L'art textile , les mots confisqués
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 20/09/2020
- 0 commentaire
Je poserai comme préalable que ce n'est ni une justification, ni une plainte. Un constat. De faits ,d'affirmations, de pratiques.Une histoire ignorée .
No plain no complain mais explain explain explain . Et prouver. Car qui le sait ? Dans les autres arts ça ne fonctionne pas comme chez nous. Déjà que nous sommes rangées, tout à fait arbitrairement, côté paniers à ouvrages ! Affaire de vocabulaire , d'étiquettes, de préjugés, de clivages admis sans l'ombre d'une étude, d'une recherche . Là encore on répète ce qui se dit dans clubs, groupes , revues . On admet les classements, les exclusions, surtout si on n'en pâtit point et plus encore quand on en bénéficie.
La preuve ? Une parmi des centaines d'autres . J'ai la documentation !
Nous sommes en 2007 et dans un article des Nouvelles du patchwork (et de l'art textile déjà !) on peut trouver une phrase comme celle-ci censée répondre dit son auteur, une autorité en la matière aux interrogations des visiteuses d' une exposition d'art textile (le vrai, pas le mien !) demandant la différence entre contemporain et art textile
donc on lit cette sublime phrase L' art textile est plus contemporain et plus conceptuel que le contemporain" -sic
Vous ne comprenez pas ? Moi si .très bien et je dirai même trop bien.
On pouvait lire aussi sous la plume d'une artiste contempoaine dont je prise fort les oeuvres :" l'art textile est un phénomène récent "(comprendre le vrai art textile pas tout le reste!-qui est en fait le plus souvent du mixed media avec textile ou encore sur un blog "le patchwork est un art textile mais ce n'est pas de l'art textile"
Là c'est plus franc comme exclusion c'est dit net, quoi.
Le pourquoi du comment comme toujours passe par l'histoire. Pour comprendre, il faut repasser le film un peu en arrière. Celles qui viennent à l'art textile aujourd'hui ou par d'autres portes, ignorent tout de ces faits. Histoire restée evidemment confidentielle puisque hors culture générale-parce qu'on le place, là déjà, et in microcosme "arts textiles" . C'est pourquoi j'y reviens (répéter de diverses manières est le nerf de tout enseignement !).
J'ai déjà developpé ce sujet d'une autre manière dans deux articles d'un débat portant sur la notion de "contemporain" dans l'art textile On peut lire de débat ici et ici .
Oui je sais c'est aussi trop long pour lecture sur écran . Mais je n'écris pas non plus pour la culture du survol rapide. Et ça peut s'imprimer .
En clair d'abord il y a eu des arts textiles redécouverts aux alentours des années 70 dans la mouvance hippie aux USA, parmi lesquels le patchwork .et qui ont culminé aux USA avec l'exposition Abstract design in American quilts initié par le collectionneur Jonathan Holstein et qui voyagea partout y compris en France Voir ce lien
.Le but était justement de montrer que sa place n'était pas que côté folklore et arts appliqués mais que même si créées comme couvertures et à des fins décoratives et/ou utilitaires, ces surfaces pouvaient être regardées autrement, déjà la position verticale sur un mur permet un autre abord. Il est évident que même aux USA cela ne fit pas l'unanimité . En France on proposa pour exposer le musée des Arts décoratifs, fait sur lequel l'auteur ironise (la France n'a pas de culture patchwork).
Et même dans les pays où la culture patchwork-quilt existe le Royaume -uni par exemple, en 1997 dans un article du Daily Telegraph, une artiste comme Deidre Amsden (pourtant classée contemporaine) déplore que le mot "quilt" fasse fuir les milieux "vrai art". L'historienne et artiste Spike Gillespie le note aussi dans son livre sur d"histoire des quilts (Quilts around the world) . Le professeur d' histoire de l'art Roger Dunn souligne l'exclusion de tout ce qui vient du féminin et n'imite pas les arts des hommes (Stitching Resistance) . .Les musées ça veut bien accueillir les urinoirs côté grand art, ready made,pas les couvertures donc ne me dites pas c'est pareil pour les peintres ou artustes classés Beaux arts . Non ce n'est pas pareil. Le statut dans l'art officiel, n'est absolument pas le même.
