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Art : la loi des séries -première partie
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 21/05/2023
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Je me souviens d'une conversation , lors de mon expo en solo (la seule qu'il m'aura été permis de faire en solo s'entend, à Paris en 2004 , d'une relation qui me dit :
- Un vrai artiste ça fait des séries.
Ce qui recoupe une remarque lue plus tard dans un livre donnant des conseils pour devenir "artiste textile" faire des petits formats (pour éviter l'effet couverture!) et des séries . -on sait bien que composer une surface en patchwork non seulement n'y suffit pas, mais vous tague traditionnelle ringarde il fallait donc "faire des séries" .
Je suis donc devenue serial sewer -embroiderer.
Non non pas pour faire "artiste" et je voudrais redire ici combien je me fiche comme de mon premier lange (il n' y avait pas de couches culottes à l'époque) de ce qu'on devrait faire ou ne pas faire pour paraître-et non être!- "vrai" artiste, car si on l'est, vraiment on n 'a pas à se plier à ces modes et si on l'est pas autant faire ce qu'il nous plaît! - et encore plus "vrai artiste textile " - 'ça j'ai compris il y a longtemps ! Comme expliqué ici
Ce qui m'intéresse aussi c'est le fil.. conducteur qui pouvait se trouver entre certaines de mes oeuvres auxquelles on reproche parfois leur absence de ..monolithisme. .de filon unique .. qu'on peut appeler positivement "unité". Mon unité c'est mon goût de la diversité!
La première série que jai créée c'était pour l' exposition textes-iles et on peut la voir ici . C'était sur demande j'entends par là qu'on m'avait dit : peux-tu faire une vingtaine d'oeuvres pour illustrer des poètes de la LGR et que j'ai evidemment accepté le défi-car c'en était un fameux.Il ne s'agissait pas , comme je le voyais faire d'écrire ou de broder un texte sur du tissu .Non que ce soit "inférieur" mais différent .Vous pensez bien, moi qu'on snobait , ignorait , réduisait qu'on définissait comme "fait de jolies choses avec des petits bouts de tissu"- dans les milieux branchés art textile innovateurs de ce début des années 2000 voilà que j'exposais et en solo et en galerie d'art et à Paris ... De quoi faire des jalouses parmi celles qui justement regardaient de haut mon absence de "mixed media" ou de 3D et de caractère "contemporanéité " qui reste un critère dominant d'exclusion pour ce que jentends, moi, faire.
Elément 13 tableau de la série text-iles
Un peu après en 2005-2006 une relation que je puis plus qualifier du nom d'amie a insisté pour que je fasse avec elle le Calendrier textile et les tableaux duTextilionnaire (que j'ai rebaptisé ainsi ).
Ardeur tableau de la série le Textilionnaire
c'est aussi à cette époque que j'ai commencé le chant des couleurs solos
.. Le chant des Couleurs a été exposé à l'expo Textiliens-liennes de Valenciennes en 2022.
En même temps j"ai commencé la Série Coquelicots qui elle aussi aurait pu être exposée à la LGR si des ennuis familiaux en série ne l'avait empêché, avec ce fil conducteur : la fleur et quelques textes ou citations de poèmes et de chansons la série a été exposée à l'abbaye de Floreffe en 2010 dans le cadre d'un atelier d'écriture.
Coquelicot -1
Fin 2008 l'envie m'est venue d'assembler les textiles autrement et ce fut la série Nous que je reprendrai peut-être un jour.
Espoir tableau de la série Nous
Over-rose est une série poly-média puisqu'elle comporte un texte de départ, des tableaux textiles de style (ou de genre ?) très différents et des images numériques . Série dont plusieurs ouvrages sont encore en cours.
L'obsolète un des tableaux textiles de la série- over-rose
Vers la même époque j'ai mis en route la série Triangulations qui associe sur un format A4 le patchwork et l'impression sur soie d'une oeuvre numérique . on peut voir plus ici
Triangulations un des tableaux
(suite et fin dans un autre article)
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Broderie et écriture
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 07/03/2023
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Je renvoie, tout d'abord à l'article Linéaire C , présentait un sampler de points utilisés pour les crazys quilts sous forme de livre.
J'ai commencé récemment ces "rouleaux" mue par plusieurs élans, "envidées" . Les rouleaux textiles sont à la mode en ce moment, mais on le sait des modes je prends ce que j'avais souvent envie de faire, parfois avant que tendance ça ne devienne. Revenir aux rouleaux , c'est aussi revenir aux formes achaïques de recueils de textes, les "volumina". Mais on le verra plus loin on écrivait aussi sur du tissu (nous n'avons rien inventé et prétendre innover en le faisant fait sourire.) .
Je suis fascinée depuis toujours par les écritures anciennes, les vieux parchemins, les grimoires , les langues non encore traduites ou incomplètement . Ces signes qui certes ont un sens, mais soit uniquement pour les spécialistes, soit encore caché, résistant à la traduction. Et même les messages dits chiffrés.
Ce qui m'attire c'est précisément cette part cachée de sens qui nous échappe et qui pourtant est.. C'est pourquoi aussi je ne réprouve pas les sens multiples dans mes poésies tout au contraire ce langage verbal mais non élucidé, soit volontairement codé , (l'un se déchiffre et l'autre se décrypte), existent et sont connus . Déjà lorsque dans le Textilionnaire je travaillais sur le projet grimoire", j'étais sur cette voie d'inspiration , et également quand je rapproche les motifs sur les étoffes en leurs lignes et intrications d'un langage.
Le langage on le sait n'est pas qu'une langue. Il inclut d'autres expressions .Il m'est apparu en collectionnant les livres de broderie, que les points en eux-mêmes selon la brodeuse qui les choisit , avaient sinon un sens rationnel, au moins un sens visuel et tactile. Chacune a son parcours, ses utilisations pour "dire"ou faire ressentir cela ou cela, ses "voies" et même si beaucoup restent dans l'objectif utilitaire-décoratif ce qui n'exclut pas le reste, il se dégage depuis quelques années d'autres possibilités. Les points sont souvent organisés en "dictionnaire" ou "encyclopédie" et chacune est différente de l'autre. Il m'apparaît aussi qu'alors qu'on peut en dénombrer jusquà 300 différents, beaucoup de brodeuses se bornent à une petite dizaine. Il est vrai : un des plus simples le point droit ou lancé suffit à lui tout seul à assurer la "peinture à l'aiguille" dans la mesure où le célèbre passé empitéant dont elle dérive est constitué de points droits, ainsi que le merveilles de la broderie blanche au point dit "passé"ou plumetis .
Egalement le nom des points dans une même langue varie, créant parfois une polysémie involontaire. Ainsi en anglais notre "point d'épine devient "feather stitch " point de plume: nous avons sélectionné l'agressivité qui peut s'en dégager, et nos voisins la légereté de ce point aéré. Pour les non initiés un lien vers ce point.
Et puis j'ai lu récemment l'histoire de la Momie de Zagreb et du liber linteus Zagrabiensis dont on trouve l'histoire ici . Ces bandelettes trouvées sur une momie égyptienne et écrites en étrusque sur du lin (l'étrusque reste une langue imparfaitement traduite), rencontrant celle de la mode des rouleaux textiles m'a donné envie de lignes de points en suivant le parcours d'une brodeuse que j'aime beaucoup Christen Brown , pour commencer. Je n'ai pas fait tous les points mais ceux qui justement me "parlaient" comme écriture ou signes et soyons honnête, j'ai laissé de côté quelques-uns que j'avais du mal à faire quitte à y revenir après entraînement . J'y ai adjoint des dentelles tant mécaniques que manuelles dont les dessins sont pour moi encore un langage . Le tout s'appelle : Les bandelettes de la momie coquette .
Trois rouleaux sont actuellement achevés .
Le voeu pieux habituel :Avec le souhait que des personnes plus autorisées que moi se mettent un jour à regarder les points autrement et, en même temps que d'ouvrir la broderie à tout et parfois n'importe quo , au prétexte de la renouveler , on revienne aussi de temps à autre donc explorer aussi ce langage-là autrement qu'en nous parlant de "texture" , .Car oui chaque point parle, comme chaque tesselle de tissu par une variété de caractéristiques : sa forme (droit courbé), son orientation sur la surface, -et là on est encore dans le dessin - mais aussi et surtout par le fil qu'on va utiliser, nombre de fils, épaisseur manière dont il est filé (crucial, cela!) plein ou torsadé, mouliné, mercerisé -son épaisseur . sa brillance ou sa matité, Sa matière (lin soie coton ou tout autre chose mais ces matières-là aussi .et sans les taxer de "traditionnelles"( à ce compte un peintre est traditionnel quand il use de pigments. ), Ses éléments autres que fils : plumes boutons, pierres , perles, applications diverses - écailles de poissons, élytres d'insectes .mais n'importe quoi fixé sur n'imprte quel support est-il encore de la broderie ? De l'art je le concède quand c'en est, mais qu'on réfléchisse et au sens des mots et aux pratiques qui ont donné leur nom à cet art. Des clous plantés dans un mur sont-ils de la Broderie ? Un fakir est-il un brodeur "innovant" ? question qu'il ne faut jamais poser si on ne veut pas être taxée de ringardise ! .. J'ajouterai : il y a encore la juxtaposition, les espaces qu'on va laisser ou pas entre, les superpositions éventuelles , les hybridations, ses déformations , les combinaisons avec d'autres points , aussi . Et tout cela serait juste du joli pour décorer niaisement ? sans aucune signigication, visée , imagination originalité, prifondeur ? Je n'en croirai jamais rien !
