dont l'histoire est racontée ici
Mon dernier crazy quilt (si j'excepte les en-cours!) c'est Flamenco qui me prit quelques années avec moult abandons ...et reprises :
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Mais on peut ajouter quelques quilts précieux comme cet Avenir radieux qui peut ête classé là vu que les tissus sont précieux soies et velours) et les coutures et centres rebrodés ):
ou ce crazy rose salon , intégré à la série over-rose très peu brodé , mais en soies et velours :
A noter que la crazy rose -rose en crazy- est le nom donné parfois au log cabin décentré , ce carré constitué de bandes tournant autour d'une forme régulière -pour le log cabin classique- ou irrégulière pour la crazy rose.
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Des fleurs et des jardins
- Le 10/01/2019
J'ai coutume de dire avec un brin de provocation qu'il y a -au moins- deux choses qui m'ont empêchée d'être une artiste textile "contemporaine", du moins telles qu'on les définit et les apprécie actuellement : mon amour des géométries en blocs (carrés ) que je me refuse à appeler "traditionnelles" et des fleurs. Je pourrais y ajouter mon amour des couleurs ...et des surfaces en bas-relief.
De la géométrie j'ai déjà parlé. Du relief aussi.
Donc allons voir sous les roses ...puisque régulièrement si on prétend à autre chose qu'à l'exercice d'un aimable loisir, ou d'une activité juste "pour se faire plaisir"-pour moi c'est tout autre chose !- , on vous y envoie !L'obsolète série overose
L'histoire de l'art nous apprend qu'à certaines époques c'était en bas de l'échelle de l'art- en peinture, le portrait tenant le haut du pavé ... mais elle nous apprend aussi que les jardiniers du roi plantaient des fleurs comme motifs pour les peintres en velins et les brodeurs, arts associés. A l'époque le décoratif était aussi lié à ceux qui avaient les moyens de se l'offrir donc nullement dévalorisé. Corollaire de la science par la botanique et des découvertes par l'importation d'espèces exotiques à "acclimater". Un palais oui, un château à la rigueur - ça magnifie ce qui y est inclus, mais certes pas une maison.
Rien de féminin pourtant dans l'habillement : Il suffit de regarder un pourpoint du XVIII° siècle pour s'en rendre compte . C'est l'apogée d'une broderie d'or de soies et pierres précieuses .Et on ne me fera jamais croire que les aristocrates qui les arboraient étaient tous effeminés.
On peut par exemple voir ici ce qu'il en est
En broderie donc la fleur est de loin le motif de prédilection et ce depuis qu'on a des motifs conservés largement devant tout le reste. Partout et à toutes les époques -avec parfois une concurrence ou une association avec les motifs stylisés- il existe peu de livres qui recensent les motifs de fleurs brodées au cours des âges , mais je pourrais citer ceux de Claude Fauque, ceux de Gail Marsh et ceux de Thomasina Beck. Ils nous apprennent énormément aussi sur la vie des hommes leur histoire, et par derrière eux tous les codes, les symboles que les fleurs recélaient.
"Les fleurs c'est joli ... les fleurs c'est banal ..." Et en art textile plus encore qu'ailleurs, même si l'histoire de l'art nous apprend que les peintres de fleurs n'ont pas toujours été prisés.
" Les fleurs c'est juste décoratif, les fleurs c'est le féminin donc ça manque de force" (ceux qui affirment cela n'ont pas lu le beau texte de Colette sur la glycine dans les Vrilles de la vigne). C'est ce qu'on me dit. Naturellement pas si c'est Gauguin ou Van Gogh qui peignent des tournesols ....Ou si c'est un grand brodeur qui brode sur des robes Haute- Couture pour un grand couturier. Mais cela alors, qu'en dire ? :
Motif floral sur écharpe de soie créé pour la revue Broderie d'art.
Donc si on est femme et qu'on veut créer des oeuvres fortes, éviter les fleurs. Même les ronces. L'arbre à la rigueur si on tient faire dans le végétal. Un arbre ça se dresse , ça s'érige. Une fleur ça s'étale, c'est mou , c'est joli, c'est tendre , c'est délicat donc c'est cucul la praline. Naïve donc insignifiante. Malgré tous les symbolismes qu'elle a toujours contenus ! Qui veut réduire amenuise, déprécie, classe en sous-genres. Délicatesse et grâce sont-elles manque de force ? Au sens de puissance d'évocation, pas sûr ! Juste que prêts à penser, snobismes, militantismes mal conduits, adhésion aux modes du siècle brouillent une lecture claire de ces symboles floraux où on ne voit trop souvent que niaiserie, esprit simplet etc .
Même si une fleur ça exhibe son sexe souvent double , sans vergogne, à tous vents et aux ardeurs de ce qui nous reste de pollinisteurs, il n'est pas de bon ton de le souligner. Et que les fêtes des Floralia à Rome étaient très loin d'être soft !
Mais étrange, des fleurs on ne se lasse pas. Dans les vrais jardins surtout :-) où les jardiniers et les paysagistes, chance pour nous, ont encore le droit de les utiliser sans qu'on les taxe (trop) de banalité. Si un jardin a pouvoir de nous faire rêver une oeuvre textile florale tout autant .