. La pratique s'est developpée en France fin des années 80 avec des cours dispensés par Sophie Campbell ou côté Rouvray par l'équipe de Diane de Obaldia Toutes deux venues des USA; Il s'est fondé une association Française du patchwork dont je fus membre de 1992 jusqu'en 2013 . Je lui dois beaucoup à mes débuts du moins, je lui ai donné aussi quelques modèles et contributions de réflexion -dont on n'a pas toujours voul, j'ai expliqué dans mon article le bonheur en lisière ce qui m'en avait éloignée .Je n'ai pas changé d'avis .
J'ai souligné qu'il existait en France avant cet enseignement venu des USA , des personnes qui déjà pratiquaient cet art comme le livre de Michel Perrier Mosaïques d'étoffes en atteste pour les quilts du XIXe siècle, qui ont leur cachet bien français (j'en trouve de temps à autre sur les sites d'enchères en ligne bien connu ). Ainsi cette pochette qui fait partie de ma collection est un ouvrage français du XIXe siècle :
Et plus récemment justement dans les années 70 on voit des créations originales dans le livre de Marie Janine Solvit .Comme celle-ci :
Patchwork de Fançoise Scheider années 70 (à l'époque on ne parlait pas ni de matelassage obligatoire, ni de contemporain, ni de traditionnel, ni d'art textile qui serait le vrai )
Signe qu'il y avait des pratiquantes certes pas autant qu'au Royaumue Uni et aux USA mais déjà différemment et entre nous soit dit ces quilts ou tableaux textiles pour être moins nombreux ne sont pas moins signifiants . S'ils le sont moins c'est qu'ils ont été traités avec moins d'égards ! Et sont aussi "contemporains" que ce qui adviendra peu après. .Aimable loisir jugé sans valeur , aussi ,parfois , trop souvent par celles et ceux qui le pratiquaient, encore que lorsque c'est un homme il a tout de suite une plus value et ce, même aux yeux de certaines femmes .
Et puis donc le patchwork s'installe partie comme activité de créatrices authentiques (je songe à Nadine Rogeret que je découvris à mes débuts il en est beaucoup d'autres ), partie comme loisir de clubs . Je ne dis pas qu'on ne pouvait pas créer dans un club, mais on peut très bien préférer faire toute seule . Et on n'exige ni d'un peintre ni d'un graveur qu'il aille rejoindre un groupe pour créer! Créer était moins le but pour beaucoup que de trouver des idées (celles des autres) au mieux pour les adapter et interpréter ou des modèles 'ceux des autres" bref d'avoir quelque chose à coudre ou broder ou les deux.Et papoter autour d'une activité partagée .Rien d'infamant à cela il existe aussi des clubs d'arts plastiques pour d'autres disciplines acceptées elles à l'exposition hors clubs- dans les lieux que je nomme "généréalistes".
Il y eut jusqu'à la fin des années 90 un grand essor de ces activités . Avec plus ou moins de création et déjà hélas des copies de kits exposées et primées non avouées ou des prix décernés à des copies intégrales sans citation de source voir l'histoire de la grande étoile dite des quatre saisons .
Et puis à la fin des années 90 nous arriva ce concept de "contemporain" . On sait bien la révolution et les ravages que le mot a fait dans les grands arts, ceux qui comptent .Aux Usa on disait plutôt "art quilts" Définis par des historiens du quilt, surtout du quilt américain sans contestation possible. Juste que j'aime fouiller ailleurs . Comparer. Les USA n'ont pas inventé le patchwork, non plus . Même qsi l'activité s'y est incroyablement développée et sans doute pour des raisons autant commerciales qu'artistiques (ce qu'il ne faut pas dire bien sûr).