J
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Chères vieilles choses, livre textile
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 29/10/2022
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Chères vieilles choses ou 40 ans d'amour de l'assemblage des étoffes ...
Surtout quand rien n'est au départ assorti ! (j'ai toujours détesté viscéralement les assortiments spécial patchwork ! les kits et le pré-choisi )
Pour fêter mes quarante ans d'assemblage textile -assemblage pas forcément "couture normée", j'ai élaboré cet album autour de fragments de patchworks restant des ouvrages terminés , mais aussi de débuts d'ouvrages qui n'ont pas abouti sauf à cette page . J'y ai adjoint un peu tout ce que j'aime : des broderies blanches (pas faites par moi), des restes de vieux napperons récupérés dont les fils parfois ont déteint , des broderies personnelles créées comme "échantillons" , des dentelles et des boutons... alliant mon travail à celui d'autres inconnus ..et le passé dans mon présent.
Après la perfection à couper le souffle de l'album de Gabrielle montré dans l'article précédent , et qui ne suscite guère de regards ni d'amiration sauf outre manche et outre Atlantique, (pauvre Gabrielle !) , j'avais quelque scrupule à montrer mes pages imparfaites qui comme d'habitude échappent à un calibrage trop strict et plus encore à l'équerrage. ... et ce n'était pas le but de l'ouvrage . Pas une collection pour montrer ma maîtrise, mais une promenade dans diverses créations abouties ou inachevées.
Il fallut donc pour chaque page composer avec de l'extrême hétéroclite . Bien sûr la couleur y a aidé et le blanc qui est un des liants les plus "faciles" -mais à dire vrai c'était moins pour cette raison que je l'ai utilisé que pour mon amour des broderies blanches et du travail de blanc, avec toujours une pensée pour les brodeuses qui les ont réalisées ou, quand il s'agit de broderie mécanique, les ouvriers qui y ont contribué (ce qui a permis que ce textile-là que j'utilise existe) . Morceaux choisis à l'instinct au feeling comme on dit. ça avec ça parce que je le sentais et voulais ainsi.
Et comme c'est un livre , plutôt que des numéros , je voudrais à ces pages donner des noms. Chacune a son histoire. J'en conte ici quelques-unes.Il y a d'abord les deux pages consacrées aux quilts perdus . Le bloc (carré ou fragment) restant est donc est parfois tout ce qui en reste . L'histoire du coffret rose est racontée ici . La page s'est organisée autour de ce vestige et du souvenir de ma mère à qui il fut offert pour son avant dernier anniversaire. Et qui disparut mystérieusement jamais retrouvé à son décès.
IL ya aussi la page du quilt disparu dans un incendie, d'après le bloc dit Monkey Wrech ; de celui-là il me restait pas mal de blocs j'en ai élu un pour la douceur de ses tons pastels . Le quilt entier est visible dans l'index lettres H-I. Le quilt a été détruit dans l'incendie de la maison des amis à qui il avait été offert. Depuis la maison a été reconstruite et un autre quilt a pris sa place .
Certains ouvrages sont centrés autour d'une couleur , le rouge assez souvent . ils aboutissent ou non . Cette page comporte un début de quilt datant de mes essais d'utilisation du logiciel Quilt-Pro, je m'amusais beaucoup avec les formes . (années 98-99)
Et puis il ya les restes de quilts finis et qui exisent encore , eux, ici ou chez des proches ; Par exemple la page avec les feuilles rappelle le quilt "feuilles en folie" : (index lettre F )
Et celle consacrée aux coeurs contient un fragment du quilt Jardin d'amour et un autre d'un projet abandonné qui sera peut-être refait en "rogaton" . (lettre J1) ;
Il ya aussi la page du tissu "petit Chaperon rouge" , l'histoire du quilt "loup y es-tu " est racontée dans le livre Jeux d'étoffes. ! . Ici le tissu utilisé est un tissu de reproduction retrouvé plus tard , le quilt lui a été bâti autour du morceau d'origine , cette étoffe,je l'ai appris plus tard- a eu beaucoup de succès (d'où les rééditions avec dessins à échelle réduite) :
J'aimerais revenir sur la couverture , dont l'assemblage a été fait dans mes tout débuts au commencement des années 80 avec des tissus qu'une collègue lilloise et professeur de travaux manuels allait glâner pour moi dans les poubelles des usines textiles (las aujourd'hui fermées pour la plupart) . Début de ce qui sera une grande collection toujours en mouvement ..et une aventure comme un voyage .... ce fameux vocabulaire textile riche et varié qui m'est indispensable . -Je n'ignore pas qu'on peut créer tout aussi valablement sans, mais c'est ma manière!)
Les broderies, motifs ajoutés sur d'autres étoffes, le blanc souvent "sculpté" en bas relief par les broderies , sont un peu comme les citations dans un texte. il me frappe aussi que les blocs de patchwork ne parlent pas du tout de la même façon dans un livre et un composition autre que dans un quilt et je persiste pourtant à demander qu'on lise mes quilts comme des pages juxtaposées mais aussi des pages qui se recoupent et s'enchevêtrent et quae l'oeil peut donc découper à sa guise; cet aspect-là du patchwork n'est quasi jamais étudié puisqu'on le juge comme de la peinture (et qu'on tend depuis 20 ans à l'y faire ressembler) . J'y reviendrai plus tard. Les livres sont - tant mieux ou hélas pour moi qui aime à faire les deux- infiniment plus à la mode. Pour moi c'est deux manières différentes de publier une expression textile par assemblage. Et là la joie pure de composer et d'assembler ces 20 pages ....
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L'album merveilleux de Gabrielle
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 13/10/2022
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On le sait je suis collectionneuse, et notamment de cahiers ou exercices de broderie et couture. J'en possède un certain nombre, cahiers d'écolières , mais aussi d'apprentissage professionnel . J'en ai montré , ici ,plusieurs . J'ai trouvé récemment sur un site de vente aux enchères ce trésor .
C'est un album relié comportant une vingtaine de pages, chacune présentant un travail de broderie ou couture, quelques pages vierges à la fin qui ne sont pas des manques (rien n'a été décollé) réalisés par une certaine Gabrielle Gruson en 1888 au pensionnat des dames de Saint Maur d'Armentières. Pourtant on ne dirait pas un cahier scolaire (pas de notes, pas d'appréciations) et c'est présenté comme un album de collection comme si la jeune fille avait voulu rassembler les réussites d'un impeccable apprentissage .
Car la qualité d'exécution est d'une perfection à couper le souffle surtout sur des formats si petits (de l'ordre de 10 cm de haut). Les photos de détails agrandis trahissent un peu cette impression d'extrême finesse . A l'oeil nu, en grandeur réelle, c'est époustouflant ! Les toiles utilisées comme support sont extrêment fines (du linon probablement ) et même la broderie d'or qui clôt le travail textile est faite avec des cannetilles minuscules .
C'est surtout ce don pour la miniaturisation qui ici est remarquable. Qui s'est essayé à coudre une robe de mannequin pour une poupée Barbie sait combien il est difficile d'être précis et minutieux dans du si petit. De plus tout est monté avec un soin extrême les échantillons sont encadrés de dentelle (parfois frebrodée) , collés sur du satin uni lui-même tendu sur un carton . C'est impeccable ! Une majorité d'échantillons est consacrée à la broderie blanche ou au travail sur tissu blanc (plis notamment avec jours et broderies) . J'ai craqué pour ce joli motif de toile d'araignée ( 1cm et demi en taille réelle) .
Mais toutes les pages sont intéressantes de ce travail au blanc . J'en montre ci dessous quelques-unes en leur ensemble :
Parfois les broderies blanches et insertions de dentelles sont rehaussées de broderies de couleur :
Il ya plusieurs samplers aux points de croix tous très harmonieux au niveau du choix des motifs et des couleurs restées très fraîches pour un ouvrage de cette ancenneté :
Quelques détails (agrandis) :
Et v ce merveilleus mini alphabet, 10 cm environ de hauteur totale les lettres sont minuscules et le tissu très très fin
Quelques exercices de pose de pièces en couture dont une sur motifs avec des raccords qui doivent coïncider de manière à rendre la réparation moins visible.
Des échantillons de crochet, certains sont restés libres dont le petit bonnet qui fait 3 cm de haut !