Prenons les fleurs brodées sur les napperons. Très à la mode dans les années 50-60 on pouvait les réaliser en simples exécutrices : on achetait le dessin pré-imprimé les fils et les points les couleurs étaient choisies par la créatrice (avec parfois un échantillon réalisé ). On ne pouvait être louée alors que pour une exécution parfaite .Et, de nos jours je sais nombre de brodeuses qui aiment à reproduire des kits ou des modèles en vogue (la peinture à l'aiguille et la broderie d'or sont des moyens de montrer à cet égard son expertise -)
Les magazines féminins donnaient aussi des dessins en noir et blanc et c'est avec eux que j'aime encore travailler (je peux dessiner des fleurs par moi-même je l'ai fait , mais quand je veux créer juste par le travail du brodeur ce sont ces motifs que j'utilise et tout comme les géométries empruntées du patchwork l'art ne se situe pas dans ces dessins souvent conventionnels mais dans l'utilisation qu'on peut en faire .
Ainsi dans le livre textile Lucette et Jacqueline (s) où ma visée était d'honorer la mémoire de deux couturières brodeuses -mes aînées- et où les motifs naïfs ont été choisis en fonction de la tonalité et du thème de la page. Je n'ai emprunté que les traits, le travail de création en broderiee : choix des points, de couleurs placement dans une composition est de moi et c'est réellement une recherche personnelle . Si je tiens à le souligner , c'est que cet art-là est gommé ! Même si ici je suis restée volontairement dans la convention du bouquet tricolore bleuet-coquelicot-marguerite. Je signalerai au passage qu'un sujet banal choisi avec une visée spéciale, c'est une démarche pas une banalité involontaire parce qu'on ne sait pas imaginer autre chose ! Je sais imaginer autre chose (cf la botanique alternative sur ce site)
Livre Lucette et Jacqueline(s) La page des pattes.
En patchwork , le problème est ressemblant et différent. Les petits motifs fleuris sont fréquents dans les quilts anciens , et on peut même dater d'après leur graphisme, l'historienne et quilteuse Barbara Brackmann a publié à cet égard des livres très intéressants.
Les motifs sur tissus évoquent aussi les Indiennes, ces tissus d'importation dont l'histoire est un vrai roman très bien conté dans les livres de Claude Fauque entre autres. Motifs copiés en impression comme en broderie ad libitum mais sans que jamais leur beauté ne rassassie. J'en possède un morceau très ancien (vraisemablement du XVIII° siècle que je garde jalousement ) , beaucoup ont servi de base aussi aux motifs de la broderie dite "crewel" . Les fleurs sur les tissus c'est le domaine où les inspirations se mêlent, géographiquemet parlant et l'histoire des hommes et de leurs "découvertes" y sont inscrits.
De la fin des années 90 jusqu'en 2002 j'ai collectionné les tissus spécifiques aux quilts et notamment les motifs floraux,de tous styles, mais recueilli aussi les restes de vêtements de toutes époques. C'est en mélangeant ces graphismes floraux que j'ai élaboré mes quilts jardins . Le premier s'appelle Florilège-cf index lettre f- et tous mes jardins comportent aussi un jeu sur la géométrie et les échelles et les styles différents de motifs, en cela ils ne sont pas de simples watercolors où on achète des bandes pré-assorties pour les recouper en carrés -qu'on m'excuse de parler sans ambages- mais ce genre de pré-digéré à mon sens est contraire à ma visée et vision d'un création . Mon art consiste à assortir ce qui ne va pas ensemble alors que si on l'exerce comme loisir on cherche surtout à avoir du déjà assorti- par quelqu'un qui sait- pour posséder un bel objet sans risque d'erreur alors que dans mes quilts jardins je risque la cacophonie à chaque instant !
Au delà c'est un langage des fleurs et des signes et une reconstruction d'un espace style paradis perdu . Et je demande qu'on le regarde aussi ainsi et pas comme un joli petit quilt à fleufleurs ce qu'absolument, ce n'est pas. Mon livre Jeux d'étoffes détaille ces approches.
détail du quilt cascade
on peut voir d'autres jardins dans l'index textile notamment à la lettre J .
Ne voyez pas d'amertume dans ce que je dis, ni plainte mais une analyse lucide. Je ne cherche pas reconnaissance pour moi, je le répète : j'en ai plus que je ne pouvais espérer pour une artiste "amateur" volontaire ... cf ma page d'accueil .
Il ne s'agit pas que du plaisir de créer (créer pour moi est certes un plaisir mais pas un loisir : une nécessité de "langage" par les étoffes -comme par les mots - et les fleuries y tiennent leur part pas seulement parce que ce serait "joli" ) .
Je m'interroge sur les regards "excluants"et injustes -mais si répandus qu'on les trouve normaux- sur des zones entières de l'art textile (et non mes ouvrages oeuvres et oeuvrages seuls ). J'ai assisté dans les années 90 à ce rejet progressif des tissus particuliers au patchwork où les fleurs tiennent une bonne part.
On peut voir aussi l'article : les palettes d 'une textilienne .