Déjà on peinait à le définir, ce contemporain
On peut résumer : éviter les tissus à petits imprimés et éviter les géométries régulières jugées sans imagination et répétitives sans "surprise" (quoi même pas celle d'y insérer à chaque pièce un morceau d'étoffes celui-là et pas un autre, comme on écrit une phrase pour un poème ou un roman ?) et déjà y ntégrer des matériaux non textiles : on était plus contemporaine en assemblant des canettes de sodas que des étoffes juste que le monde des étoffes est plus immense que celui des canettes de sodas ou autres boissons; du reste c'était bien du patchwork (ou de la mosaïque ? ) mais plus du textile . Ce compte la marqueterie c'est du patchwork innovant en bois ! (puisque l'innovation vient de la matière autre qu'étoffe!) Cela annonçait la deuxième révolution celle dite de l'art textile .
Il y a eu à ce moment-là un glissement sur l'évaluation des quilts : était jugé artistique parce que contemporain tout ce qui en gros ressemblait à de la peinture abstraite (avec pas mal de démarques des peintres abstraits Klee notamment( voir ici) ou Vasarely pour l'op art) .Le figuratif aussi puisque qu'il y eut aussi un retour à la figuration en peinture. Ses sources étaient nobles et celle fondées sur des blocs jugés traditionnelles . A partir de là on n'a plus regardé ce qui pour moi rstait essentiel à me yeux : ce que cet art d'assemblage d'étoffes diverses pouvait dire, exprimer en tant que langage textile à part entière. Ce qui disaient ensemble des tissus réunis. On fuyait les imprimés qui faisaient "trop patchwork) et pas assez peinture (on peignait , on teignait ) . Certes, ça a donné de très belles oeuvres , où le graphisme, la peinture la teinture , là parlaient mais plus autant les tissus mis enemble. C'est là qu'il ya profonde incompréhension et relégation . On a présenté comme contemporaines des formes qui existaient déjà (en peinture) et on a de nié la création'"contemporaine" chez celles qui comme moi continuaient à chercher autour des tissus "faits" et des motifs en recomposition (tâche inépuisable) ou des fameuses géométries dites "traditionnelles" dont les combinaisons déformations modifications restent infinies .. On a présenté cela comme un stade à dépasser bon pour des débutantes et comme si surtout c'était "fini épuisé" . Toutes les biographies des artistes se disant contemporaines commençaient par : : "j'ai commencé par du patchwork traditionnel(sic) et puis je suis devenue enfin artiste et créative et j'ai abandonné . J'y reviens pour me délasser ." Des phrases comme ça j'en ai lu des dizaines et aujourd'hui encore.Considdérer le patchwork en blocs comme n stade pour débutantes est déjà d'un mépris à couper au couteau ! . Evidemment si on ne regarde pas où elle est, la création, on ne saurait la voir .
Le problème c'est que ce "contemporain" on peinait à le définir (plus facile de dire ce qu'il n 'était pas, que ce qu'il était et encore ! ) Les premières expositions de patchwork dit contemporain marquent ce flottement (j'ai les catalogues) . Un livre récent , 1000 quilt inspirations, de Sandra Sider, (2015)
qui est prodigieusement riche,, ec qui fait son intérêt , classe ainsi
Ceci est classé traditionnel :
Ceci est classé art quilt abstraction (l'équivalent de notre "contemporain) remarquer que côté USA le mot "art était déjà confisqué il y avait des Art quilts et les traditionnelles qui n'étaient donc ni contemporains, ni de l'art. Ben voyons!
Les deux montrent des bandes . Parallèles mais point trop . Qu'est- ce qui a pu faire classer le premier dans traditionnel ? : les formes ne le sont absolument pas !
L'usage de l'imprimé très probablement et d'une dentelle en embellissement . Le deuxième étant fait d'unis fortement contrastés est donc classé comme de l'art abstrait . Juste que dans les mêmes parties du même livre on peut trouver l'exact contraire ...ce qui reste troublant .Les deux blocs reposent sur une abstraction et pour moi les deux sont de l'art tout à fait "contemporain" . Je vous passe la catégorie Modern quilts encore une valence du début XXIe siècle)
De plus l'usage de l'uni dans des formes aux couleurs fortes ça a déjà été fait bien avant dans les quilts Amish et Gallois. Voir l'article sur les géométries ici et ici
Aux alentours de l'an 2000 deuxième coup de boutoir . Vint se greffer sur l'activité patchwork en utilisant ses structures qui plus est ,tout un mouvement très intéressant appelé Artextures chez nuous Fiber art ailleurs qui au fond regroupaient des plasticiennes issues des Beaux-arts et excluait évidemment complètement le pachwork jugé traditionnel puisque déjà non contemporain . Plusieurs de mes amies ou relations en font partie et 'j'ajoute que je respecte et souvent admire leur travail . Je fais moi, cet effort d'intérêt et d'ouverture . Juste que la réciproque est très rarement vraie ou se borne à une reconnaissance de tout sauf l'acte de création cataloguée donc non contemporaine vlan, et non art textile repaf . KO le patchwork !