Des "découpis" ces motifs découpés cans un carton perforé qui imitent les motifs brodés :
Et merveille des merveilles quatre petits vêtements (hauteur moyenne 12 cm) faits main avec un soin qui défie toute concurrence , les points sont minuscules les finitions impeccables C'est fait main naturellement avec coutures anglaises et rabattues) on imagine la dextérité nécessaire pour poser une patte de moins de 2 cm sur un si petit vêtement . La broderie anglaise du petit corsage est elle aussi faite main (sur une largeur d'un centimètre et demi j'ai agrandi pour voir !) .
Quelques détails des finitions :
Vous imaginez mon extase et mon émeveillement . Et je n'ai pas tout montré !
. J'ai cherché sur es sites de généalogie qui pouvait être cette Gabrielle aux doigts de fée , ce pourrait être celle née en 1872 à Armentières elle aurait eu 16 ans au moment de la réalisation de ces travaux et décédée hélas l'année de ses noces à Reims en 1905 . Ou une autre du même patronyme née en 1875 ce qui fait 13 ans pour ces travaux et dont la trace s'arrête là.(cela me semble un peu jeune pour une telle maîtrise de la couture,mais tout dépend de l''âge où on a commencé) .
J'ai voulu partager un peu de ce trésor (bien plus beau en réalité qu'en photographies) . Toutefois si une amie brodeuse voulait refaire un sampler ou une broderie qu'elle me le dise, je pourrai reprendre des clichés !
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Modèles: une expérience de créatrice
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 28/09/2022
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Je voudrais évoquer ici une expérience en liaison avec l'article précédent Modèles.
Ma première phrase sera pour regretter que dans notre pays, réaliser des modèles pour des revues de loisirs créatifs soit se déconsidérer, trop souvent, au plan artistique.C'est vrai ça ne fait pas très intellectuel, ni prestigieux , ça ! Les vrais artistes textiles, souvent plasticiens de mixed media ne s'abaissent pas à cette sorte de transmission permettant la reproduction de leurs oeuvres A la rigueur ils organisent des stages, ou écrivent des livres. pour livrer quelques "recettes"censées rendre "créatif" . Quelque chose qui peut se "reproduire" n'est pas à leurs yeux digne du titre d'oeuvre d'art (c'est oublier les faussaires ! et tous ceux qui imitent pour s'entraîner ! ) mais chut ne mélangeons pas une fois de plus torchons et toiles de maître , l'ouvrage dit de dames et les Beaux-arts.
J'aime bien , on le sait, titiller les préjugés ordinaires et universellement admis, lorsqu'ils me semblent non justifiés.
Ce n'est pas le cas aux USA ou au Royaume-uni où il n'est pas rare dans les revues on voit passer le nom d'une artiste reconnue (et qui expose parfois en galerie ou musée ) .Il n'y a pas ce clivage, ou du moins pas autant. La remarquable revue de broderie britannique Stitch à laquelle je fus longtemps abonnée est un modèle du genre qui allie aussi tradition et modernité . Un autre esprit!
J'avais déjà donné à la revue Les Nouvelles du patchwork -dès 1992-une petite dizaine de modèles , mais là je fournissais juste les photos et les rédactrices se chargaient du travail explicatif et des schémas. Et ces modèles étaient fournis gratuitement, tout le monde étant bénévole. Et puis, on a mis huit ans pour publier mon quilt Patience dans l'azur et j'ai compris à mi-mot ("les temps changent" m'avait-on dit ) qu'on n'en voulait plus, là que j'étais has been, sans doute . La mode ne m'intéressant pas en art ni en littérature, j'ai suivi mon chemin .Fin 2007 quand la revue Creation patchwork m'a demandé des modèles , comme pigiste, j'ai un peu hésité .D'autres relations contactées aussi, ont refusé pas assez prestigieux pas assez remunéré. On a même parfois sous entendu qu'on recrutait vraiment n'importe qui. Sympa pour moi ! On n'évite pas ces rosseries un tantinet mesquines.
Et puis je me suis rappelée que j'avais appris à broder et à coudre des robes grâce à des magazines. puis le patchwork non pas en copiant les modèles des autres mais en y apprenant les techniques et en m'imprégnant aussi de ce à quoi j'avais alors accès.
J'estime que lorsqu'on brode, il vaut mieux savoir maîtriser les points de broderie et explorer tout ce qu'on peut exprimer avec eux. Mais pas forcément dans une optique de perfection normée , mais d'expression personnelle. Mais pour explorer un point il faut en connaître l'existence et savoir d'abord le faire ordinairement, si je puis dire, avant de tenter d'en faire autre chose, c'est même à mes yeux ce qui fait la différence entre un(e) artiste qui sait son art et en joue , et un(e) autre qui fait du salopé ou du maladroit parce qu'elle ne sait pas faire autrement.(il est vrai si ça colle à ce qu'il ou elle veut dire, rien à reprocher, je ne fronce les sourcils que lorsque cela semble donner une plus-value ) , De même quand j'écris, j'aime disposer et d'un vocabulaire précis et riche (même si je n'en use pas toujours!) et maîtriser suffisamment les subtilités syntaxiques de notre langue . Pour écrire si j'ai beaucoup appris de l'imprégnation par la lecture et l'analyse d'oeuvres littéraires, une connaissance pointue de l'étymologie , de la phonétique du français, de la grammaire et de la conjugaison ne m'ont pas semblé inutiles. Qui peut le plus peut le moins, mais pas souvent l'inverse . Même s'il faut parfois savoir oublier ce qu'on sait , pour ne pas avoir l'esprit trop encombré. Or les points de broderie,c'est dans les revues et quelques manuels édités par lesdites revues que je les ai appris au fil de ma vie . C'était une transmission hélas féminine et populaire. Hors champ de la culture pour intelligentsias qui plus est . Sauf quand un grand nom de la littérature, je songe à Régine Desforges, vient mettre le phare sur le point compté. Si c'est Madame Lambda evidemment, le regard ne sera pas le même.
Alors je me suis dit que je pouvais tenter l'aventure. Mes grands enfants étaient étudiants, ça me faisait aussi un peu de sous pour leurs études. surtout comme je venais de prendre ma retraite ça me rendait un rôle "actif" dans la société, même si on peut trouver ce rôle ridicule et dérisoire. J'avoue que lorsque pénétrant chez mon marchand de journaux, je voyais une de mes créations sur la couverture (et parfois plusieurs) , j'ai éprouvé comme une naïve fierté .
En patchwork géométrique, je n'ai pas vraiment créée de modèles exprès pour la revue ,je proposais ce qui était déjà fait vu le temps qu'il me faut j'ai donné le mode d'emploi pour avoir un objet ressemblant. Pas semblable, c'est impossible. Le but n'était donc pas dans mon esprit d'inciter à une copie sans interprétation personnelle. Ainsi les rares fois où j'ai pu voir ce que d'autres en avaient fait, j'étais heureuse de voir que c'était des adaptations, des interprétations.
Ces quilts avaient été créés le plus souvent non pas pour la revue, mais comme toute oeuvre d'art unique pour exprimer ce que je voulais dire avec ces tissus -là dans cette surface-là. En les publiant comme "Modèles" je leur aurais enlevé, semble-t-il, leur statut d'oeuvre unique, non reproductible etc. En donnant un tutoriel, je les dévaluais , selon l'opinion admise.. Je demeure persuadée que toute oeuvre peut en décomposant chaque étape être l'objet d'un tutoriel (plus ou moins complexe) . Vrai aussi que lorque je créais ces surfaces, il entrait dans ma composition beaucoup d'instinct et d'improvisation, mais après coup on peut toujours tout decomposer pour expliquer au moins dans les grandes lignes. Le détail appartient à la "patte" de l'artiste ! Et si on songe qu'en cet art c'est le détail qui donne sa vibration, son sens, sa tonalité, son expresion à l'ensemble, mon oeuvre resterait donc "unique".Ainsi ce jardin de l'abeille -un des modèles les plus complexes à expliquer où chaque hexagone ou presque est différent des autres et signifie, pour moi quelque chose par sa couleur et ses motifs.
Le jardin de l'abeille
Donner la possibilité de reproduire n'était donc pas vraiment permettre de copier ou de démarquer de trop près .
Le vrai travail, celui qui était rémunéré en droit d'auteur (et non d'artiste!), était un travail de pigiste technique .Ce sont même les droits d'auteur "écrivant" les plus élevés que j'ai jamais perçus (la littérature ne nourrit que rarement son homme, et on en est presque à payer pour être édité!) . J'ajouterai perfidement et très immodestement que si tout le monde peut écrire et considérer que c'est original et génial - puisque de soi -moi y compris ! -, rédiger de telles piges exigeait un certain nombre de compétences spécifiques. nonobstant celles d'être capable de créer les oeuvres originales (qui ne sont pas le modèle, à elles seules!)
Il fallait d'abord évaluer le matériel nécessaire, ce qui n'est pas simple quand on use de 2000 tissus différents ou qu'on mélange les fils ... récupérés un peu partout. Ensuite il y fallait des explications, claires, si possibles -c'est là où trente ans d'enseignement ne sont pas tout à fait inutiles- et surtout des schémas conçus à l'ordinateur, et la maîtrise du logiciel quilt- pro, inégalable pour montrer comment monter les morceaux s'est révélée indispensable. Ce qui donnait des pages comme ça dans la revue (après travail de la maquettistepour la mise en page) . Je ne les regarde jamais sans une obscure et vaniteuse satisfaction . (je ris!) :
S'ajoutaient les photos dites d'ambiance. Celles-ci étaient parfois réalisées par moi parfois par la directrice de la revue ce qui exigeait des envois risqués. J'y ai perdu ainsi un couvre-livre . Sans proposition d'indemnisation , bien sûr. Et les frais d'envoi à l'aller étaient aussi à ma charge. Et même si je garde de cette expérience (qui dura jusqu'en 2012) un excellent souvenir, il y eut forcément les hiatus et les bémols , comme dans tout parcours humain ! Par exemple les titres changés , sans doute pour être plus "accrocheurs", ou bien les photos déformées sur une couverture où mon quilt Noctambule est passé au miroir déformant .. Les problèmes de résolution (nombre de pixels par centimètre ou de points par pouce. ) La difficulté d'obtenir la mention "création"et non réalisation" sur ce qui pourtant en était quand on l'attribuant d'office à d'autres , sans doute mieux cotées que moi , même quand je partais d'un dessin original . Mais j'étais toutefois plus chanceuse que les créatrices des années 60 -70 dont le nom n'était même pas cité. Il y avait eu un progrès. Plutôt que "réalisation" j'aurais aimé parfois le terme interprétation surtout en broderie où l'essentiel n'est pas, mille fois non, dans le dessin. Je tiens aussi à la rigueur des mots, et de leur sens. Ce qui me rend très chiante, je le sais.
Les crazys quilts que j'ai créés à cette époque l'ont été à la demande souvent en accord avec un thème : Noël pour cette étoile des neiges :
ou le thème Les cérémonies pour Célébration, quilt conçu comme cadeau de mariage.
Pour les crazys quilts, je n'ai jamais donné de patron de détail , juste le plan d'enemble, car pour moi l'esprit crazy d'origine, tient aussi à la forme irrégulière de morceaux à sauver et à ennoblir par la broderie dans leur forme pour en perdre le moins possible. Et trop tenir la main (ou le pied?) dans ces "pas à pas" c'est bloquer toute initiative personnelle.
Un peu plus tard la revue Broderie d'art s'est créée et j'ai été aussi du voyage !
Travail un peu différent, pas de schéma de montage, sauf en la partie couture, mais des photos décomposant chaque étape d'un point :
et évidemment l'explication de la répartition des points et des fils par zone ou détail. C'était très long pour les créations complexes. Il fallait donner pour chaque détail une photo vierge d'indications et la photo "fléchéé" plus la légende correspondante (trois documents donc pour un détail !) ,On imagine quand il y avait ue bonne vingtaine de photos (parfois plus) la maquettiste se chargeant de remodeler cela de manière plus esthétique.
Les modèles de broderie, eux , ont tous été créés -sauf un- selon un cahiér de charges , lequel indiquait souvent une technique , et un objet dans lequel la broderie devait s'inclure. la France a la passion de l'objet d'art décoratif , tandis que dans les revues du Royaume-Uni on voit beaucoup plus de broderies encadrées. il m'est arrivé de refuser de créer des maniques en broderie fine . Car si c'est pour servir vraiment de manique on n'use pas d' un ouvrage unique et fragile qui va être abîmé aux premières utlisations, et si c'est pour le décor fût-ce celui d'une cuisine autant alors encadrer l'objet et le protéger.
L'objet était imposé , la technique ou le style parfois (précieux, rustique ) mais j'étais libre du reste -ce qui est pour moi l'essentiel; J'ai usé parfois de dessins existant dans les vieilles planches d'ouvrages (toujours en le signalant) mais le travail de brodeuse était ma création : point couleurs, matières. (et ce n'est pas rien !) .
Coussin rustique, desin emprunté , mais choix personnel de tout le reste.
J'ai aussi usé de dessins personnels :
Ou de photographies personnelles ou données par ma famille :
Jardin à Madère sur une photo de Michèle Lefebvre
J'ai ainsi fait un cetain nombre de sacs et de coussins ,écharpes, châles, quelques tableaux aussi , des pochettes... En simplifiant ce qui relevait de la couture, je ne suis pas une bonne finisseuse d'objets complexes ! Cette expérience m'a appris à broder plus vite, à adapter mes points et leur régulaité à la visée de ce que je voulais obtenir. Quand les commandes arrivaient, j'acceptais ou je refusais, et je m'établissais un planning , il fallait tout envoyer à la date fixée (ah ! l'enfer des x fichiers à télécharger ) . la pensée me vient souvent que de tout ce que j'ai créé il ne restera pour un public large que ces créations dans quelques revues . Beaucoup vivant dans l'instant, trouvent que c'est vaniteux de vouloir une conservation des oeuvres textiles de la sorte, autre et digne du temps et de l'imagination qu'on y déploie .Mon avis est inverse . C'est un art aussi qui est à revaloriser, dans toutes ses facettes, pas juste celles qui ressemblent aux Beaux arts ou qui sont exercés par des plasticiennes. Pas que mes chers chiffons personnels . J'ai même rêvé d'une étude autour de tous ces créateurs et créatrices de l'ombre, d'abord anonymes, et aujourd'hui méconnus encore et ce n'est guère aisé justement . Si j'étais historienne de l'art, je crois que je me pencherais sur cet aspect-là .
Et puis un jour, on ne m'a plus passé de commandes et j'ai compris que mon "emploi" n'existait plus .J'ai constaté ultérieurement que la même pige (c'était prévu au contrat) était repassée dans d'autres numéros, voire des livres de "synthèse" sur un thème . C'est ainsi et c'était aussi bien !
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40 ans d'art textile : L'oeuvre cachée, la part de rêves.
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 16/06/2022
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Il y a quarante ans quand j'ai commencé mon premier patchwork-qui n'était pas un quilt - je n'avais pas idée de la place que cette activité prendrait dans ma vie. comme beaucoup je l'ai pratiquée tout au début, comme un simple loisir et avec un but utilitaire. J'espérais pouvoir adopter mon premier enfant (ce qui fut fait en 1983 ) et la rencontre avec le coussin et ce fameux : "je veux assembler des tissus" si impérieux laissaient pourtant présager que ce deviendrait pour moi, très vite,tout autre chose. Pas de l'occupe doigts donc , mais un appel impérieux vers une activité qui me semblait passionnante et apte à "dire" ce que j'avais à exprimer avec cela. Un medium, des couleurs des motifs , des formes. Il est à noter que ces premières couvertures faites sans aucun modèle étaient donc stricto sensu des créations . De l'art sans doute pas encore il est un début à tout. Et très vite, j'ai senti que ce n'était plus seulement faire de jolies couvertures dans mes moments de loisir, mais quelque chose d'aussi important pour moi que l'écriture. Et même pendant une période de multiples occupations et préoccupations professionnelles et familiales, cet art, où la géométrie m'a d'emblée attirée dès que j'en ai eu connaissance , me permettait de créer par fragments (ce que du reste j'ai toujours fait aussi pour mes récits longs . écrivant sur des post it les phrases, pensées, idées qui me venaient à l'esprit .)
Dans ma vie d'être humain, née de sexe féminin , je ne me suis pas une fois sentie inférieure au seul fait d'être une femme, Je me sens inférieure en compétence, parfois- souvent ! quand je le suis, dans un domaine précis, mais en tant que femme , jamais.Ni supérieure ni destinée à tel art plutôt que tel autre . J'entends par là que j'ai choisi librement , même si j'ai le sentiment d'avoir plutôt été choisie (je crois à la vocation, à l'appel vers une activité) . Les images numériques ou la poésie ne sont pas non plus des arts connotés "féminins". Je n'ai jamais considéré non plus que l'acte de création quand il est surtout exercé majoritairement dans un domaine par des femmes était , donc, inférieur de ce fait . . D'exercer un art classé d'office féminin mais où le moindre artiste homme est forcément distingué(et avec l'aval d'une majorité féminine!) , ne m'a pas dès l'abord préoccupée. Pour moi c'était un moyen d'expression personnelle qui m'appelait , et j'y entrevoyais d'infinies possibilités . Je n'ai donc pas eu envie d'en faire quelque chose où je devrais "faire comme les hommes" pour avoir l'illusion d'exercer un vrai art . Et comme je ne savais pas grand chose de la hierarchie entre les arts avec les Beaux-arts au sommet, je l'ai abordé , d'entrée ou presque comme si c'était un art classé Beaux-arts mais sans le faire ressembler à ce que pour moi, il n'est pas. et je n'ai pas eu conscience tout e suite du préjugé dont il était victime .