Il ne s'agit pas de rejeter ce mouvement qui a donné de fort belles oeuvres bien que lui nous rejette totalement.Restez dans vos ouvroirs -sic fut-il même écrit . Ce que je n'admettrai jamais c'est ce regard de supériorité et la confiscation des mots "art textile" au profit d'une partie récente de cet art-qui plus est trop souvent celle où les tissus parlent le moins . On ne me fait pas prendre des vessies pour du textile. Ni un discours creux pour du profond.
Et dans les discussions internes ça donne ceci :
Tu fais quoi ? Du traditionnel ou de l'art textile ? (le mot contemporain a tendu à disparaître ou à se confondre avec l'art textile, le vrai pas le nôtre ) .
à quoi je répondrai :
Je fais ceci :
Melting Pot ce serait : classé traditionnel ni contemporain art textile bien sûr ! Pas contemporain car j'ai usé comme source d'un bloc inscrit dans les recueils (dessin en noir et blanc) j'ai juxtaposé mes blocs (pas un n'est identique à une autre) c'est une surface, et en art textile vrai on préfère la 3D . ou la suspension .ou l'installation ou la performance .Le même roulé en boule en expliquant par exemple que j'ai voulu y montrer le rétrécissement de la planète ou je ne sais quel boniment de même farine aurait peut-être une chance . Ou bien en le maculant de taches ou en le déchirant, peut-être (là les discours symboliques tout faits ne me manqueraient pas ) . Voyez : je saurais moi aussi : mais je ne VEUX pas .
Que j'aie pu avoir une démarche de femme bien de son temps le faisant, non ça ça ça ne compte pas . Si on veut savoir laquelle c'est ici :
Le feu sacré là celui-là vu la prédominance des formes et des couleurs sur l'usage d'étoffes variées on me le classerait contemporain juste que pas de chance le contemporain dont je parle ci était démodé quand je l'ai terminé . Modern quilt serait une chance de rattrapage .N'est-ce pas risible ?
La chimère apprivoisée série Nous. A noter c'est toujours du patchwork puisque constitué de morceaux de tissus .Mais ouf jai monté en grade j'ai abandonné la géométrie . Juste que là j'ai oublié le bout de bois , de fil de fer qui pourrait me donner l'estampille vrai art textile et puis c'est une surface cf ci -dessus etc .Bref peut mieux faire!
Et puis là je deviens carrément conceptuelle : (youpie enfin après trente ans d'efforts ! vous pensez!)
Voir sur ce lien pour la noble démar che du jour om je suis devenue enfin une vraie artiste textile .C'est pourtant le moins textile de mes ouvrages (sur papier lidée resterait la même !)
Sérieusement tout est de moi, tout est aussi contemporain(ou pas!à) et je ne suis pas suiviste c'est tout. De l'art? Je laisse les autres en décider . Je veux bien m'ouvrir aux innovations (ou se disant telles!) , mais je ne vois pas pourquoi une partie de ce que je fais deviendrait obsolète parce que d'autres en décident avec des critères sans fondement et arbitraires . Je continue donc simultanément mes recherches dans tous le genres d'un art textile que je souhaite depuis plus de vingt ans débarrassé de ces absurdités et qui donne accès à toutes pourvu qu'elles créent à tous les lieux où où il peut être montré sans qu'on vous dise : surtout pas de patchwork !Au panier à ouvrages patchwork ! sage! pas contemporain pas art textile, tu l'auras ton susucre de "bien cousu" "quel travail " valable aussi pour celle qui copiera ta création . Rien de plus.. Est- ce juste? je vous en laisse juge.
Réflexion-débat-questionnement
Ajouter un commentaire