Je n'ai donc pas percu le patchwork comme une sorte de sous-genre dont le nom, qui plus est, fait toujours ricaner, L'exercer ainsi ne me serait même pas venu à l'idée j'étais déjà très attirée par l'abstraction en peinture (j'étais aussi bien avant ma découverte des quilts , fascinée par l'op art ) mais je sentais dans les abstractions géométriques du patchwork quelque chose de tout différent qui me convenait, qui correspondait à quelque chpse de fort en moi . L'amour des tissus , particulièrement des imprimés, créés par d'autres humains et leur mise en relation , donc. Je suis partie directement des tissus et de ce que j'apprenais d'un art en ce qu'il me semblait justement différent des autres. Si j'avais voulu peindre sur les étoffes, Je serais devenue peintre,, pas assembleuse d'étoffes. Mais des tissus découpés et rassemblés qui donc mettaient en oeuvre une composition des formes et des couleurs. comme la peinture ? Non pas tout à fait . L'art n'est pas le même du tout, du moins, comme j'aime à l'exercer.
Mes carnets de travail ne ressemblent pas donc à ce qu'on voit dans les livres sites et revues "branchées"de magnifiques carnets d'esquisses aquarellées qui débouchent sur des oeuvres txtiles . J'ai toujours souri devant les conseils de découper du papier ou partir d'une photo qui serait plus "artistique" que de partir des tissus. J'ai aussi dessiné mes plans de quilts à la main , mais j'ai dit combien l'usage et la maîtrise (pas si facile à acquérir) des logiciels de patchwork m'avait libérée Cf l'article composer ou dessiner .
On peut y ajouter les cahiers d'élaboration dits "de la femme aiguille" qui eux sont élaborés après coup, quand l'ouvrage est terminé Mais eux concernent l'oeuvre achevée pas cette oeuvre secrète., intérieure, sous jacente ou en cours..... d'inachèvement !
Je travaille sur énormément d'ouvrages à la fois et souvent le même ouvrage m'occupe un temps très long avec des reprises et des abandons lesquels peuvent durer des années. Et pour ne pas m'y perdre je tiens des sortes de journaux où je note aussi les idées qui me viennent des réflexions sur l'art textile , des démarches , des recensions de livres .... mes humeurs et mes états d'âme aussi mes espoirs et mes crises d'à quoibonite !
Au début des années 2000 , j'ai commencé ce que j'appelais des "carnets de rêves" :
Je décalquais et/Ou redessinais nombre de moifs, l'idée était de m'en servir pour refaire ensuite quelque chose de textile que ce soit une broderie ou un patchwork ou un mélange des deux . .Les calques numérotés et amovibles sont ainsi rangés après utilisation éventuelle ) .Certains ont servi aussi pour des séries d'images numériques.
J'ai développé ensuite ces inspirations dans plusieurs autres recueils tissus collés motifs retracés suggestion d'interprétation et je continue sur ces grands cahiers en papier kraft où j'ai collé des fragments d'étoffes et des suggestions -qui à présent sont moins pour moi que pour une éventuelle descendance" qui aimerait à en user après moi . Et si ce travail reste oublié et inconnu (probable que celui qui est achevé aussi !) il nourrit tout de même mon inspiration présente: ce que je nomme mes "envidées."
Lesquelles peuvent jaillir de tout autre chose et le plus souvent en revenant au fondamental numero 1 : l'envie de mettre ensemble tels tissus dans une surface .Les mêmes cahiers craft servent à réunir les dessins dcoupés ans les cahiers " journaux" où je les ai récemment regroupés , j'y adjoins ce que je retrouve ça et là sur des bouts de papier , et j'y griffonne parfois pour le plaisir des motifs trouvés un peu partout. mais la plupart sont des gribouillages personnels . Parfois un dessin émerge et aboutit à une création , la plupart n'ont pas été réalisés, mais j'ai besoin de ce vivier-là où parfois je me promène.
Cet attrait puissant pour tous les modes d'assemblages et aussi pour les motifs à la fois sur les étoffes mais aussi comme possibiltés d'interprétation en broderie, couplé à la recherche d'une variété toujours plus grande de textiles divers faisait que j'étais prise d'innombrables envies , et d'idées qui me traversaient . Influencées, certes aussi par la lecture des livres et les oeuvres des autres (j'ai aussi des carnets où je stocke des photos d'ouvrages qui m'ont attirée ), il ne s'agit pas là de les reproduire mais souvent tout cela s'infuse se mêle donne envie d'essayer ... Mon imagination se nourrit aussi de l'admiration que j'ai pour ce que créent d'autres artistes. et si j'emprunte quelque chose de particulier , je le signale. Mais je ne me sens pas tenue à signaler le moindre usage d'une forme simple ....
J'avais aussi cette particularité de mettre énormément de surfaces ou ouvrages en route , je devais (et dois encore davanatage aujourd'hui où le temps m'est furcément plus compté qu'à 32 ans) me freiner. J'ai bien essayé le système raisonnable qui consiste à ne mettre en route que deux ou trois ouvrages au plus, ou même un seul qu'on termine avant d'en entamer un autre. ça ne fonctionnait pas : j'étais à l'arrêt total.. Je mets douc en route à peu près tout ce qui me tente . Mais quand on est beaucoup tentée et rraversée de dix idées à la journée, ça finit par faire forcément un stock de "débuts" considérable. il fut un temps où j'en concevais comme un remords, une sorte de culpabilité (tout ça gâchait du tissu parfois de belles matières et ne servirait à rien, ni personne) . J'ai imaginé la série "les rogatons" et quelques livres comme "en vert et avec tout) pour tenter d'éponger le stock fou de sachets d'inachevés ou de restes de quilts finis (les blocs en surplus) .. périodiquement je retrie, parfois je défais, je note des suggestions de réutlisation , Il arrive aussi que j'en associe deux ou trois .. du patchwork d'ouvrages en quelque sorte. Composition en abyme.. Je me dis que somme toute ces inachèvements constituent une oeuvre parallèle certes plus encombrante que les carnets , mais qui sert de point de départ elle aussi à autre chose. Et ce qui ne sera pas utilisé de mon vivant, j'aimerais en faire don à quelque association qui saura en faire des objets à vendre. Pour l'heure ils dorment là en attente .J'en réveille un de temps à autre.
et que si tout ça fnit dans une déchetterie le monde n'en sera ni meilleur, ni pire même si cette pensée m serre forcément le coeur. . Chanceuse serai-je si un peu de ce qui est terminé échappe au retour aux chiffons . Reste la solution d'en faire des projets vagument "conceptuels" où j'expliquerai que l'inachevé c'est une manière innovante de finir ou autre subtilité de discours adéquate à justifier tout et n'importe quoi . La capacité ne m'en manque pas, la conviction, si . Si je m'y résous un jour ce sera par jeu, avec un brin de provocation et d'humour. Qui sait ?
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Jeux d'étoffes : impressions expressions Traditionnel ou géométrie ?
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 20/03/2022
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Avat propos
J'ai décidé , pour fêter ce quarantième anniversaire en assemblage d'étoffes, de publier les introductions aux grandes parties de mon livre paru en 2010 Jeux d'étoffes, impressions, expressions .
La préface de Jean Paul Gavard Perret est déjà lisible ici .
Il est évident que ce livre est bien plus "riche" que ces extraits (200 pages en couleur ) mais je ne peux pas le republier en version "augmentée" sauf si un éditeur l'acceptait tel quel en se chargeant de la maquette (on peut rêver !) -
Ces introductions étaient suivies de présentation d'ouvrages où j'expliquais mes "stratégies" et démarches . Je suis une coloriste et une assortisseuse ,Pour moi l'association des étoffes surtout imprimées est LANGAGE , e je pense aussi à certains , qui ont su voir émerger autre chose que de jolis petits quilts pas trop mal faits ...
La géométrie fait toujours partie de mes points de départ ... mais pas exclusivement et ce livre evidemment le montre. et si mes sources sont citées, une source n'est pas un "modèle" qu'on décalque, un motif en noir et blanc qu'on utilise et avec lequel on compose suffit hélas pour qu'on sout taguée "traditionnelle" et donc son corollaire "sans imagnation" , les vraies artistes textiles c'est .. tout le reste.
Pour la différence entre patchwork et quilt un patchwork textile est un assemblage de tissus -qui n'est pas forcément matelassé, le matelassage se fait un quilt (qui n'est pas forcément assemblé) . Mais l'usage confond assez souvent les deux et il ya un diktat du matelassage "obligatoire" pour tout ce qui est inspiré de la géoméotrie , auquel je ne souscris nullement .J'y reviendrai.On peut établir sans trop se tromper que tout motif existant est forcément géométrique puisque possible à tracer à l’aide d’une équation mathématique plus ou moins complexe.
Mais quand on parle géométrie en matière de patchwork ce n’est pas ce qu’on entend. On y regroupe toutes les surfaces élaborées :
-à partir d’une ou plusieurs figures simples aisément reconnaissables : carré, triangle, rectangle,losange, trapèze, polygones divers, cercle…
- à partir des recueils de carrés –le plus souvent- dans lesquels s’inscrivent des lignes géométriques, appelés « blocs » et généralement attribués à la culture américaine. Il est bien évident que pour beaucoup ces motifs existaient ailleurs, et ce, depuis la nuit des temps parfois, et que ces anthologies ne sont pas exhaustives : on peut toujours tracer tout ce qu’on veut même à l’aide de simples lignes droites à l’intérieur d’un carré(ou d’une autre forme) prédéfini(e). Mais les américaines qui ont utilisé ces géométries les ont développées, nommées, codifiées, classées et associées à leur vie et leur histoire, aussi quand j’utilise un de ces carrés ou bloc, c’est à cette culture que je me réfère, comme on le fait d’ordinaire.
Quand j’ai assemblé mes premiers morceaux d’étoffes cependant, j’ignorais absolument tout de ce qu’on appelle le patchwork américain traditionnel. J’ai pourtant, naturellement, utilisé des formes géométriques tout simplement pour leur facilité d’assemblage. Je n’ai d’ailleurs découvert la tradition « américaine » que six ans plus tard, et je voudrais dire que si j’ai adopté assez vite, mais pas exclusivement, la structure en blocs, c’est pour deux raisons. La première était pratique : à l’époque, mes enfants étaient petits et je trouvais plus facile de travailler une surface par fragments, étant très souvent interrompue dans mon travail, la deuxième étant esthétique. Comme j’aime utiliser énormément de morceaux différents par leurs couleurs et leurs imprimés dans une surface, beaucoup plus que la majorité des quilteuses, j’ai saisi assez vite que la rigueur de la géométrie d’une part, la régularité de la répétition d’autre part donneraient à mes quilts cette structure forte qui me permettrait toutes les « fantaisies » dans mes choix d’étoffes et de couleurs.
Faisons un sort à la monotonie et au manque d’imagination qui seraient les corollaires de ces « géométries ». Je dirai simplement que ce n’est qu’un moyen d’expression comme un autre que je pousse d’ailleurs parfois jusqu’à la redondance voulue; c’est aussi un élément de stabilité et de « pacification » de mes surfaces, une sorte de halte proposée au regard quand il y a des centaines de tissus différents à appréhender, à la fois unis et dissociés selon qu’on les percevra d’une façon ou d’une autre, en composition avec leurs voisins immédiats ou en relation avec d’autres éléments plus lointains.
C’est le « carcan » qui me procure la plus extrême liberté. Sinon la confusion la plus totale règnerait. Je ne l’évite d’ailleurs pas toujours.
Et lorsque j’ai testé d’autres moyens d’assembler les tissus, si je suis restée fidèle pour toute une part de mes ouvrages à cette géométrie, ce n’est pas par obédience à une quelconque tradition, mais parce que je n’ai toujours pas fini d’en exploiter les infinies possibilités d’expression. Je ne m’inscris absolument pas dans la tendance qui voudrait que les quilts fondés sur des blocs répertoriés soient des ouvrages artisanaux bons uniquement pour un usage utilitaire ou ramenés à leur valeur historique de « copie d’ancien » pour perpétuer un art, dans une optique de transmission d’une certaine perfection technique et un respect absolu de ce qui nous a précédés. C’est une noble-et difficile- entreprise que je salue, mais qui ne m’attire aucunement.
L’aide des logiciels spécialisés permet d’explorer les infinis de ces géométries, et il ne s’agit pas seulement de juxtaposer et de colorier, mais de composer à l’aide d’éléments et de manière parfois très complexe, des surfaces expressives et singulières. Ces dessins ne sont évidemment pas de l’art textile, avant d’être transcrits en tissus, mon regret est souvent que ces centaines de schémas que j’ai créés en plus de dix années de recherche ne donnent pas naissance, chacun, à un ou des quilts. Cependant c’est un vivier, pour moi-même et quelques autres qui n’hésitent pas à y puiser.
La géométrie n’est pas non plus à mes yeux un stade par lequel on commence, et auquel, si on veut être artiste, il faudrait obligatoirement renoncer .On n’y reviendrait que pour des objets pratiques ou comme il m’a été dit souvent « pour se délasser » après s’être confrontée aux affres de la « vraie » création, car on le perçoit presque toujours comme une « facilité ». Ce serait dire que pour être écrivain, il faut renoncer à la narration si on veut se mettre à écrire de la poésie ou l’inverse. Et que la poésie c’est plus « facile » que le roman, ou l’inverse. On voit bien que c’est absurde.
Pour moi la géométrie n’est pas uniquement de la tradition, pas plus en tout cas que les paysages ou les quilts figuratifs qui sont en ce moment en plein essor, même si elle repose forcément sur des poncifs et des schèmes rebattus, elle est un « genre » textile parmi les autres et je regrette profondément une évolution qui tend à la nier en tant que moyen d’expression vivant et continuant à se transformer. Ce n’est « figé » que dans l’esprit des personnes qui ne la pratiquant pas ou plus ignorent son devenir et ses possibilités.
J’admets que ses structures fortes et répétitives puissent ne pas parler à certaines sensibilités. D’autres au contraire s’y attachent comme étant la marque du « vrai » patchwork. Clivage si perceptible qu’à de rares exceptions près, la plupart des personnes qui regardent mes ouvrages « me » coupent en deux, les unes attirées par mes géométries où elles voient soit de la virtuosité technique, soit justement, ce respect raisonnable et rassurant d’une tradition, les autres par mes abstractions plus informelles et presque personne n’établit entre les deux de lien. Aussi un des buts de ce livre sera peut-être de recoudre les parties d’un ensemble qui me représente tout autant dans une tendance que dans une autre. Ou du moins le tenter.
Je n’ai jamais cousu de quilt vraiment « traditionnel » au sens où on achète des étoffes en vue d’une harmonie préétablie, et ou on coud trente fois les mêmes tissus-ou des tissus très ressemblants- aux mêmes endroits. Je n’ai jamais de ma vie cousu deux fois exactement le même bloc. Je ne veux pas ajouter l’unité à la répétition dans un but décoratif, comme pour un motif de papier peint, par exemple. Je trouve plus passionnant d’introduire, dans mes surfaces, autant de variété que possible, frôlant la confusion, parfois. Si j’y parviens, j’incite l’œil à regarder de manières diverses et surtout en s’appuyant sur des points de départ différents. Il n’y a dans beaucoup de mes surfaces ni début, ni fin, et où que vous les preniez vous pouvez toujours du regard reconstituer vos propres assemblages, et pas seulement par ce qu’on appelle les effets secondaires, c’est à dire ces dessins qui effaçant le carré de base en proposent une autre lecture et qui restent aussi un « poncif » de la tradition des quilts. Ces motifs-là le primaire –celui du bloc et le secondaire- restent « imposés ».
Ce que j’aime à obtenir, c’est que le spectateur construise ou reconstruise le quilt tout autant que moi. Et, cette « interactivité » la géométrie, m’aide à la mettre en œuvre, en raison, paradoxalement, de ses lignes nettes. L’œil qui les suit va un moment les perdre, en raison du jeu sur les couleurs et les étoffes, puis les retrouver et ainsi de suite, mais une autre fois, ce sera un autre parcours. Sans compter que le jeu sur les valeurs crée aussi des reliefs, et des effets de luminosité,
même si les étoffes sont toutes mates. Et, même si je regarde pour la centième fois le quilt qui me fait face sur le divan du salon, je ne vois jamais exactement la même chose. Pour moi, un quilt est réussi quand il possède ce pouvoir de fascination, de métamorphose infinie. Je ne dis pas que j’y parviens, mais que j’y tends.
Ainsi suis-je toujours frustrée d’un regard, malheureusement très fréquent, qui assimile mes surfaces (et pas seulement les miennes) à ce qu’on nomme avec quelque mépris dans notre corporation des « resucées » de traditionnel au mieux du traditionnel renouvelé ou relooké.
Ce que je bâtis, dans tous les cas c’est une surface textile, où je tente de capter quelque chose de mes émotions et de les transmettre. Pas de faire un quilt en rouge et bleu sur le bloc « la patte de l’ours ». Ou de renouveler le dit bloc en utilisant la gamme de tissus à la mode que viennent de sortir les créateurs en tissu spécialisé, des couleurs insolites, ou une disposition inhabituelle. Je sais bien que d’une certaine façon, on n’y voit aucune différence, surtout si on veut réduire toute œuvre à son genre. Je ne cherche à y mettre ni du nouveau, ni de l’ancien, je me sers des structures géométriques comme d’une base graphique.
L’essentiel pour moi est dans le choix et le nombre des tissus mis en œuvre comme un vocabulaire, pour exprimer quelque chose de particulier, il faudrait donc regarder aussi dans l’idéal chaque « tesselle » de tissu une par une et se demander : pourquoi ce tissu-là à cet endroit-là ? Car ce qui est important pour moi, c’est à la fois l’ensemble, saisi dans sa globalité (un quilt dit-on se regarde de loin), mais aussi le détail, en sa signifiance, et entre les deux les amalgames plus ou moins étendus de surfaces qu’on peut saisir. La mode actuelle est de travailler sur des « couches » de matériaux successifs qu’on superpose sur une étoffe, je cherche plutôt à obtenir des profondeurs en restant en surface, en établissant des niveaux de « visions » différents.
Il y a toujours plusieurs temps dans mon travail ; souvent c’est l’idée des couleurs qui prédomine, se réveiller en se disant « quelque chose en jaune et gris ». A ce stade il n’y a pas encore de forme, mais ça peut être aussi bien « où intégrer cet écossais » ou « ce tissu « vert à pois gris » . Ça peut être une vision plus ou moins nette d’un dessin ou tout au moins d’une structure ; la vision est toujours floue, à ce stade, c’est ensuite que de proche en proche elle s’organise. Floue au sens que je ne pourrais pas la dessiner, mais exacte au sens que je ressens au fond de moi ce qui, dans mon travail, va m’en éloigner ou m’en rapprocher, et c’est là qu’intervient ce que je nomme l’instinct ou si on préfère l’intuition. Une œuvre construite au hasard c’est quand on prend tous les tissus sans contrôle aucun, comme ils viennent c’est l’optique de ce qu’on appelle les « scrap quilts »ou quilts faits comme beaucoup des miens avec une multiplicité de chutes variées. D’autant que beaucoup de scraps quilts traditionnels sont construits sur un fond blanc ou écru justement pour que le dessin apparaisse nettement ce qui n’est pas toujours ce que je veux obtenir. Une œuvre qui s’élabore par instinct, c’est quand la main et l’œil guidés par le travail intérieur que j’ai évoqué, par cette vision à la fois nette et fluctuante de la surface à atteindre, vont déterminer le choix, repoussant ceci, pour élire cela, déconstruisant et reconstruisant, jusqu’à s’arrêter à ce qui paraît le plus proche de la vision initiale, laquelle, évidemment, si la réalisation s’étale dans le temps , se métamorphose. Il n’y a rien de figé, de prédéterminé dans ce cheminement, sauf peut-être ce que je nomme la stratégie de départ. Encore souffre-t-elle des dérogations.
Le dessin, le plan sont pourtant nécessaires, mais souvent ce n’est qu’une cartographie dont on peut s’éloigner. Il est très rare que des modifications n’interviennent pas, et le plan qu’il soit en noir et blanc ou en couleurs, n’est qu’un dessin sur du papier. L’essentiel du travail ne sera jamais là, mais dans un choix précis d’étoffes et de nuances, où chaque chose doit paraître à sa place et que, même s’il avait été possible d’intervertir les éléments, tout aussi esthétiquement et légitimement, le regard justifie les décisions prises. Il faut de plus, travaillant par fragments sans cesse anticiper dans son esprit l’aspect final. Beaucoup composent après coup en agençant les blocs sur un mur avec du recul. Je procède parfois ainsi, mais le plus souvent je construis des rangées et je couds l’une avec la suivante sous les yeux et ainsi de suite. Arrivée au bout, il peut se produire que j’intervertisse l’ordre premier, que je déplace tel ou tel élément, mais c’est plutôt rare, parce que précisément, le « dessin » principal est en moi, beaucoup plus que sur le papier. Il est en moi déjà, dans l’élaboration de chaque élément. J’ai coutume de dire que si chaque bloc s’équilibre au niveau des couleurs, des valeurs et dans le choix des étoffes, l’ensemble -sauf accident- sera aussi équilibré, harmonieux et signifiant.
Et surtout, le dessin géométrique n’est pas l’essentiel il n’est que l’élément structurant d’un ensemble complexe.
Il faut y ajouter les couleurs bien sûr, dont le choix totalement libre et dépourvu de tabous non pas par désir de provocation ou de pseudo-originalité, mais par liberté que je m’accorde. J’aime à représenter la même nuance par un maximum de tissus différents, ce qui n’est pas si simple qu’on peut le penser : les nuances doivent être assez proches pour que l’effet d’ensemble ne se perde pas totalement, mais suffisamment variées justement, pour permettre à l’œil d’autres lectures que celles d’un quilt où le rouge est toujours représenté par la même étoffe ou tout au plus par une presque identique. Il faut jouer sans cesse entre l’effet d’unité et l’effet de dispersion.
Au dessin de la cartographie première, vont s’ajouter le relief et la profondeur donnés par le choix des valeurs (clair-moyen-foncé), on pourra procurer l’illusion de la profondeur ou au contraire de l’avancée, on pourra aussi choisir de gommer le relief par un choix de valeurs proches avec toutefois des dérogations. Ceci ne m’est bien évidemment pas particulier et nombre de quilteuses jouent avec ces possibilités, mais chacune le fait à sa manière.
Et ce qu’il y a de plus particulier à notre art, c’est bien précisément le choix des tissus.
Les tissus unis, ou sans motif trop marqués, accentuent à la fois la géométrie et l’effet de relief.
C’est un choix respectable, surtout si on songe aux merveilles produites par les Amish, mais ce n’est pas le mien.
A ce stade on est encore très proche d’un dessin qu’on pourrait peindre et la part du tissu en ce qu’il a de particulier n’est pas primordiale; et pour moi, ce le tissu a de plus particulier en dehors de sa texture (que j’aborderai plus tard) et de sa couleur dominante, ce sont ses motifs.
Associés à la géométrie, au travail sur le dessin et sur le relief, ce sont eux qui en dernier ressort guident l’œil d’un fragment à un autre. Ainsi y aura-t-il toujours, des rappels de couleurs qui forment un « chemin » parfois interrompu, mais aussi des rappels de formes, aussi bien dans le carré basique qu’on appelle bloc que dans l’assemblage des blocs en zones, puis en rangées, puis en surface. Il y aura des zones plus ou moins saturées en couleurs, plus ou moins compactes, plus ou moins brouillées par les motifs. C’est une construction progressive, où rien n’est au départ figé et préétabli mais où rien non plus n’est l’heureux effet du hasard.
Ce travail dont on dit à tort qu’il est plus facile « parce que les erreurs se verraient moins » est presque toujours chez moi une lutte entre le « trop » et le « pas assez », c’est pourquoi, je m’impose au départ des règles. Je ne les détaillerai pas ici, car elles sont expliquées sous chaque ouvrage, mais on peut en donner un exemple « rien que du bleu » mais s’accorder le droit à toutes les nuances de bleu y compris celles qui tirent sur une autre couleur (et c’est là que le classement élaboré au chapitre précédent se trouve précieux) les bleus tels que moi, je les vois et que d’autres verront peut-être gris ou verts…et autour de ces bleus une géométrie stricte qui va permettre de savourer le jeu sur les étoffes .
J’ajoute à cette variété et à la rigueur des structures, un penchant pour la miniaturisation. Plus un morceau d’étoffe est petit moins j’ai envie de le jeter et tant qu’il est assez grand pour être assemblé avec des marges de coutures, il n’y a aucune raison pour moi que de pas tenter de le coudre ; cette miniaturisation, à l’égal de la géométrie m’autorise le choix d’un plus grand nombre d’étoffes et me permet de travailler mes fragments en les nuançant autant que je le juge nécessaire, mais en plus de cette notion esthétique, il y a l’idée d’une alchimie du « rien », ce que tout le monde jetterait, j’éprouve une joie indicible à lui donner droit de cité, plus un morceau est petit et négligeable, plus j’ai envie de lui trouver sa place. J’ai beaucoup plus de plaisir à ces minutieux assemblages qu’à découper le plus vite possible une dizaine d’étoffes assorties pour en faire une composition « classique », il est certain que construisant cette surface d’étoffes, je construis ou reconstruit quelque chose en moi et à l’extérieur de moi. Il faudrait lire aussi mes surfaces géométriques comme un tout-qui serait emblématique de ma vie- et non comme des ouvrages différents, une série de « jolis » petits quilts, comme on me dit si souvent. Une surface composée de surfaces.
Ps- on peut en voir quelques-unes sur la ligne suivante , mais se promener dans l'index les montrera mieux comme j'aime: faisant partie d'un tout . En égale importance pas en "occupe-doigts" . ou en stade "bon quand on débute ..."
Sur les géométries, on peut lire aussi des articles rédigés ultérieurement :
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Oeuvres à deux voix
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 09/01/2022
- Dans présentation
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Bien que je sois réputée pour être une fichue indépendante qui "se la joue trop solo", je ne refuse pas de travailler en binôme, si je sens que je peux. Juste qu'il y faut de réelles affinités et aussi .... des manières d'envisager le travail commun qui ne diffèrent pas trop.
J'ai commencé d'ailleurs, le patchwork s'y prêtant par des oeuvres à voix multiples collectives donc de celles où on coud un bloc( carré composé) qui sera assemblé à d'autres . Je l'ai fait pour des ouvrages modestes , et pour de grandes circonstances comme Pour le quilt offert à l'ambassade des USA il ya 20 ans en réaction aux attentats du 11 septembre (à l'instigation de Marese Cayet) ou quelque temps après pour les victimes de l'usine AZF . De même en poésie la participation (ou la sollicitation) pour plusieurs anthologies, ou revues sur un thème . J'aime l'idée d'apporter ma petite pierre à un édifice.
Le duo c'est un autre type d'échange qui exige aussi ... une parfaite loyauté des deux partenaires et une sorte de contrat éthique, au moins tacite, respecté. . Si un tente de blouser l'autre , de le considérer comme un faire-valoir ou un disciple soumis à son maître qui donne toutes les directives, ou de tirer la couverture à soi ...! . J'ai eu à cet égard un souvenir un peu amer (c'est un euphémisme !) celui du Calendrier textile et du textilionnaire (que j'ai rebaptisé en reprenant ..mes billes ).
Mais ce fut malgré mes réserves, des expériences enrichissantes en ce qu'elles m'ont appris sur l'âme humaine. Et donc à choisir les compagnons de route avec plus de discernement.
J'ai saisi aussi qu'en textile j'étais trop singulière en mes envies et exigences pour bien m' apparier sans renoncer à ce qui me restait essentiel . J'ai donc préféré le plus souvent travailler. avec des artistes d'autres valences.
Mais à la même époque me fut donnée la possibilité d'illustrer des poètes de la Librairie Galerie Racine et ce fut sans doute un moment des plus enrichissants dans ma vie d'artiste amateur volontaire. Je m'étais fait la main sur mes propres textes mais illustrer quelqu'un d'autre surtout en textile (les poètes aiment souvent mieux les grands arts Beaux-arts qui leur paraissent plus dignes de leurs mots!) c'est un rude challenge. Ces poètes étaient Jean-Marc Riquier et Elodia Turki (qui nous a quittés en 2021 ) et qui ont permis tous deux cette aventure, Yves Ros et Julie Bataille que je salue de loin si d'aventure ils passent ici . qu'évidemment je ne possède plus ces oeuvres puisque j'ai choisi de les offrir aux poètes qui m'avaient permis de les illustrer.
Lien vers l'exposition Text-iles
Un peu plus tard il y eut de la part d'une correspondante suédoise la demande de faire deux ouvrages aux couleurs de nos drapeaux, Chacune faisait un tour et récupérait le quilt de l'autre pays . Malheureusement j'ai perdu de vue la partenaire à ce moment-là. Le tourbillon de la vie... en reste cette belle surface , matelassée par Simone Struss Je n'ai pas la photo du quilt aux couleurs d la France. De celui-ci seule la deuxiàme bordure est de moi le reste deD'inger Hellström .Si elle passe ici qu'elle sache que je ne l'ai pas oubliée.
Les ateliers d'écriture de Floreffe en Belgique ont permis une amitié avec l'artiste et écrivaine Josiane Hubert. Deux livres en sont nés Le premier avec des texts de Josiane sur mes images numériques et ce fut Chambre D'échos Le second Des textes de moi sur des images de Josiane et ce fut Fondus au noir. les deux aux éditions Vincet Rougier sont disponibles à la vente chez les auteurs, l'éditeur et librairies en ligne.
Un peu lus tard mon amie Denise Jardy-Ledoux qui anime le cercle poétique du cénacle du Douayeul me demanda d'illustrer en textile Les simples écritures de Jeanne Maillet
Lien vers les simples écritures
Au début de la pandémie, l'artiste Nicole Pessin me demanda si ne voulais pas écrire sur les dessins de licornes (et ce monde fantastique et extrordinaire propre à l'artiste autour..) et ce fut Licornes et sortilèges en 2020 en plein confinement (nous appelions cela le licoronavirus !) . Préface de Jean-Paul Gavard Perret.
Lien vers licornes et sortilèges
Lien vers le site de Nicole Pessin
En 2021 j'ai proposé à L'artiste Danielle Berthet de rédiger une Apostille (les notes de bas de page d'un texte qui est à deviner . la source en est une phrase de Fernando Pesoa et ce furent ces livres d'artistes Ode ro(s)se ( en vente chez Danielle Berthet) , une autre collaboration donc très titillante pour l'esprit .
lien vers le site de Danielle Berthet
Au delà de ces collaborations si enrichissantes pour moi, , je vous invite à découvrir les univers de ces artistes et poètes avec qui j'ai eu le bonheur de travailler. Elles sont présentes sur Facebook .Leur oeuvre en vaut non la peine, mais le plaisir !
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oeuvre poétique 1966-2020
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 10/04/2021
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Parution fin février 2021 de cette oeuvre poétique 1966-2020
Elle regroupe tous mes recueils et un bo nnombre de pièces "éparses" .
Plus les illustrations qui ne sont pas là pour enjoliver .
520 pages sur papier 115g couché satiné dont 183 en couleurs , comportant des pohtos de textiles, des images numériques et des reproductions de manuscrits.
La couverture comme la maquette, c'est de moi aussi (comme dirait Numerobis!)
Plus quelques coquilles et une erreur de pagination (un texte fait doublon mais il n'en manque aucun ! ) qui m'ont échappé , mais la perfection m'échappera toujours!
Les premiers 50 exemplaires sont déjà partis , plus vite que nel ne l'escomptais ,vers des bibliothèques amies . Il reste un peu de stock du retirage . Ce sera tout et donc si le veut ; se dépêcher .Ce livre n'est pas en librairie .
M'écrire sur chiffondart@aol.com.
Je précise il n'y a pas d'éditeur je n'en ai pas cherché, aucun ne l'aurait accepté du moins comme moi je le voulais c'est aussi un moyen de réduire le coût . J'espère en votre absence de préjugés et votre liberté de jugement à cet égard et que tout comme moi vous êtes capables d'apprécier un texte sans sélection préalable ...que je n'ai pas tentée .
On peut lire deux critiques le littéraire.com
et le salon littéraire
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Le bonheur en lisière -4
- Par FISCHER JACQUELINE
- Le 04/02/2021
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Au cours des années 90, j'ai commencé ma collection de livres américains achetés chez Brentano's, le plus souvent , puis diffusés par les commerçantes- artistes quilteuses de l'époque , si on voulait vivre de son art, il fallait déjà en passer par là , vendre des modèles, des kits, des tissus, organiser des stages. La machine commerciale était en route. Point trop de salons et un art pas encore vendu aux marchands du temple, cependant. Ma première grande influence fut l'artiste Nadine Rogeret à qui j'achetais mes premiers tissus américains . Ce furent longtemps, les seuls. J'aimais sa façon de créer en mélangeant dans ses oeuvres une inspiration qui venait de la géométrie et des compositions tout à fait personnelles. On voit nombre de ses oeuvres dans le livre de Claude Fauque Le patchwork ou la désobéissance . Si une me fut exemple, dans mes débuts en mosaïque de tissus, ce fut elle et je la salue au passage .
Je m'intéressais donc à cette géométrie dite traditionnelle et américaine , parce qu"elle coïncidait, en moi, à mille manières de construire avec des tissus. J'ai toujours aimé mettre beaucoup d'étoffes différentes dans ce que je fais , parce que pour moi c'est une sorte de richesse de vocabulaire. A mes yeux, c'était de la mosaïque, de la marqueterie, arts qui m'ont toujours fascinée et dont je n'ai jamais compris qu'ils soient jugés comme décoratifs et mineurs sauf quand un grand nom s'en empare , que la peinture s'en inspire ou qu'un mouvement d'arts plastiques en vogue les récupère. J'ai expérimenté évidemment, depuis, d'autres voies et certaines de mes créations actuelles sont toutes différentes, mais cette variété est la pierre angulaire de ce qu'on me pardonnera d'appeler ma démarche. Or, mettre énormément de tissus, de motifs et de couleurs venus non de chez un marchand qui vous les a assortis mais des découvertes et trouvailles un peu partout - neuf et ancien mêlés - exige pour équilibrer une rigueur que la géométrie des blocs et leur répétition me donnaient . La miniaturisation des morceaux aussi.
J'en étais donc là, à prospecter dans ma collection de tissus et les différents dessins issus de ce qu'on nomme "tradition" - J'envoyais en guise de voeux à l'association une photo d'un de mes patchworks, , on était début 92 et à ma grande surprise la directrice de publication Suzanne Lambert me répondit , et m'encouragea. Elle fit mieux elle publia comme modèle ce premier quilt réalisé d'ailleurs bien des années avant d'après un bloc trouvé dans une revue. Ce fut pour moi un puissant déclencheur, le geste qui me donna confiance . Mon livre lui est dédié. Sans elle, je n'aurais pas cru en moi. Je croiserai plus tard d'autres personnes (et aujourd'hui encore!) qui m'aideront à dépasser mes doutes, à continuer, car seule et souvent à contre-courant , ce n'est pas si facile. Je veux saluer celle qui fut pour moi à l'origine de ce que je nomme ma seconde vocation (la première, comme on le sait, était l'écriture ). et je préfère oublier les réflexions inévitables du genre "on te l'a pris parce qu' à l'époque, 'on manquait de modèles". Car oui , c'est ce qu'on entend au sein de notre corporation. (à suivre)
Pour Guillaume -1990- parution 1993 Nouvelles du Patchwork
tissus américains et de récupération